L’année 2022 avait été spéciale pour le système électrique français : une crise d’approvisionnement du gaz en Europe induisant des prix élevés, un parc nucléaire français historiquement fragilisé, et une faible production hydroélectrique. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, responsable de l’équilibre du système, évalue annuellement les grandes tendances passées. Son dernier bilan prouve que l’année 2023 renoue avec un profil plus classique, même si elle est caractérisée par un « nouvel équilibre » selon Thomas Veyrenc, membre du directoire en charge de l’Économie, de la stratégie, et des finances de RTE.
Voici les six principaux marqueurs de 2023.
Consommation
Portée par les efforts d’économies d’énergie de l’hiver 2022-2023, la population française a persévéré, d’où une consommation d’électricité de 445 TWh l’an dernier (donnée corrigée des effets météorologiques et calendaires). C’est une baisse de 3,2 % par rapport à 2022, et une baisse de 6,9 % par rapport à la moyenne 2014-2019. Il faut remonter 20 ans en arrière pour retrouver ce faible niveau de consommation. Une victoire pour les tenants de la sobriété et de l’efficacité énergétiques, mais jusqu’à quand ? Si les prix de l’électricité restent élevés, il est probable que cette situation perdure, d’autant plus que les collectivités et entreprises qui ont vu leurs efforts payés seront enclines à continuer. Mais RTE envisage toujours une hausse de la consommation à terme, à cause des politiques de décarbonation qui vont conduire à une électrification des usages (véhicules électriques, pompes à chaleur, procédés industriels, production d’hydrogène, etc.).
Nucléaire
Le cœur de la production électrique française a retrouvé des couleurs en 2023. Il était difficile de faire autrement après l’annus horribilis que l’atome civil a connu en 2022. Grâce à une reprise des réacteurs qui avaient été arrêtés pour maintenance ou réparation des tuyaux endommagés par de la corrosion sous contraintes, la production a connu un rebond de 11 % pour atteindre 320 TWh. Ce niveau est celui de 1992, et il reste 19 % en dessous de la moyenne de 2014-2019. Le taux de disponibilité du parc nucléaire est repassé de 54 % en 2022 à 63 % en 2023. Il est donc encore loin de son fonctionnement nominal (le taux était de 74 % en moyenne entre 2015 et 2019). L’objectif affiché par la filière de remonter la pente fait espérer à RTE que le nucléaire puisse atteindre un volume annuel de 360-400 TWh, dès que l’EPR de Flamanville aura démarré.
Hydroélectricité
La production hydroélectrique a retrouvé sa 2e place après une année 2022 à faible pluviométrie. La pluie – en particulier sur la deuxième moitié de 2023 – a permis aux stocks hydrauliques de se reconstituer. La production a ainsi augmenté de 18 % pour s’élever à 58,8 TWh. Ce retour au meilleur niveau des années passées est rassurant pour 2024.
Éolien et solaire photovoltaïque
Juste derrière l’hydroélectricité, la production éolienne culmine à 50,7 TWh en 2023 dont 1,9 TWh d’éolien en mer. Ce bon chiffre tient à l’augmentation du parc installé (+1 300 MW sur terre et +350 MW en mer) et à de bonnes conditions de vent, en particulier les mois d’hiver où plus de 6 TWh mensuels ont pu sécuriser l’approvisionnement sur la saison froide. RTE note également que le facteur de charge de l’éolien terrestre dépasse 25 %.
Pour le solaire photovoltaïque, le parc a grandi plus vite que les années précédentes en passant de 15,8 à 19 GW en 2023, permettant de produire 21,5 TWh. On notera que cette croissance des renouvelables se fait avec un niveau modéré de batteries dont le parc est passé de 490 à 807 MW.
Cumulées, les productions éoliennes et photovoltaïques dépassent désormais celle de l’hydroélectricité, une position qui ne s’inversera plus désormais. Pour l’avenir, RTE rappelle la nécessité d’accélérer le développement de ces énergies renouvelables variables, indispensables pour alimenter la future hausse de la consommation.
Émissions de CO2
Le système électrique français a émis 16,1 MtCO2 en 2023. Ce chiffre, beaucoup plus faible que celui de 2022 (23,8 MtCO2) tient au fait que les centrales thermiques fossiles ont été beaucoup moins sollicitées. En effet, elles n’ont produit que 32,6 TWh dont 30 TWh pour la seule filière gaz. Ainsi, l’intensité carbone de l’électricité française est de 32 gCO2/kWh quand l’Allemagne est encore à 303 gCO2/kWh (malgré une baisse de 29 % depuis 2017). La partie d’électricité que la France a importée représente 0,8 Mt CO2, un chiffre en forte baisse par rapport à 2022 (5,2 MtCO2), car la France est redevenue exportatrice nette (voir point suivant) et parce que les autres pays européens décarbonent aussi leur parc de production. Ainsi, 64 % des importations françaises étaient décarbonées.
Échanges et prix
Alors qu’elle avait été fortement importatrice d’électricité en 2022 (-16,5 TWh) à cause du déficit nucléaire, la France a renoué avec sa tradition exportatrice nette, à hauteur de +50,1 TWh en 2023. Les échanges avec les autres pays sont soutenus et la France se retrouve à importer plus régulièrement qu’auparavant. Elle profite notamment des périodes où l’électricité est moins chère dans d’autres pays, comme en Espagne, seul pays avec lequel l’Hexagone est importateur net (voir carte ci-dessous). Au niveau des prix, les marchés de gros ont connu une accalmie, avec une moyenne annuelle des prix spot horaires de 97 €/MWh en 2023, loin des 276 € de 2022 ! Un niveau moindre qu’en 2021 également, mais encore au-dessus de ceux de la période 2014-2019.
L’excès de production renouvelable non arrêtable lors de périodes de moindre consommation, notamment le solaire photovoltaïque l’été, a conduit à 147 heures de prix négatifs sur le marché français. Cet effet se retrouve dans d’autres pays européens et nécessite, selon RTE, de faire évoluer le profil de consommation vers les moments de forte production solaire, et de développer les flexibilités de la demande.
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