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Interview

Le recyclage des batteries, thermomètre de la santé de la filière mobilité électrique

Posté le par Pierre Thouverez dans Innovations sectorielles

Le recyclage des batteries est une affaire de transition vers une économie circulaire, mais aussi une question de souveraineté, et enfin de compétitivité, en particulier en ce qui concerne la filière des véhicules électriques. Une équation où les inconnues sont nombreuses.

Si la question du recyclage des batteries ne concerne pas uniquement le cas des véhicules électriques, force est de constater que l’actualité incite à regarder du côté de cette filière dont la santé reste fragile, pour tout un tas de raisons. Et partir d’un constat simple. Selon le cabinet britannique Rho Motion, 17 millions de voitures à batteries ont été vendues dans le monde en 2024, un chiffre en augmentation de 25% par rapport à 2023. La dynamique est donc là. Cependant, si on fait un zoom sur la situation européenne, les ventes sont en recul de 3% par rapport à l’année précédente. Et cette baisse des ventes, si elle s’explique, notamment par l’arrêt des aides à l’achat de véhicules électriques dans plusieurs pays du vieux continent, a des conséquences directes sur les fabricants de batteries, et au-delà sur les recycleurs.

En effet, la baisse des ventes de véhicules électrique fragilise toute une filière qui émerge en Europe à travers de nombreux projets gigafactories de production de batteries, dont le but avoué est de disposer sur le territoire européen de champions industriels capables de concurrencer les acteurs asiatiques – et en particulier chinois – pour disposer d’une forme de souveraineté sur cet élément essentiel au développement de la filière de mobilité électrique. Une volonté de souveraineté qui ne s’arrête pas aux batteries.

Les métaux et terres rares qui les composent font également l’objet de toute l’attention européenne, car ces matières premières sont absentes dans le sous-sol européen. D’où une dépendance très forte, déjà à l’heure actuelle, aux pays qui produisent les métaux constituant les batteries. Pour le lithium, l’Australie, le Chili, la Chine et à un degré moindre les Etats-Unis font partie des plus grands producteurs. Pour le cobalt, ce sont le Congo et la Russie. Pour le Nickel, c’est l’Indonésie qui concentre sur son sol la majorité des ressources. Et ainsi de suite. L’Europe est donc dans une situation fragile – de dépendance – en ce qui concerne son approvisionnement en matières premières pour les batteries. D’où l’importance stratégique de développer une filière de recyclage efficiente et circulariser la chaîne de valeur autour des batteries, seule solution pour pérenniser sur le sol européen l’activité des acteurs industriels de tout l’écosystème du véhicule électrique, avec des approvisionnements en matières premières sécurisés. Tous ces acteurs, somme on le voit, sont interdépendants : ils ont besoin les uns des autres. 

La faillite de Northvolt en est l’exemple le plus récent : malgré des levées de fonds successives pour plus de 13 milliards d’euros, le géant en devenir suédois n’a pas remporté son pari, à savoir concurrencer la Chine sur la production de batteries Lithium/ion. Un échec qui a plusieurs explications, dont le ralentissement des ventes de véhicules électriques. Un effet boule de neige donc, qui touche également les recycleurs. En témoigne la suspension du projet d’Eramet, en partenariat avec Suez, qui visait à construire une gigafactory de recyclage de batteries. Une des raisons évoquée est la grande incertitude sur la capacité de la gigafactory à s’approvisionner en matières premières. Le projet mené conjointement par Orano et Stellantis – Orano s’est depuis engagé avec le Chinois XTC – a lui aussi été annulé fin 2024 : il visait à « refermer la boucle de l’économie circulaire des batteries » selon ses instigateurs, en produisant de la black mass à partir de batteries lithium/ion usagées. Ce projet, également victime de la morosité du marché de l’électrique, éclaire une situation où l’Europe cherche par tous les moyens à développer ses propres moyens de production pour assurer sa souveraineté, sans y parvenir. Car à l’heure actuelle, les véhicules électriques et les batteries produites en Chine sont très performants et moins chers que la concurrence européenne. La fragilité de la filière continentale constatée depuis plusieurs mois n’invite donc pas à un optimisme immodéré.

Cet article se trouve dans le dossier :

Le recyclage, maillon essentiel de la performance industrielle de la filière batteries

La filière véhicules électrique doit jouer collectif
La filière des véhicules électriques à la croisée des chemins
Le recyclage des batteries, enjeu de souveraineté et de circularité
L’innovation, nerf de la guerre du recyclage
Pour aller plus loin

Posté le par Pierre Thouverez


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