Les tourteaux de colza et de tournesol sont des produits riches en protéines obtenus lors de l'extraction de l'huile. Jusqu'à présent, ils sont valorisés sans transformation et sont destinés à l'alimentation des animaux. Le groupe Avril et le LRGP développent des procédés de bioraffinage pour produire de nouvelles matières protéiques destinées notamment à l'alimentation humaine.
Le colza et le tournesol représentent un véritable enjeu pour la France et de l’Europe. Riches en lipides et en protéines, ces deux plantes oléoprotéagineuses permettent de produire de l’huile pour l’alimentation et des biocarburants, mais aussi des protéines afin de limiter la dépendance au soja importé depuis le continent américain. Jusqu’à présent, ces protéines végétales appelées tourteaux, sont valorisées en l’état, sans transformation, et sont destinées à l’alimentation animale. Le groupe Avril et le LRGP (Laboratoire Réactions et Génie des Procédés) développent des procédés de bioraffinage afin de produire de nouvelles matières protéiques issues de ces tourteaux et destinées à l’alimentation humaine, dont les besoins en protéines végétales ont fortement augmenté ces dix dernières années, ainsi qu’à l’alimentation animale.
Les procédés de transformation mis en œuvre ont pour objectif d’extraire les protéines contenues dans ces tourteaux pour améliorer leurs propriétés nutritionnelles et fonctionnelles, notamment tensioactives, qui sont recherchées dans la formulation de produits alimentaires : agent moussant et émulsifiant. En purifiant ces matières protéiques, il est également possible de fabriquer des analogues de viandes et de produits laitiers (yaourts et laits végétaux). Ce raffinage a aussi pour but d’éliminer les molécules antinutritionnelles (acide phytique, composés phénoliques, glucosinolates), responsables de problèmes de goût végétaux.
Les scientifiques du groupe Avril et le LRGP ont travaillé sur deux types de produits protéiques présents dans ces tourteaux. Tout d’abord, les isolats qui sont obtenus grâce à un procédé d’extraction et l’utilisation d’un solvant aqueux, contenant de l’eau, du sel et de l’acide. Une seconde étape de purification à l’aide de procédés membranaires permet ensuite d’éliminer les constituants indésirables pour conserver uniquement la protéine.
« Ces procédés existaient déjà, mais nous les avons adaptés pour qu’ils fonctionnent dans des conditions optimales avec des oléoprotéagineux, explique Romain Kapel, professeur à l’université de Lorraine et chercheur au LRGP. Nous obtenons un isolat contenant au moins 90 % de protéines et des propriétés fonctionnelles intéressantes. Malgré tout, nous sommes parvenus au constat qu’il serait très compliqué d’exploiter industriellement cette voie, car les quantités de sel et d’eau utilisées génèrent des volumes d’effluents liquides extrêmement importants, que nous ne savons pas valoriser. Bien que cette voie permet d’obtenir des produits satisfaisants, son exploitation industrielle est trop complexe. »
Développer un procédé de lavage à faible impact environnemental
Les chercheurs se sont alors orientés vers un autre produit contenu dans les tourteaux : le concentré, moins riche en protéines et plus complexe que l’isolat, mais dont les procédés à mettre en œuvre pour le valoriser sont différents. Au lieu d’extraire les protéines puis de les purifier, la méthode consiste à éliminer les molécules indésirables du solide pour ne conserver que la protéine. Pour cela, un procédé de lavage est employé grâce à un mélange contenant de l’eau et un solvant vert (de l’éthanol) et en jouant sur les conditions d’utilisation. De cette manière, il est possible d’éliminer les molécules antinutritionnelles cibles et d’obtenir un produit pouvant être utilisé en alimentation humaine.
Pour approfondir ces travaux de recherche sur ce concentré, qui pour l’instant est très peu connu, le groupe Avril et le LRGP ont créé un laboratoire commun appelé PROSEED. « Grâce à ce procédé de lavage, nous obtenons un concentré dont la teneur en protéines varie entre 60 et 70 %, avec plafond à 75 %, alors qu’à l’origine, la teneur était de 30 et 35 %, révèle Romain Kapel. Par contre, ce produit contient encore des fibres alimentaires et l’un des enjeux scientifiques de notre travail est de savoir comment piloter le procédé de façon à obtenir des propriétés fonctionnelles satisfaisantes pour l’industrie agroalimentaire. Le procédé de lavage peut être amené à un stade industriel, mais il faudra trouver les bonnes conditions pour obtenir des propriétés fonctionnelles qui sont complexes à maîtriser. »
En parallèle, des travaux de recherche sont menés pour valoriser les effluents liquides issus des lavages. Plusieurs pistes sont étudiées. Pour les glucosinolates, l’une des voies envisagées est de les utiliser pour faire du biocontrôle, une méthode de protection des végétaux utilisant des mécanismes naturels. Ici, l’idée serait par exemple de fabriquer des biopesticides, car les graines de glucosinolates sont déjà utilisées pour éloigner les insectes et les ravageurs. Quant aux composés phénoliques, ces molécules antioxydantes pourraient être utilisées dans le domaine de la chimie biosourcée. « Nous travaillons sur des procédés de capture de ces molécules à partir des effluents de lavage, ajoute Romain Kapel. Ce travail s’inscrit dans une démarche d’évaluation des impacts environnementaux de ces productions avec des notions de recircularité des intrants, c’est-à-dire de l’eau et l’éthanol. »
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