Du fait des mesures de confinement liées à la propagation du coronavirus, l'économie française tourne au ralenti depuis le 15 mars. Nombre d'entreprises françaises sont actuellement, et continueront, d'être économiquement frappées de plein fouet par des difficultés économiques. Le journaliste et économiste Pascal Perri apporte des éclairages sur l'ampleur et les conséquences de cette crise sur l'économie française.
Depuis le 15 mars, du fait des mesures de confinement décidées par le gouvernement, l’économie française semble figée. Face à cette glaciation de l’économie qui risque d’impacter sévèrement l’avenir des entreprises françaises, l’État a pris des mesures. Malgré cela, une future morosité économique reste à craindre. Pascal Perri, journaliste et docteur en économie, explique en détail les implications et les conséquences de cette crise sur l’économie française.
Techniques de l’Ingénieur : À moyen terme, jusqu’à quel point l’économie française risque-t-elle d’être impactée par cette crise du coronavirus ? Le gouvernement parle de récession pour 2020, qu’en pensez-vous ?
Pascal Perri : La récession pour cette année ne fait même pas débat. La question est plutôt de savoir de combien elle sera. Et cela peut être sévère et elle sera probablement supérieure au 1 % dont a parlé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Cela peut représenter une chute du PIB sévère car nous risquons d’avoir une année à 300 jours de PIB. Nous ne serions plus à une année à 365 jours, mais à 300. Nous avons pratiquement un mois d’activité qui est occulté.
Pourquoi toute l’économie du pays est-elle concernée ?
L’économie est un flux. Il y a des agents économiques, l’État, les entreprises ou les ménages, qui paient les factures, qui les encaissent dans certains cas, et qui repaient. C’est un flux qui alimente la richesse. C’est le principe de la création de valeur : on achète des biens ou des services pour les ménages, les entreprises les vendent, l’État touche une part au passage : la fiscalité, les cotisations sociales. Cela fait vivre l’édifice sur lequel repose la société française, qui est un édifice solidaire. Dans la mesure où l’État se porte garant de l’ensemble des engagements des ménages et des entreprises, c’est une somme considérable.
Quel est le sens du fonds de garantie mis en place par l’État ?
L’État a décidé de se porter garant sur les besoins de trésorerie des entreprises. C’est l’esprit de ce fonds de garantie de 300 milliards d’euros annoncé par Emmanuel Macron. Cela ne veut pas dire que l’État va dépenser cette somme. Ce fonds de garantie servira à assurer les emprunts bancaires. Autrement dit, il aura pour objectif d’assurer les prêts qui seraient accordés aux entreprises mises en difficultés par cette crise du coronavirus. Ce fonds de garantie joue le rôle d’un indicateur de confiance. Cela signifie qu’en dernier recours, l’État sera débiteur.
Les aides de l’État aux entreprises se limitent-elles à ce fonds de garantie ?
Il y a effectivement les aides de trésorerie, qui vont aider les entreprises à passer le cap difficile, de façon directe ou indirecte. Par exemple, l’État va garantir une compensation aux indépendants, qui n’ont pas de bulletin de salaire, mais qui ont malgré tout un revenu. [Pour cela, les indépendants devront justifier d’une baisse de revenus de 70% entre mars 2019 et mars 2020, NDLR]. 600 000 entreprises sont concernées. L’État va garantir à ces artisans, ces commerçants, ces indépendants, durant la durée de la crise, qui va être plus ou moins longue, 1 500 euros de revenus mensuels. Sur un mois, cela représente 900 millions d’euros. Sur deux mois, presque 2 milliards d’euros. Il y a également le chômage partiel qui est pris en charge par la collectivité. Cela équivaut à une enveloppe de 8 milliards d’euros. L’État renonce aussi à percevoir des cotisations sociales et des charges fiscales, et cela représente environ 30 milliards d’euros. On arrive donc assez vite à 40 milliards d’euros.
Cela sera-t-il suffisant pour soutenir l’économie ?
Si l’économie repart, avec un petit coup de boost, cette crise laissera une trace moyenne. Mais il est vraisemblable que des secteurs d’activité entiers aient beaucoup de mal à redémarrer, dans de mauvaises conditions. Et il est également vraisemblable que des entreprises succombent à cette période. Il y en a qui sont particulièrement exposées.
Lesquelles ?
Air France, par exemple, qui est une entreprise qui emploie entre 35 et 40 000 salariés. Jean-Baptiste Djebbari [secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, chargé des Transports, NDLR] a indiqué qu’Air France n’assurait que 10 % de ses vols, et que les 90 % restants avaient été annulés. Dans certains cas, et pour des entreprises qui seraient stratégiques comme Air France ou les entreprises de commodités et de première nécessité comme l’eau, le gaz, l’électricité, l’État va devoir monter au capital, voire dans certains cas nationaliser les entreprises. Au moins pour un certain temps, pour leur permettre de surmonter la crise.
Quels seront les impacts du coronavirus sur les secteurs de l’industrie et de l’innovation ?
La crise risque de limiter les capacités des entreprises à financer l’innovation. Au fond, ce sont des arbitrages de ressources. Quand on a mobilisé toutes ses ressources pour se sauver parce qu’on manquait d’oxygène, on manque de moyens pour investir. Les entreprises d’aujourd’hui font des efforts, et elles vont continuer à devoir faire des efforts dans le contexte pour traiter l’urgence. Elles doivent honorer une partie de leurs engagements, elles vont devoir investir dans la relance, dans la reprise de l’activité. Ce sont des budgets qui manqueront à l’innovation, c’est l’évidence.
Propos recueillis par Chaymaa Deb
Crédit portrait photo : Siren-Com
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