Alejandros Datas a accepté de nous parler d’une technologie de stockage innovante, développée dans le cadre du projet européen AMADEUS. Cette solution étonnante, qui consiste à stocker l’énergie sous forme de chaleur, serait 20 fois moins chère qu’un stockage par batteries de type électrochimique.
Alejandro Datas, chercheur à l’Instituto de Energía Solar – Universidad Politécnica de Madrid (IES-UPM), est le coordinateur du projet AMADEUS, qui a pris fin en 2019 et de son successeur NATHALIE. Le but de ce nouveau projet est d’analyser les marchés stratégiques pour cette technologie de stockage d’énergie révolutionnaire.
AMADEUS et NATHALIE sont des projets financés par l’Union européenne, dans le cadre du programme Horizon 2020.
Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement de la technologie de récupération de chaleur développée dans le cadre du projet AMADEUS ?
Son fonctionnement est basé sur l’utilisation de matériaux à changement de phase (PCM) à haute température, tels que le silicium et le ferrosilicium. Cette technologie peut être employée en Power-To-Heat-To-Power Storage (PHPS) et les applications visées concernent aussi bien l’industrie que les bâtiments résidentiels.
Quels sont les avantages de cette technologie par rapport à d’autres solutions de stockage d’énergie ?
Les deux principaux avantages sont le faible coût et la haute densité d’énergie. Les alliages de silicium utilisés pour stocker l’énergie ont un coût inférieur à 2 €/kg et sont capables de stocker 1 kWh par litre de matériau en fusion. Ceci implique donc un coût inférieur à 5 €/kWh, ce qui est faible.
Par ailleurs, la très haute densité d’énergie des alliages au silicium permet de réduire la taille du système. Le coût par capacité énergétique n’excède pas 20 €/kWh, un ordre de grandeur faible comparé au stockage par batterie électrochimique.
Atteindre des coûts aussi faibles est un enjeu important, pour permettre un stockage économiquement viable de gros volumes d’énergie renouvelable.
Le projet AMADEUS est maintenant terminé. Quel est le bilan des avancées majeures ?
Ce projet nous a permis d’atteindre trois objectifs :
- Le développement de nouveaux alliages au silicium, capables de stocker de grosses quantités d’énergie lors du changement de phase, sans variation de volume importante. Ceci résout le problème lié à l’utilisation du silicium pur, qui a l’inconvénient de se dilater de 10 % en se solidifiant, entraînant un risque de rupture du réservoir.
- Démontrer la faisabilité expérimentale d’un nouveau type de convertisseur d’énergie combinant thermoïonique et thermophotovoltaïque. In fine, ce dispositif pourra fonctionner à des températures extrêmes avec une densité de puissance et une efficacité énergétique élevées.
- Établir un prototype d’unité de stockage d’énergie pour démontrer la faisabilité du concept de stockage haute température.
Concrètement, quelles sont les applications potentielles ?
Les technologies développées au cours du projet AMADEUS peuvent par exemple être utilisées pour bâtir des centrales à énergie solaire d’un nouveau genre, avec un meilleur rendement et un facteur de capacité plus élevé. La collecte d’énergie au sein des procédés industriels haute température est également une piste intéressante, car de grandes quantités d’énergie y sont perdues sous forme de chaleur.
Pouvez-vous nous parler plus en détail du concept de PHPS ?
Ces dernières années, les prix de l’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne ont beaucoup diminué, ce qui nous a amenés à envisager une autre application qui paraissait jusqu’ici absurde : transformer l’électricité renouvelable en chaleur, la stocker puis la reconvertir en électricité lorsqu’on en a besoin.
Si l’on se réfère aux lois de la thermodynamique, ce concept que nous appelons Power-To-heat-To-Power-Storage (PHPS) est limité par un rendement maximum de 50 %. Néanmoins, si le coût d’électricité renouvelable est suffisamment faible, cette solution devient bien plus économique qu’utiliser des batteries électrochimiques (coût au moins 20 fois inférieur).
De plus, la chaleur qui n’est pas convertie en électricité pourrait également servir à produire de l’eau chaude ou à alimenter un système de refroidissement par absorption. Il faut savoir que la chaleur représente 50 % de la consommation énergétique de l’Union européenne : développer ce type de système peut donc être une solution clé pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles.
La phase d’industrialisation est-elle proche ?
Le projet AMADEUS a donné naissance à un prototype de laboratoire. Nous avons maintenant pour objectif de construire un prototype industriel de taille plus importante. Le projet NATHALIE doit ainsi nous aider à adapter le design du système aux besoins du consommateur final.
Nous recherchons donc des partenaires industriels ainsi que de potentiels utilisateurs qui pourraient nous aider à définir les paramètres technologiques de ce premier prototype industriel.
Pour en savoir plus sur cette technologie, visionnez cette vidéo explicative.
L’ensemble des publications scientifiques du projet AMADEUS sont disponibles en accès libre.
Dans l'actualité
- Produire de l’énergie en s’inspirant des plantes
- Les énergies renouvelables deviennent la première source d’électricité en Europe
- Les énergies renouvelables électriques résistent en 2020, mais le compte n’y est pas
- Des datacenters bas carbone alimentés en énergie grâce aux déjections animales
- Baisser la consommation d’énergie grâce aux dernières connaissances de la tribologie
- La crise impacte comme jamais les investissements dans l’énergie (AIE)
- Hausse des prix de l’électricité : les marchés spot reflètent le prix du gaz
- En optimisant l’usage de l’IA, les entreprises peuvent limiter leurs émissions de CO2