Outre leurs performances spécifiques, ces batteries offrent une alternative à la technologie lithium-ion dont la production repose sur des matériaux critiques par leur rareté et leur provenance géostratégique.
Issu du réseau français sur le stockage électrochimique de l’énergie (RS2E) porté par le CNRS, Tiamat dispose aujourd’hui de plusieurs prototypes fonctionnels, et planche actuellement sur la construction d’une gigafactory sur le sol français dans les années à venir, pour alimenter un marché européen qui va fortement croître dans les années à venir.
Hervé Beuffe, Président de Tiamat, a expliqué à Techniques de l’Ingénieur ce qui fait la spécificité des technologies sodium-ion et de la société Tiamat.
Techniques de l’Ingénieur : Présentez-nous la société Tiamat et la spécificité des batteries au sodium que vous développez ?
Hervé Beuffe : Nous développons une façon spécifique de réaliser des batteries sodium-ion. Comme pour les batteries lithium-ion, on retrouve dans la famille des batteries au sodium plusieurs chimies de cathode, qui ont chacune leurs spécificités. On distingue ainsi trois chimies différentes.
La première, les PBA (Prussian Blue Analogs) sont des matériaux de cathode peu chers et disponibles facilement. Cependant, ils vont offrir des performances de batteries moyennes. La seconde famille de chimie de cathode, les matériaux polyanioniques, constituent les cathodes de notre première génération de batteries, qui sont aujourd’hui sur le marché. Ces composés cristallographiques ont une très forte densité de puissance, ce qui permet de fournir une forte quantité de courant sur un laps de temps très court. Ce qui permet, par exemple, de charger nos batteries de génération 1 en 10 minutes. Nous nous situons avec cette génération de batteries sur une densité d’énergie que je qualifierais de moyenne, d’environ 100 Wh/kg.
Quelles sont les applications pour ces batteries de puissance ?
Les applications pour ce type de batterie de puissance vont être l’hybridation automobile, les applications stationnaires de puissance, l’accompagnement des fuel cells d’hydrogène, les power tools… Au final, cette batterie de génération peut intéresser un ensemble de secteurs de marchés assez dispersés, mais qui au final représentent un volume relativement important. Notre ambition est de devenir la référence des batteries de puissance. Le matériau que nous avons développé pour cette application, le MVPF, est de plus breveté, ce qui nous permet d’être protégés quant à la spécificité de nos batteries de première génération.
Quels sont les matériaux qui constituent la troisième chimie de cathode des batteries au sodium ?
Les composés lamellaires constituent la troisième catégorie de matériaux utilisés. Ils concentrent d’ailleurs une très large majorité des recherches et des innovations actuelles. Notre seconde génération de batterie, que nous développons en parallèle de la première, fonctionne avec ces composés. L’ambition avec cette seconde génération de batteries est de se rapprocher des performances des batteries LFP (lithium-fer-phosphate). Voire de les dépasser. Il ne s’agit pas d’un produit de puissance comme peut l’être notre batterie de première génération, mais d’un produit de densité moyenne, qui peut par exemple trouver des débouchés dans le secteur de la mobilité électrique.
Les ambitions européennes en termes de production de batteries dans les années à venir sont très importantes. Comment relever ce défi ?
En 2030, une étude du cabinet McKinsey estime qu’il faudra 4,7 TWh de fabrication de batteries annuelles dans le monde. Ces chiffres illustrent entre autres la volonté européenne d’aller vers une mobilité électrique rapidement, pour répondre aux enjeux climatiques. Pour réaliser cela, les ressources en matériaux manquent. Nous ne disposerons d’ici à 2030 que de seulement 50% du lithium et du nickel nécessaires pour atteindre cet objectif. Et 80% pour le cobalt. Il est donc indispensable de développer des solutions alternatives. Les technologies sodium-ion que nous développons peuvent permettre d’atteindre cette ambition de 4,7 TWH, notamment car nous sommes d’ores et déjà en phase d’entrée sur le marché.
Qu’en est-il du recyclage des batteries au lithium ? Pourrait-il permettre d’éviter l’écueil du manque de ressources ?
Pas avant 2030, c’est certain. Les premières batteries à recycler seront disponibles dans environ cinq ans, et elles ne représenteront qu’une part infime des besoins à ce moment-là. Le recyclage sera toujours à la marge par rapport à l’utilisation de matériaux neufs, il ne peut pas être la solution au problème. Même s’il est bien sûr nécessaire de recycler les batteries, cela fait aujourd’hui partie de notre mission, et elle est indispensable. Mais cette mission de recyclage est à décorréler des objectifs de production de batteries européens pour 2030.
Pouvez-vous nous expliquer les contours du projet de gigafactory porté par Tiamat ?
Nous disposerons d’une usine à la fin de l’année 2025, qui aura une capacité de 1 GW extensible à 5 GW et qui fournira le marché européen en cellules prismatiques à destination de marchés que nous avons identifiés. Nous aimerions installer cette usine près de notre emplacement actuel à Amiens. Il se trouve que de nombreux acteurs français du secteur des batteries se trouvent dans le Nord, il existe donc une opportunité pour développer un écosystème de la batterie dans la région qui profiterait à l’ensemble de la filière.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
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