Au sein de l’agglomération rennaise, la réduction de la consommation d’électricité des stations d’épuration est une préoccupation ancienne. Dès 2004, les installations sont certifiées par la norme environnementale ISO14001. Depuis quelques années, en plus de se soucier de la qualité des eaux rejetées, les agents chargés d’assurer le suivi de l’assainissement doivent aussi veiller à la consommation d’énergie, qui représente l’un des principaux postes de dépenses avec l’éclairage public. Aujourd’hui, les 25 stations de ce territoire, qui compte environ 450 000 habitants, consomment 20 millions de kWh d’électricité chaque année, pour un volume traité de 25 millions de m³. Afin d’aller encore plus loin dans l’efficacité énergétique, Rennes Métropole a décidé de tester un nouvel outil de régulation faisant appel à l’intelligence artificielle.
Celui-ci a été conçu par la société Purecontrol, implantée sur la métropole, à Cesson-Sévigné. L’entreprise est spécialisée dans l’analyse de données industrielles et le contrôle des systèmes de régulation afin d’en améliorer les performances. Depuis quelques mois, elle a mis en place des équipements légers dans trois stations d’épuration afin de collecter les données des différents capteurs présents sur place, puis de les transférer vers des serveurs situés dans les locaux de l’entreprise. Toutes ces données sont ensuite analysées grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle, de type machine learning, qui donnent ensuite des ordres de commandes pour piloter en temps réel les installations.
« Auparavant, nos agents analysaient différentes données disponibles, puis en fonction du contexte, procédaient à des ajustements dans le pilotage des stations, explique Boris Guéguen, directeur de l’assainissement de Rennes Métropole. Suivant la taille des installations, ces ajustements pouvaient être réalisés en moyenne une fois par jour et sur les plus petites, toutes les semaines. Grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle, les réglages sont à présent effectués chaque seconde et prennent également en compte un plus grand nombre de paramètres. »
Un besoin d’aération des bassins moins important en cas de pluies
L’aération des bassins de stockage des boues constitue le premier poste de consommation d’électricité d’une station, avec une part oscillant entre 40 et 50 %. Le pilotage intelligent de Purecontrol permet de démarrer et d’arrêter les moteurs actionnant les aérateurs à des moments très précis, en les décalant par rapport à ce qui était réalisé jusqu’ici. Les algorithmes d’intelligence artificielle analysent différentes données telles que la teneur en oxygène du bassin, le potentiel d’oxydoréduction, ainsi qu’un nouveau paramètre, la pluviométrie, grâce aux prévisions météorologiques. « Quand on sait qu’il va pleuvoir, les consignes habituelles ne sont pas justes, car les effluents d’entrée sont plus oxygénés, et il n’y a donc pas forcément besoin d’apporter autant d’oxygène lors du traitement des boues, déclare le directeur. Grâce à l’analyse de tous les scénarios passés et aux données météo, l’intelligence artificielle est capable d’anticiper ce phénomène pour réduire le besoin d’aération et donc celui d’électricité. »
Il ajoute que ce pilotage intelligent peut être perturbant au départ pour des personnes très rationnelles, habituées à comprendre des phénomènes avant d’en déduire des règles de conduite et des principes techniques : « Nous sommes ici dans le domaine de la datascience qui va tirer de multiples enseignements de nombreux paramètres influençant la consommation d’électricité, mais sans qu’il y ait par ailleurs une expertise humaine derrière chaque corrélation. »
Sur les deux premières stations testées, depuis 15 mois pour l’une et 9 mois pour l’autre, une baisse de la consommation d’électricité comprise entre 10 et 15 % a été constatée. « Cette réduction est significative, car ces installations avaient déjà des performances honorables sur le plan de l’efficacité énergétique », précise Boris Guéguen. Cette phase de test a en tout cas convaincu Rennes Métropole de déployer ce nouvel outil de régulation sur l’ensemble des stations, sauf celles de petite taille qui ne disposent pas d’automatismes. Un autre effet positif à ce pilotage intelligent a également été observé et concerne la plus grande régularité de la qualité des rejets des eaux traitées, et qui s’explique par l’ajustement en temps réel de l’assainissement.
Coupler le pilotage intelligent des stations avec des panneaux solaires
« Lorsque ce nouvel outil sera totalement déployé, notre objectif est de réduire la consommation d’électricité d’en moyenne 10 % sur l’ensemble du parc, ce qui représente un gain de 2 millions de kWh, prévoit le directeur. Le coût de ce pilotage intelligent est largement compensé par les économies d’énergie réalisées. Nous souhaiterions également travailler avec Purecontrol sur la régulation de nos 250 postes de pompage qui amènent les eaux usées vers les stations. Là aussi, il y a un gisement d’économie d’énergie important qui nous permettrait également d’ajuster le débit instantané qui arrive aux stations, et donc d’améliorer encore le traitement. »
Une autre expérimentation est également programmée dans les mois à venir. Cette fois-ci, la métropole souhaite installer des panneaux photovoltaïques équipés de trackers pour suivre la course du soleil, afin d’alimenter en électricité les stations. L’idée serait de coupler cette technologie avec les outils de régulation de Purecontrol dans le but de décaler le plus possible le fonctionnement des stations, et donc leurs besoins en électricité, au moment où les panneaux solaires produisent le plus d’électricité, c’est-à-dire en journée. Ceci, afin d’atteindre un taux d’autoconsommation de cette électricité par les stations le plus élevé possible et ainsi éviter de l’acheter sur le réseau. « En installant uniquement les panneaux solaires munis de trackers, ils devraient fournir environ 35 % du besoin électrique des stations, complète Boris Guéguen. Si nous les couplons avec l’outil de régulation intelligent, ce pourcentage devrait grimper à 50 % et ainsi permettre de consommer quasiment toute l’électricité produite par les panneaux. Nous allons prochainement faire un test de ce couplage sur une station. »
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