Dans la nouvelle note d’analyse de France Stratégie (l’ancien Commissariat général à la stratégie et à la prospective), Etienne Beeker, expert en énergie, analyse les coûts économiques présents et futurs de l’hydrogène-énergie. Il y présente une filière non mature, qui ne sera, selon lui jamais compétitive. La filière réagit dans un communiqué détaillé en répondant point par point à ce qu’elle juge être des contre-vérités.
La mobilité hydrogène coûte-t-elle trop cher?
L’hydrogène peut être produit par électrolyse de l’eau ou par vaporeformage du gaz naturel. Selon la note de France Stratégie, il faudrait que le prix de l’hydrogène produit par électrolyse soit identique à celui du vaporeformage pour que la mobilité hydrogène puisse se développer.
Mais « l’objectif n’est pas de produire via l’électrolyse un hydrogène au prix de l’hydrogène produit via un SMR [Steam Methane Reforming=vaporeformage], mais d’être compétitif sur le marché que l’on vise », répond l’AFHYPAC.
L’hydrogène produit par électrolyse doit en effet être compétitif face à l’essence et au diesel, pas forcément face à l’hydrogène produit par vaporeformage. Et c’est déjà presque le cas. En effet, si l’on prend une voiture qui consomme 6L/100 km et de l’essence à 1,5 €/L, alors la dépense des ménages est de 10€ pour 100 km. Du côté de l’hydrogène, un véhicule consomme 1 kg/100 km. Puisque environ 5€/kg sont nécessaires pour amortir une station de distribution d’hydrogène fonctionnant à 700 bars, cela signifie que le coût de production d’hydrogène par électrolyse doit être inférieur à 5 euros. Aujourd’hui, avec de l’électricité à 60€/MWh, la filière hydrogène est capable de produire de l’hydrogène entre 5 et 10 euros le kg dans la station service hors taxe. D’après la prospective d’Etienne Beeker, ce coût devrait baisser à 3,7€/kg dans le futur. L’hydrogène produit par électrolyse de l’eau pour la mobilité serait alors complètement compétitif.
Tous les calculs du rapport de France Stratégie sont réalisés hors taxes, sans considérer la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, anciennement « taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers » ou TIPP). Or, si le prix hors taxes de l’hydrogène est le double, voire le triple de celui des carburants conventionnels à la pompe, une fois que l’on ajoute la TICPE aux carburants fossiles, cet écart disparaît. « A ce stade, il n’y a pas le contenu TICPE, mais c’est un choix politique de savoir si l’on veut taxer cet hydrogène qui, avec l’électrolyse, n’est pas un hydrocarbure », assure Pascal Mauberger, Président de l’AFHYPAC et Président du Directoire de la start-up française McPhy Energy. Et pour cause : lorque vous rechargez un véhicule électrique à batterie, vous ne payez pas non plus la TICPE car cette mobilité est considérée comme décarbonée, sans utilisation de produits pétroliers.
La filière hydrogène est d’ailleurs actuellement en discussions avec les instances nationales et européennes sur ce point. « Avec la taxe de vente, mais sans la taxe de produits pétroliers, l’hydrogène peut se vendre à parité avec le diesel », prévient Pascal Mauberger. D’ailleurs, l’hydrogène alimente déjà 208 stations services pour près de 2000 véhicules routiers à travers le monde.
Pourquoi utiliser l’électrolyse de l’eau?
« Si l’on veut développer de l’hydrogène énergie, ça ne peut être qu’avec l’électrolyse de l’eau, car sinon autant mettre le gaz naturel dans le véhicule directement », rappelle Pascal Mauberger. Même si le coût de production de l’hydrogène par électrolyse de l’eau reste environ deux fois plus élevé que par vaporeformage. De plus, pour que cet hydrogène soit réellement « décarboné » et « écologique », il faut qu’il soit le plus possible produit à partir d’électricité fournie par des énergies renouvelables.
L’hydrogène serait d’ailleurs un bon moyen de valoriser la production des éoliennes, lorsque celle-ci est en surplus. Les électrolyseurs fonctionnent en effet en base avec l’électricité à prix de marché et lorsqu’il y a de la production éolienne en surplus à coût marginal nul, cela donne une rentabilité supplémentaire, ce qui fait baisser le prix de l’hydrogène à moins de 7 €/ kg. Ainsi, dans le cas le plus optimiste considéré, l’hydrogène coûterait moins de 3,7 €/ kg, pour un prix à la pompe inférieur à 10€/kg. Ce marché semble donc en réalité bien viable et même compétitif si l’on ne considère que le carburant.
Pour être complet, il faut également s’intéresser au prix de la pile à combusible qui tourne autour de 30 000 euros, pour des véhicules vendus aux alentours de 50 000 euros. Les effets de volume devraient permettre de diminuer ces prix. « Les constructeurs pionniers dans la commercialisation des véhicules hybrides ont suivi la même stratégie d’introduction avec des marchés précurseurs dans un premier temps pour ouvrir ensuite sur des marchés de plus grands volumes », conclut l’AFHYPAC.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Dans l'actualité
- L’hydrogène vu par l’Ademe
- Treize grands groupes industriels s’unissent autour de l’hydrogène
- Les starts-up construisent la mobilité de demain !
- La SNCF vise une quinzaine de TER à hydrogène d’ici deux ans
- Les voitures autonomes menacent les centres-villes
- Le Covid-19 risque d’amoindrir les recettes de TICPE pour 2020