Une nouvelle génération de biosenseurs, les nanobiosenseurs, dont les éléments sensibles sont des récepteurs olfactifs, peut déboucher sur des nez bioélectroniques performants, bon marché, permettant une mesure quantitative et directe, sans marqueur. Ils pourront en particulier être intégrés dans des instruments pour le diagnostic médical non invasif, ou pour la recherche rapide de composés nocifs ou contaminants, en particulier dans le cadre du contrôle qualité et du suivi de la composition.
Les applications potentielles des biosenseurs sont très larges, dès lors que la détection et la caractérisation rapides d’une odeur sont en jeu, dans des domaines aussi variés que :
- le suivi/contrôle en ligne de processus industriels, ou d’étapes de processus naturels (maturation des fruits, développement des arômes) ;
- la sécurité alimentaire par la détection de composans toxiques, le contrôle de la qualité, de la provenance, de la composition, des contaminants de produits alimentaires ou cosmétiques ;
- la sécurité : identification des personnes, robots pour la recherche de personnes ensevelies, détection de produits dangereux (explosifs) ou illicites (drogues) par leur signature odorante ;
- le diagnostic médical non invasif par détection d’odeurs associées à des pathologies (mélanomes, divers cancers, infections par Candida, schizophrénie, phénylcétonurie, asthme…) dans des fluides biologiques (sang, urine) ou dans l’haleine. Ces biosenseurs pourraient également se substituer à l’analyse sensorielle classique faisant appel à des panels d’individus entraînés, en particulier lorsqu’il s’agit de composés potentiellement toxiques ou désagréables.
- Utilisation de chiens ou de rats entraînés, pour détecter la présence d’explosifs ou de drogues (K-9 detect target odors ).
- Apprentissage de la reconnaissance d’odeur par les abeilles : réponse par comportement conditionné, détection possible d’une large gamme de produits odorants, utilisation dans le domaine de la sécurité (détection d’explosifs).
- Diagnostic par des chiens détectant des odeurs associées à des cancers : directement sur des patients (mélanomes), ou par la détection d’une odeur associée, dans les urines, le sang, l’haleine (cancer de la vessie et de la prostate, cancer de la vessie…).
- Dépistage par des African Gambian Pouch rats en Afrique sub-saharienne, par une odeur associée à la mycobactérie de la tuberculose dans les crachats.
Le développement des biosenseurs olfactifs est encore récent. Il est certain que les progrès dans le domaine de l’imagerie à l’échelle moléculaire (microscopie à champ proche) ainsi que le développement des micro- et nanotechniques de fabrication de capteurs et de la nanoélectronique pour mesurer de très faibles signaux électriques à partir de ces objets, vont augmenter les performances de ces systèmes.
Toutefois, la compréhension de la régulation de l’expression des récepteurs olfactifs, ainsi que la désorphanisation et la caractérisation d’un plus grand nombre de ces récepteurs restent des étapes clefs pour permettre le plein essor de ces biocapteurs olfactifs.
Les exemples sont nombreux dans tous les secteurs :
- Environnement : qualité de l’air, contaminants dans l’eau, analyse de fumées, pollution odorante produite par l’industrie ou l’agriculture, détection automatique de fuites.
- Qualité : contrôles d’origine, qualité, dégradation, pureté, pour matières premières, denrées périssables ou produits cosmétiques.
- Suivi en ligne de processus environnementaux (mûrissement, fermentations…) ou industriels.
- Sécurité : détection d’explosifs, de substances illicites, d’agents toxiques, recherche de personnes enfouies.
- Médical (diagnostic) : diabète/haleine, schizophrénie/odeur corporelle, cancer (prostate, vessie, poumon, sein, melanome, lymphome, leucémie…). Problème de variabilité interindividuelle et bruit de fond.
La désorphanisation
Désorphanisation des récepteurs olfactifs : l’immense majorité des récepteurs olfactifs n’a pas encore de ligand odorant connu. Il est très difficile de mener cette étude dans l’épithélium olfactif, car chacun des quelque 10 millions de neurones sensoriels présents exprime un type de récepteur olfactif parmi les quelques centaines de récepteurs olfactifs présents dans le génome. Il faut donc se tourner vers des systèmes d’expression fonctionnelle hétérologue, avec les difficultés déjà mentionnées, pour pouvoir procéder au criblage de centaines d’odorants de fonctions chimiques, longueurs de chaîne carbonée, branchements différents, sur toute une gamme de concentrations. Actuellement, on peut estimer à quelques dizaines le nombre de récepteurs olfactifs dont les ligands préférentiels sont identifiés, toutes espèces confondues.
Les analyses sur puces, ainsi que les micro- et nanobiosenseurs olfactifs ne requièrent que de très faibles quantités de nanosomes porteurs de récepteurs olfactifs préparés à partir de levures modifiées. Leur coût en terme d’éléments sensibles est donc minimal. Cette conception de capteurs offre donc de réelles possibilités pour l’élaboration d’un réseau de micro- ou nanocapteurs, qui pourrait mimer un nez biologique.
En outre, le test de RPS décrit ici peut tout à fait convenir au criblage à haut débit d’autres GPCR, d’intérêt pharmacologique en particulier, par les méthodes d’analyse automatique bien établies, car les récepteurs immobilisés peuvent être stimulés répétitivement sans manipulation spéciale, moyennant un temps de récupération de 30 min entre deux stimulations successives.
Par Jasmina Vidic et Edith Pajot-Augy
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