En mars 2015, Google admettait avoir échoué dans son projet de Google Glass grand public – les lunettes étaient trop chères (1.500 dollars), et leur côté trop invasif a été mal accepté par certains. Cinq mois plus tard, l’entreprise a pourtant relancé, discrètement, ses lunettes connectée. Mais pour les entreprises.
Google fait en effet le pari que ses lunettes seront utilisées ailleurs – dans la médecine et la chirurgie, dans la maintenance industrielle et dans le secteur de l’énergie. La firme prévoit d’en vendre 10 millions d’exemplaire par an, d’ici à 2018, dans le secteur de l’entreprise. A croire qu’un jour, nous serons tous munis de lunettes connectées au travail.
Chirurgiens 2.0 et contrôleurs augmentés
A commencer par la restauration rapide. La chaîne de restaurants KFC fait figure de pionnier : certains de ses employés sont désormais formés à l’aide de Google Glass, qui leur montrent, étape par étape, comment faire un sandwich, ou comment éteindre une friteuse. Résultat : une formation plus rapide, et un coût de formation qui devrait être réduit d’une dizaines de millions d’euros – si la technique était déployée dans les 8000 restaurants de l’entreprise. Dans les pas de KFC, la chaîne Taco Bell prévoit aussi d’utiliser les Google Glass pour former ses employés.
Les Google Glass sont aussi en passe de devenir le nouveau gadget des chirurgiens, dans le cadre de la télémédecine. Ainsi, dans les hôpitaux suisses et américains, des chirurgiens filment déjà leurs interventions grâce à des Google Glass. A l’autre bout du monde, d’autres médecins, ou des étudiants, tous munis de lunettes connectées, assistent aux opérations en direct. Pendant que le chirurgien saisit un scalpel, défile sous les yeux du chirurgien débutant, un message s’affiche : “incision imminente”. Les confrères du spécialiste, plus chevronnés, peuvent, eux, donner des conseils et assister leur collègue.
Du côté des transports, les Google Glass pourraient donner naissance à des “contrôleurs augmentés”. A la SNCF, un projet (testé durant l’automne 2014) devrait être généralisé : l’utilisation par les agents iDTGV, de lunettes connectées pour valider les billets de train et identifier les passagers. Pratique pour valider les billets de train et pour identifier les passagers : il suffit en effet de “scanner le ticket” en le regardant. Puis apparaissent devant les yeux, le nom de l’usager, son numéro de siège, et son anniversaire.
Banquiers et policiers robocop
Les Google Glass sont aussi le nouveau graal des conseillers bancaires. La Banque populaire teste ainsi une application pour ses conseillers dans l’Ouest de la France. Munis de Google Glass, ces derniers accueillent les clients en voyant s’afficher sur leurs écrans des informations personnalisées (identité, comptes ou dernière visite). Il s’agit ainsi de reconnaître plus rapidement les clients, afin de « personnaliser davantage la relation ». Les lunettes s’adaptent ensuite aux demandes. Dans le cas de l’achat d’une voiture d’occasion, la cote de l’Argus sera immédiatement indiquée au conseiller, puis les lunettes calculeront un taux de crédit. Enfin, le conseiller verra s’afficher des propositions de contrats d’assurance.
Reste la police et les pompiers, qui font déjà, partout dans le monde, usage des Google Glass lors de leurs actions de terrain. Les policiers de Dubaï et de New-York portent ainsi les lunettes connectées de Google pour enquêter : grâce aux Glass, ils peuvent contrôler les plaques d’immatriculation, comparer des noms et des visages de suspects dans une base de données, consulter rapidement un casier judiciaire (par exemple, lors d’une garde à vue), ou filmer une arrestation. Des applications de reconnaissance faciale (FaceRec, NameTag) ou vocale pourraient même, un jour, leur permettre d’identifier le visage ou la voix d’un individu – mais Google s’oppose pour l’instant à l’utilisation de telles applications.
Chez les pompiers, les Google Glass ont été testées (avec succès) par un américain, Patrick Jackson. Développeur amateur, ce soldat du feu a imaginé une application qui permet d’accéder aux plans d’une maison, ou encore de repérer les bornes à incendie les plus proches lors d’une intervention.
Chantiers BTP intelligents
Mais Google n’est pas le seul à se lancer dans ce domaine. La réalité augmentée et la réalité virtuelle intéressent de nombreuses autres sociétés, qui proposent leurs créations à d’autres secteurs de l’industrie.
Ainsi, dans le BTP, Atheer a conçu des casques de sécurité à réalité augmentée, qui permettent de visualiser des plans de construction, ou d’envoyer des mails aux collègues. La startup californienne Daqri a aussi conçu un mélange de lunettes connectées et de casques de chantier – le “Smart Helmet”, qui affiche en direct des informations utiles à l’ouvrier. Pour mieux travailler (grâce à des plans de construction en 3D, à la vidéo et à l’envoi d’e-mails), et pour préserver sa sécurité, grâce à la vision à 360 degrés.
De son côté, Mitsubishi Electric teste une application de réalité augmentée, conçue par Metaio, sur les lunettes “intelligentes” Moverio, d’Epson. Grâce à cette appli, les techniciens chargés de la maintenance des climatisations sont assistés en temps réel par leurs lunettes, lors de leurs interventions. Sur leur écran, s’affichent ainsi des représentations 3D (des flèches virtuelles et des pictogrammes) qui les aident par exemple à retirer un ventilateur, ou à le réparer.
Enfin, la réalité augmentée profite déjà à l’aviation civile. Ainsi, des constructeurs testent-ils des lunettes connectées pour les agents de maintenance des avions. A Londres, Virgin Atlantic a ainsi équipé, le temps d’un test, ses techniciens de lunettes Sony SmartEyeglass. Objectif : améliorer la communication et la collaboration en temps réel entre les équipes de mécaniciens et les agents de maintenance, notamment grâce au partage de photos et de vidéos, lors d’une réparation.
Des “supers” pilotes d’avion
A noter que Virgin Atlantic a aussi équipé, à London Heathrow, son personnel chargé des passagers “Upper class”, de Google Glass. La compagnie aérienne a ainsi testé l’utilisation par ses employés de fonctions permettant de commencer l’enregistrement des voyageurs Business dès leur sortie de leur véhicule, de leur fournir les dernières informations sur le vol, la météo, ou des renseignements sur leur destination. Pour un service encore plus personnalisé, les salariés devraient pouvoir consulter, dans un futur proche, des informations sur les préférences culinaires et les régimes des passagers.
Mais les lunettes de réalité augmentée peuvent aussi être utilisées par les pilotes de ligne. Ainsi, une application pour Google Glass et Epson Moverio, “Aero Glass” (encore en mode bêta test) devrait bientôt permettre aux pilotes de visualiser la topographie, les reliefs et les couloirs de navigation. L’application devrait leur permettre de disposer d’informations sur le trafic aérien et sur la météo. En outre, ils pourront aussi consulter les documents de leurs aéronefs sans quitter leur “route” des yeux, et détecter des obstacles.
Par Fabien Soyez