Pour mettre fin à la pollution plastique dans les océans, le principal défi n’est pas de recycler les macrodéchets du 7e continent, comme l’imagine le néerlandais Boyan Slat, mais d’augmenter la prévention à terre. « Les images du 7e continent dans l’imaginaire collectif sont fausses. Ce n’est pas une île de déchets où l’on pourrait accoster ; les macrodéchets y sont minoritaires. En réalité, les images montrant des macro-déchets en plastique viennent de la décharge de Saïda au Liban, où les déchets se déversent par débordement directement dans la merMéditerranée. Dans le gyre de l’Atlantique Nord, les estimations sont à 5 kg de déchets plastiques par kilomètres carré, ce qui équivaut à environ une bouteille de plastique répartie en morceaux sur un terrain de football. On ne peut pas envoyer quelqu’un nettoyer cette pollution avec une pince à épiler: la seule solution est d’agir à terre », analyse Michel Loubry, directeur général de PlasticsEurope pour l’Europe de l’Ouest.
Sensibiliser à terre pour ne plus polluer la mer
Les scientifiques estiment que les déchets de matières plastiques retrouvés en mer proviennent à environ 80 % de terre. Il reste 20 % de déchets jetés par dessus bord à partir des bateaux de loisirs, de la marine marchande, des pêcheurs… La seule façon viable pour ne plus retrouver de plastiques en mer, c’est donc d’agir à terre auprès des citoyens, des professionnels et de la marine, « c’est d’arriver à 100 % de collecte et 100 % de valorisation », analyse Michel Loubry.
Pour mettre fin à ce fléau, PlasticsEurope travaille donc sur différents fronts. L’organisme s’attelle notamment à sensibiliser le grand public en soutenant l’opération « Vacances Propres » qui lutte contre les déchets sauvages, et l’opération « Je navigue, je trie ». De plus, la filière travaille à l’extension des consignes de tri pour 2022 et à la fin de la mise en décharge du plastique, conformément au projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Il faut être actif en Europe, mais aussi dans les zones qui polluent le plus. Pour cela, PlasticsEurope a monté un conseil mondial des producteurs de matières plastiques, le World Plastics Council (WPC). L’essentiel de la pollution plastique océanique proviendrait d’Asie. « Notre travail essentiel est de sensibiliser nos amis Chinois, Coréens, Philippins… sur le sujet et faire en sorte qu’ils s’occupent de cette problématique », assure Michel Loubry. « En Méditerranée, la pollution provient majoritairement du Maghreb, de l’Égypte et du Liban… Mais en Afrique, il n’y a pas d’organisme de producteurs, il faut les aider à monter les structures de traitements de déchets », estime-t-il.
« Clean Sweep », pour ne plus rejeter de granulés de plastique
Des granulés de plastique sont trop souvent retrouvés sur les côtes du monde. Pour mettre fin à cette pollution, depuis 3 ans, les producteurs de matières plastiques mettent en œuvre un programme visant à ne plus rejeter ces granulés dans l’environnement. Mais ce programme « zéro granulé perdu » n’est pas suffisant. « Il faut aller au-delà de nos usines, dans toute la chaîne de valeur, c’est-à-dire chez nos clients : les transformateurs, les transporteurs et les distributeurs », prévient Michel Loubry. « Il faut aller jusque dans les ports où est réalisée l’exportation des matières plastiques vers les pays étrangers », juge-t-il.
Les granulés de plastique sont vendus au détail dans des sacs de 25 kg, qui en contiennent environ 3 millions. Dans un entrepôt de logistique ou dans un port, si un sac se perce, il faut faire en sorte que l’ensemble des granulés soient ramassés et jetés à la poubelle. Car encore trop souvent en cas de déversement, les agents lavent au jet d’eau ou avec une souflette à air comprimée, ce qui entraîne le rejet de millions de granulés dans l’environnement. « L’opération Clean Sweep, c’est la mise en marche de l’explication dans toute la chaîne de valeur, de la nécessité de ne jamais laisser traîner des granulés de plastique sur le sol, de les ramasser de les jeter dans la poubelle adéquate », résume Michel Loubry. L’objectif est d’engager toute la chaîne en Europe dans ce travail d’ici 4 ans.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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