Depuis au moins ces deux dernières décennies, une maladie cutanée mortelle touche des grands dauphins dans plusieurs zones du monde. Ainsi, plusieurs cétacés présentant de vastes plaies sur leur peau ont été retrouvés morts aux États-Unis et en Australie. Selon Pàdraig Duignan, Nahiid Stephens et Kate Robb, chercheurs à l’Université de Perth (Australie), ces lésions sont causées par un environnement où la salinité de l’eau devient subitement trop faible. Les résultats de leurs travaux ont fait l’objet d’une publication dans la revue Scientific Reports. Il y est indiqué que les dauphins tombent malades s’ils passent plusieurs semaines ou mois dans un tel environnement.
Plus précisément, cette maladie de la peau d’eau douce est une dermatite ulcéreuse. La peau des dauphins est infectée par des champignons, des bactéries et des algues. Ce phénomène engendre plusieurs conséquences chez ces mammifères. Premièrement, leur peau présente des décolorations vertes, oranges ou jaunes, de forme circulaire. Les observations ont également permis de mettre en évidence une apparition de pustules, allant jusqu’à l’ulcération voire la nécrose de l’hypoderme.
Chez les dauphins touchés, la maladie ne serait pas indolore. « Leur peau est tout aussi sensible que la nôtre, et peut-être même plus encore – ce serait incroyablement douloureux », explique Nahiid Stephens, co-auteur de l’article et vétérinaire à l’Université Murdoch de Perth (Australie), comme le rapporte The Guardian. Les chercheurs indiquent également que les dauphins sont promis à une mort lente. Avant de périr, ils apparaissent très affaiblis. Leur nage est déséquilibrée. Enfin, ils finissent par s’échouer sur les plages, ou se noient, étant incapables de revenir prendre leur souffle à la surface.
Katrina et Harvey, facteurs d’hyposalinité
La dermatite ulcéreuse des dauphins est causée lorsque la salinité de l’eau dans laquelle ils vivent baisse brutalement et de façon significative. Selon les chercheurs, cette hyposalinité se traduit par une concentration de sel dans l’eau qui passe très rapidement de plus de 30 ppt, soit 30 ng par kilo, à moins de 5 ppt, soit 5 ng par kilo. Notons qu’en-dessous d’une concentration en sel de 5 ppt, l’eau est considérée comme douce. Ce phénomène est connu depuis plusieurs années. Une précédente étude publiée en 1999 dans la revue The Royal Society affirmait l’existence d’une « association significative entre la prévalence et la gravité des lésions avec la salinité et la température de l’eau ».
Depuis le début des années 2000, il apparaît que ces épisodes d’hyposalinité sont liés aux fortes précipitations. En 2007, une quarantaine de dauphins ont été observés dans le lac Ponchartrain, en Louisiane. Tous les individus observés présentaient des marques symptomatiques de la maladie de la peau d’eau douce. Durant la tempête Katrina en août 2005, les précipitations ont déséquilibré la salinité de cette eau saumâtre. En 2017, un phénomène similaire a été observé dans la baie de Galveston, au Texas. Suite à l’ouragan Harvey, la salinité de l’eau est passée de 14 ppt à moins de 1 ppt. Cela a causé des lésions cutanées aux dauphins qui vivaient là. Ils ont fini par quitter la zone.
En Australie, le réchauffement climatique est également à l’origine de situations délétères pour les dauphins. En 2007, dans les lacs Gippsland, dans l’Est de l’Australie, des intempéries ont indirectement rendu malades plusieurs individus issus d’une population de 65 dauphins du Burrunan, une espèce endémique. Au moins deux adultes sont morts des suites de leur pathologie. Deux ans plus tard, de l’autre côté de l’île, dans la région de Perth (Australie occidentale), le même phénomène s’est produit. Au moins deux autres dauphins sont morts.
Les cétacés menacés par le réchauffement climatique
Au-delà de ces cas répertoriés aux États-Unis et en Australie, les chercheurs ont répertorié d’autres cas semblables dans le monde. Dans le nord du golfe du Mexique, des plaies cutanées ont été observées chez les grands dauphins communs qui vivent dans les lagons et les estuaires. Les scientifiques notent que bien qu’il ne s’agisse pas nécessairement de la maladie de la peau d’eau douce, ils estiment que la pathologie a nécessairement un lien étroit avec « un stress environnemental ». D’autres cas ont été recensés dans la réserve d’Añhiué en Patagonie, ou sur les côtes du Brésil. Là-bas, « de vastes plaques de peau brun-vert et orange ont été décrites sur des dauphins de Guyane en liberté ».
Notons également que les auteurs de l’étude expliquent que la maladie « continuera probablement là où les communautés de dauphins côtiers dans le monde sont exposées à des changements environnementaux soudains ou sans précédent en raison de changements climatiques ou de perturbations et de la dégradation anthropique de l’habitat ». Puis ils ajoutent que du fait du réchauffement climatique, d’autres espèces de cétacés sont menacées. « La définition de cas est largement applicable à l’échelle mondiale à toute espèce de cétacé habitant des espaces côtiers ou estuariens similaires », indiquent Pàdraig Duignan, Nahiid Stephens et Kate Robb.
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