Une équipe de chercheurs japonais a réussi à obtenir une image de l'intérieur d'une batterie au lithium à l'aide d'un scanner IRM (Imagerie par Résonance Magnétique). Le professeur Junichi Kawamura commente cette première mondiale qui va contribuer à améliorer la sécurité des batteries à lithium, l'énergie de demain pour l'industrie automobile.
Junichi Kawamura dirige le Groupe de recherche en physique des ions de l’Institut de Recherches Pluridisciplinaires en Science des Matériaux de l’Université du Tohoku. Son équipe travaille entre autres sur les batteries lithium-ion, et sur les usages de ces dernières.
Techniques de l’ingénieur : Quels sont les risques attachés aux batteries au lithium ?
Junichi Kawamura : La haute densité énergétique des batteries au lithium les expose à des accidents, comme cela est arrivé en 2006 pour les téléphones et les ordinateurs portables. Les batteries au lithium traditionnelles contiennent une solution organique de sels de lithium qui agit comme un électrolyte en permettant le passage du courant électrique par déplacement d’ions entre les électrodes positive et négative. Les autres batteries utilisent une solution aqueuse d’électrolyte. L’électrolyte organique est l’un des points faibles des batteries au lithium car elle peut facilement prendre feu et présente un risque d’explosion en cas de forte augmentation de la température de la batterie.
A la longue, l’utilisation des batteries au lithium entraîne des détériorations qui se traduisent par une perte de capacité et une perte d’énergie : non seulement la durée de vie des batteries diminue, mais les risques de surchauffe augmentent. Pour pallier à ces problèmes, les batteries au lithium modernes sont équipées d’une micro-puce qui contrôle la charge et la décharge. De plus, certains additifs dans l’électrolyte organique préviennent les phénomènes de décomposition, surcharge, ou surchauffe. Mais l’industrie automobile nécessite des batteries Li-ion beaucoup plus fiables que pour les technologies de l’information. La batterie d’une voiture est près de 1.000 fois plus grosse que celle d’un téléphone portable et elle est soumise à des conditions beaucoup plus difficiles.
En quoi les images prises à l’aide d’un scanner IRM peuvent-elles contribuer à améliorer la sécurité des batteries ?
L’IRM permet de voir l’intérieur du corps humain, mais également l’intérieur de dispositifs industriels comme les batteries à lithium. Traditionnellement, l’IRM sert à observer les noyaux d’hydrogène (protons) contenus dans la plupart des substances organiques et des molécules d’eau. L’électrolyte organique de la batterie au lithium constitue ainsi une bonne cible pour l’IRM.
Grâce à cette technique, nous avons réussi à voir les protons et les noyaux de lithium. Nous avons pu observer la décomposition du solvant organique en contact avec l’électrode négative, l’apparition de gaz ainsi que la répartition des ions Li dans la batterie. Cela devrait nous permettre de mieux comprendre comment l’électrolyte et les électrodes se dégradent, ainsi que les phénomènes de surchauffe ou d’incendie. Dans le futur, l’IRM sera un moyen d’évaluer l’état des batteries à lithium.
Quels sont les enjeux du stockage de l’énergie ?
Les dispositifs de stockage de l’énergie comme les batteries lithium-ion sont l’un des enjeux de la révolution énergétique verte. Ils ne sont pas seulement utilisés dans les voitures hybrides, électriques ou hybrides rechargeables, mais également dans le cas des cellules solaires ou des fermes à éoliennes pour assurer un flux régulier d’énergie. Toutefois, les batteries pour le stockage de l’énergie n’ont que 20 ans d’existence et nos connaissances des mécanismes et des problèmes éventuels sont encore limitées. Les questions de sécurité et de dégradation sont primordiales pour l’avenir car elles vont déterminer le coût total des énergies vertes.
Qu’en est-il des enjeux commerciaux des batteries au lithium ?
Je ne maîtrise pas l’aspect commercial. Mais pour ce que j’en sais, Mitsubishi et Fuji viennent de lancer leurs modèles électriques équipés de batteries au lithium sur le marché japonais. D’autres constructeurs automobiles ciblent les voitures hybrides rechargeables, qui peuvent être chargées la nuit à la maison. Ces modèles devraient aussi être équipés de batteries à lithium.
Le marché des batteries au lithium explose littéralement aujourd’hui. D’après une étude, 4,3 milliards de batteries au lithium seront vendues en 2013, ce qui correspond à mille milliards de yens au Japon [1]. Une autre étude avance la somme de 3 600 milliards de yens dans le monde entier [2].
Propos recueillis par Clémentine Fullias
Sources :
[1] http://www.spi-information.com/report/01036.html (en japonais)
[2] http://response.jp/issue/2008/1126/article117026_1.html (en japonais)
Junichi Kawamura dirige le Groupe de recherche en physique des ions de l’Institut de Recherches Pluridisciplinaires en Science des Matériaux de l’Université du Tohoku. Ses recherches sur la batterie à lithium s’inscrivent dans le cadre de l’Agence gouvernementale de promotion de la recherche (NEDO).
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