Et si demain, l’énergie des voitures électriques n’était plus stockée dans des batteries telles qu’on les connaît aujourd’hui, mais dans la structure même des véhicules, comme le plancher ou la carrosserie ? Ce changement de paradigme pourrait devenir une réalité et repose sur une nouvelle technologie, celle des batteries structurelles. Ces dernières ont la particularité d’être conçues à partir de matériaux dits multifonctionnels, capables à la fois de stocker de l’électricité tout en possédant une intégrité mécanique. L’intérêt est double : gagner en encombrement, mais surtout en poids, afin d’alléger les véhicules et donc augmenter leur autonomie. Au-delà des voitures, cette technologie pourrait intéresser toutes les applications de transport, allant des vélos électriques jusqu’aux avions de petite taille.
Ces batteries structurelles fonctionnent selon le même principe que les batteries électrochimiques au lithium, sauf que les matériaux utilisés ne sont pas les mêmes. Ici, elles peuvent par exemple être constituées de polymères renforcés par des fibres de carbone qui servent à la fois d’électrode et de renforcement structurel mécaniquement porteur. Plus précisément, les fibres de carbone sont noyées dans un matériau formant une matrice à l’image d’un composite. Plusieurs couches sont ainsi formées et empilées les unes sur les autres. « Cette configuration permet le transfert de charge entre les fibres ainsi que le transport des ions lithium, explique Gaël Guégan, ingénieur veille stratégique au Cetim, et auteur d’une note sur ce sujet. Ce qui n’est pas le cas des batteries standard qui sont constituées de matrices, par exemple en vinylester ou époxy sur des composites thermodurcissables. »
D’importants obstacles restent à surmonter avant de voir cette technologie sur le marché, notamment en matière de conception de ces matériaux multifonctionnels et d’industrialisation. Néanmoins, les perspectives sont très encourageantes. Ainsi, l’entreprise américaine Kitty Hawk a mis au point un petit avion électrique dénommé Cora, au gabarit proche de celui d’un taxi volant, et équipé de batteries structurelles dont l’énergie spécifique atteint 220 wattheures par kilogramme. « Pour développer le marché des voitures volantes, il est couramment admis qu’il faudrait atteindre 400 wattheures par kilogramme, complète l’ingénieur du Cetim. Cela signifie qu’il ne reste plus qu’un facteur de deux pour atteindre cet objectif. »
Le plancher de certaines voitures du constructeur Tesla stockera l’électricité
Tesla semble très avancé dans ce domaine puisque le constructeur de voitures électriques a annoncé que son modèle Y, construit dans sa gigafactory à Berlin, sera équipé de batteries structurelles, tout comme son modèle S Plaid. « Leur technologie a été annoncée il y a plusieurs années à travers des brevets, mais c’était tellement avant-gardiste qu’on s’est demandé comment ils allaient s’y prendre pour l’intégrer dans leurs voitures. Ils ont non seulement une longueur d’avance sur les aspects électriques, mais aussi en l’occurrence sur les systèmes de stockage. » Ces batteries structurelles devraient être intégrées dans le plancher des véhicules, à l’aide d’une presse hydraulique de 8 000 tonnes qui sera capable de fabriquer à terme ces planchers en une seule pièce. La firme automobile a annoncé que cette nouvelle technologie lui permettrait de multiplier par 5 l’énergie stockée, par 6 la puissance, et d’augmenter de 16 % l’autonomie du véhicule. « L’intérêt de cette technologie pour le secteur automobile est qu’en réduisant le poids de la voiture, vous pouvez massivement améliorer son autonomie, puisque retirer la moitié du poids du véhicule permet de doubler son autonomie, analyse Gaël Guégan. Ainsi, choisir un matériau qui stocke l’énergie nécessaire à la propulsion et sert également à supporter la charge mécanique de la voiture sera considéré comme un réel avantage. »
En Europe, plusieurs projets de développement de cette technologie sont menés, notamment celui baptisé SORCERER (Structural pOweR CompositEs foR futurE civil aiRcraft). Il réunit quatre universités européennes : l’Imperial College London au Royaume-Uni, l’IMDEA (Instituto Madrileño de Estudios Avanzados) en Espagne ainsi que le KTH (Kungliga Tekniska högskolan) et l’Université technologique de Chalmers en Suède. En plus d’améliorer les performances électriques et mécaniques de ces matériaux multifonctionnels, son objectif est de résoudre les problèmes liés à leur intégration et à leur mise à l’échelle. Les applications visées sont cette fois-ci à destination de futurs avions électriques et hybrides. À terme, il est question de construire un démonstrateur à vocation industrielle, en partenariat entre autres avec Airbus.
Cet article se trouve dans le dossier :
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