Face aux nombreux projets de reboisement des terres arides dans le but de séquestrer du CO2, des chercheurs israéliens ont étudié leurs impacts sur le réchauffement climatique, en tenant compte de la réduction du pouvoir réfléchissant du rayonnement solaire qu'ils peuvent entraîner. L'étude démontre que ces projets peuvent produire des effets imprévus sur le climat.
Les terres arides couvrent 40 % de la superficie terrestre mondiale. La reforestation de ces surfaces est souvent considérée comme un moyen de réduire le réchauffement climatique, car en séquestrant le CO2, les arbres permettent de réduire sa concentration atmosphérique. Plusieurs projets de boisement ou de reboisement de zones arides sont actuellement en cours dans le monde. Certains, à grande échelle, ont été lancés ou devraient bientôt débuter notamment en Chine, au Sahel et en Arabie Saoudite. Une étude menée par des chercheurs israéliens et parue dans Science démontre que ces projets peuvent produire des effets imprévus sur le réchauffement climatique.
Comparé à la plupart des autres formes de couverture terrestre, le boisement a pour effet de réduire le pouvoir réfléchissant du rayonnement solaire, que l’on nomme l’albédo. De par leur couleur plus foncée, les forêts ont un albédo plus faible, et donc une capacité d’absorption de l’énergie solaire plus forte, que les milieux ouverts. Elles peuvent donc créer des effets de réchauffements locaux et potentiellement planétaires. Avec le risque que dans certaines régions arides, l’effet de réchauffement lié à l’albédo du boisement compense l’effet de refroidissement lié à la séquestration du carbone par les arbres, en raison du passage d’une terre désertique claire à une couverture forestière dense et plus sombre.
En utilisant une analyse spatiale à haute résolution, les scientifiques ont identifié 448 Mha (Millions d’hectares) propices au boisement, soit l’équivalent de 6 % de la superficie mondiale des terres arides. La superficie restante (94 %) a été exclue, car, entre autres, elle est occupée par des zones urbaines, par des plans d’eau, ou tout simplement, n’est pas compatible à la survie des arbres. Les chercheurs ont ensuite simulé les effets du boisement de ces 448 Mha sur une période de 80 ans, de 2020 à 2100, qui correspond à la durée de vie forestière moyenne rencontrée dans ces régions.
Sur cette période, ils ont estimé le potentiel cumulatif net de séquestration du carbone du boisement à 32,3 gigatonnes de carbone. Mais qu’en contrepartie, plus des deux tiers de ce carbone stocké (22,6 milliards de tonnes) seraient annulés par le réchauffement engendré par la baisse de l’albédo associée. En clair, cela signifie qu’au final, seulement 9,7 gigatonnes de carbone seraient séquestrées par ce boisement, et que le bénéfice net de la reforestation de l’ensemble des terres arides du monde compenserait seulement 1 % des émissions de gaz à effet de serre prévues en moyenne au cours de la période 2020 à 2100.
Les planificateurs du boisement doivent tenir compte de l’albédo
Les scientifiques sont allés plus loin et ont examiné les initiatives de reboisement dans le nord de la Chine, dans la région du Sahel en Afrique et dans le nord du Moyen-Orient. Selon leurs calculs, ils estiment que respectivement 25, 44 et 40 % de ces terres reboisées auront encore des effets nets sur le réchauffement climatique après 80 ans d’efforts de reforestation. « De toute évidence, les planificateurs du boisement et les décideurs devraient tenir compte du potentiel de réchauffement climatique lors de la sélection des zones pour les initiatives de boisement », notent les chercheurs.
Malgré tout, les auteurs de cette étude soulignent que « le reboisement, s’il est soigneusement planifié et mis en œuvre, peut offrir des avantages locaux, notamment la prévention de l’érosion des sols, les loisirs, le refroidissement par évaporation locale et éventuellement une augmentation des précipitations. De plus, bien que notre étude simule les avantages climatiques nets du reboisement sur une période de 80 ans, les forêts des zones arides peuvent maintenir un important puits de carbone pendant plus longtemps, en raison de leur important stock potentiel de carbone dans le sol, fournissant ainsi une longue durée de vie d’atténuation à long terme du réchauffement climatique. »
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