La Cour des comptes vient de publier un rapport dans lequel elle juge que les politiques publiques menées par la France ces dix dernières années en faveur de son industrie ont un impact limité sur le secteur. Celui-ci reste pénalisé par des handicaps structurels et l'institution recommande notamment d'aligner la politique industrielle française avec celle de l'UE.
« Des résultats encore fragiles ». Telle est la manière dont la Cour des comptes évalue les dix dernières années de politiques publiques de la France en faveur de son industrie. Dans un rapport qu’elle vient de publier à la demande de l’Assemblée nationale, l’institution dresse un bilan pour le moins mitigé du soutien de l’État à ce secteur. Après avoir chuté de 16 % à 11 % entre 2000 et 2010, la part de l’industrie manufacturière dans la richesse nationale ne s’est ensuite pas redressée malgré les différents dispositifs d’aide mis en place. Elle s’est stabilisée à environ 11 % sur la période de 2011 à 2023, un niveau bas, bien en dessous de celui de l’Allemagne (21 %) et de l’Italie (17,5 %).
Certes, le secteur a été durablement affecté par deux crises majeures. Celle de 2008-2009 tout d’abord, où il a fallu attendre 2013 pour que l’Hexagone retrouve son niveau de 2007. Puis celle du Covid-19, avec un retour au niveau de 2019 en 2022. Mais les performances de la France, troisième pays industriel de l’UE, sont moins bonnes que ses deux prédécesseurs, l’Allemagne et l’Italie. Le premier a vu la croissance de sa valeur ajoutée industrielle progresser de 61 % sur la période de 2000 à 2019 et le deuxième de 28%, quand la France se limitait à +20 %.
L’industrie française s’est concentrée sur certains secteurs, comme celui de l’aéronautique, la chimie-pharmacie et l’agroalimentaire, tandis que la part de l’automobile et des produits électriques a reculé. Les entreprises industrielles ont la particularité d’être relativement peu nombreuses (274 000 sont comptabilisées en 2021), avec une forte représentation de firmes multinationales disposant de filiales en France et à l’étranger. Ces dernières concentrent en effet 78 % de la valeur ajoutée et 69 % des effectifs salariés du secteur. Au global, l’emploi industriel est stable à 10 % du total de l’emploi, même s’il augmente très légèrement depuis 2017.
À partir de 2014, l’État français a débuté une politique publique de soutien à la compétitivité de ses entreprises. Des dispositifs comme le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi), puis des allègements de charges ont été mis en place, mais ils ont surtout profité aux activités de services, selon la Cour des comptes. La baisse de la taxation des entreprises à 25 % a été une bonne nouvelle pour l’industrie, mais la fiscalité de ce secteur reste « pénalisée par des impôts de production […]qui ne sont pas liés à leur rentabilité », note-t-elle.
Une forte augmentation du soutien de l’État français à partir de 2020
Des handicaps structurels grèvent la compétitivité, à commencer par des capacités de financement de la recherche limitées, liées au niveau bas de l’industrie, et qui se traduisent par insuffisamment d’innovations. Ensuite, le secteur doit faire face à une image dégradée, ce qui nuit à l’attractivité des formations et des métiers. Si le coût de l’énergie a longtemps représenté un avantage comparatif important, il est à craindre que la fin de l’ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) en 2026 et l’augmentation des prix de l’énergie, dégradent de manière significative la compétitivité industrielle.
À partir de 2020, le soutien de l’État en faveur de l’industrie a fortement augmenté, avoisinant 27 Md€ (milliards d’euros) par an, contre 17 Md€ sur la période de 2012 à 2019. À ces chiffres, il convient d’ajouter des prises de participation dans des entreprises industrielles à hauteur de 2,2 Md€ par an sur la période 2012-2022. Selon la Cour des comptes, « le bilan des plans de soutien à la réindustrialisation ou à la numérisation de l’industrie qui se sont succédé de 2012 à 2022 est peu concluant. Leur ciblage est insuffisant et les instruments retenus peu efficaces, à l’exception de certains secteurs comme l’aéronautique ou la micro-électronique pour lesquels l’État a su faire preuve de continuité. »
Dans le détail, l’institution juge que les différents PIA (Programmes d’investissement d’avenir) mis en œuvre entre 2010 et 2019, « ont eu un impact limité sur l’industrialisation. » Quant au plan France 2030 débuté en 2021, « Les premières évaluations montrent que le ciblage des investissements publics devrait être resserré et que la doctrine d’intervention devrait s’attacher à privilégier davantage les instruments les plus efficaces en limitant le recours aux subventions. »
Si le crédit d’impôt recherche est évalué positivement par la Cour des comptes, elle conseille tout de même d’ajuster son assiette afin d’en améliorer l’efficacité. L’une de ses principales recommandations est d’aligner la politique industrielle française avec celle de l’UE. L’institution cite notamment le rapport Draghi qui prône la réduction des dépendances européennes dans six secteurs : les matières premières critiques, les semi-conducteurs, la santé, le numérique, l’agroalimentaire et l’énergie.
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