Selon France Stratégie, le recyclage des ferrailles dans le monde ne pourra pas dépasser 50 % des besoins en acier en 2050. L'organisme recommande à l'Europe de maîtriser sa consommation et de décarboner ses hauts-fourneaux. Et pour atteindre ces deux objectifs, il réclame d'améliorer le mécanisme de tarification carbone aux frontières.
L’industrie sidérurgique représente environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et le fer est de loin le métal le plus utilisé, principalement pour produire de l’acier. La décarbonation de cet alliage métallique est donc essentielle pour lutter contre le changement climatique et son recyclage, bien moins émetteur que la production primaire à partir de minerai, semble la solution idéale. Sauf qu’une note publiée par France Stratégie indique que « les ferrailles sont déjà largement collectées et recyclées et que leur disponibilité dans le monde va croître, sans toutefois dépasser 50 % des besoins en 2050, soit très loin d’une circularité complète. » L’organisme rattaché à Matignon, recommande à l’Europe d’actionner plusieurs leviers pour surmonter cet obstacle.
Et en premier lieu, de maîtriser la consommation d’acier, notamment dans les secteurs du bâtiment et de la construction d’infrastructures. Ceux-ci représentent en effet 52 % de la demande mondiale d’acier, principalement pour fabriquer du béton armé et les structures métalliques. Or, des alternatives à l’acier existent déjà, comme « des armatures en composites fibre-résine qui sont utilisées dans certains cas, notamment pour leur résistance à la corrosion. » Si l’Europe parvenait à réduire sa consommation d’acier, cela lui permettrait d’améliorer sa balance commerciale et de « transférer de la valeur vers des activités comme l’ingénierie des structures ou la production de matériaux géosourcés ou biosourcés, moins intensément exposées à la concurrence internationale que ne l’est la sidérurgie primaire. »
La décarbonation de la sidérurgie primaire est le second axe à actionner selon France Stratégie. Pour l’heure, cette transformation n’a pas réellement commencé, car elle s’avère coûteuse, puisque « les hauts-fourneaux doivent être remplacés par des installations qui devront être alimentées par une énergie généralement plus coûteuse que le charbon. » Ce surcoût est tout de même à relativiser, car même s’il atteint 50 % sur l’acier brut, il ne représenterait par exemple qu’entre 1 % et 2 % de la facture globale d’une voiture. Ramené à la tonne de CO2 évitée, il s’élève entre 100 et 200 euros.
Réviser rapidement les règles de calcul de l’empreinte carbone aux frontières
Pour que ces deux leviers soient actionnés, l’institution rattachée au Premier ministre estime qu’il est nécessaire de changer les politiques publiques de décarbonation. Celles actuellement en place ne prennent pas assez en compte l’effet décarbonant que représente la maîtrise des consommations et le développement de l’acier primaire bas-carbone. « Les comptabilités d’émissions de CO2 les plus couramment utilisées tendent à engendrer une compétition pour la ferraille, plutôt que la maîtrise de la consommation de métaux et la décarbonation de leur production primaire. Ce biais provient de ce qu’elles ne prennent pas en compte le caractère intrinsèquement limité des ressources en ferrailles. »
France Stratégie considère que la tarification du carbone devrait être considérée comme l’outil premier pour décarboner l’industrie. À ce titre, le MACF (Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières), qui doit progressivement entrer en vigueur à partir de 2026, en remplacement des quotas gratuits, représente un bon outil, sauf qu’il n’échappe pas au même écueil que les dispositifs actuellement en place, à savoir les fuites de carbone. « Il couvre les importations de matériaux de base et des principaux produits mono-matériaux (jusqu’aux vis et aux écrous), mais pas ces mêmes matériaux lorsqu’ils sont intégrés dans des produits manufacturés plus complexes (voitures, etc.). »
Selon France Stratégie, il y a une « urgence à étendre le MACF aux produits aval » ; ce point a d’ailleurs déjà été soulevé dans le rapport Draghi. Cette demande va dans le sens des sidérurgistes européens qui réclament que leur industrie soit notamment mieux protégée de la concurrence internationale, qui n’est pas soumise aux mêmes normes environnementales. Le secteur est actuellement en pleine crise et en fin d’année dernière, ArcelorMittal a suspendu son important projet de production d’acier décarboné sur son site de Dunkerque.
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