Le concept de super-réseau électrique en Asie n’est pas nouveau. Mais depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, l’idée revient avec insistance. Elle consiste à interconnecter les réseaux électriques des principaux pays de la région pour mutualiser les sources de production. L’enjeu est juste immense : le Japon, la Chine, la Corée du Sud et la Russie représentent 76% de la production électrique totale de l’Asie et de même, 77% de la consommation du continent. Considérant par ailleurs, que l’Asie constitue environ deux tiers de l’Humanité, l’optimisation qui en résulterait équivaut à des milliers de Mégawatts économisés.
Très affecté par l’accident de la centrale nucléaire japonaise, Son Masayoshi, pdg de Softbank Corp, une compagnie de télécommunication, a fait des énergies renouvelables son nouveau cheval de bataille. Mais pour substituer la cinquantaine de réacteurs nucléaires de l’archipel nippon, sans passer par des centrales thermiques au gaz, l’interconnexion avec le continent est indispensable.
Renouvelables = réseaux
Viser 50% d’énergies renouvelables, voire plus pour certains pays, dans le mix électrique dans un horizon énergétique proche (2030) n’est plus une utopie. Les industries éoliennes et photovoltaïques notamment, ont considérablement réduit leurs coûts et s’imposent désormais dans les grands appels d’offres internationaux non-discriminants (qui n’écarte pas de technologie a priori). La barrière des prix désormais levée, la problématique des renouvelables s’est concentrée sur le caractère intermittent de leur production, qui ne correspond généralement pas aux pics de consommation. Les techniques rentables de stockage étant encore limitées (STEP – Stations de transfert d’énergie par pompage surtout), l’interconnexion des réseaux électrique sur plusieurs fuseaux horaires constitue le meilleur moyen d’exporter par exemple le vaste potentiel du désert de Gobi (Mongolie) vers Tokyo. Son Masayoshi calcule les coûts de production dans le désert de Gobi à environ 3 à 4 Yens par kWh, avec un coût foncier très réduit. Ajoutez à cela le transport de la Mongolie au Japon, environ 2 yens par kWh, selon lui. Le coût total (entre 5 à 6 yens par kWh) resteraient bien en-deçà des coûts du nucléaire (8,9 Yens/kWh) et des centrales thermiques (9,5 Yens/kWh) japonaises.
Asian Super Grid
L’activisme de Son Masayoshi a été récompensé en octobre dernier par la signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) entre la Chine, le Japon, la Russie et la Corée du sud pour mettre en place ce fameux Asian Super Grid. Il s’agit de la première étape d’un processus qui devraient voir d’autres pays intéressés se joindre à l’initiative (voir carte). Reste encore de nombreux défis techniques et réglementaires à relever. Si la technologie de pose de câbles sous-marins est maîtrisée, elle reste coûteuse et nécessite une coopération durable des nations qui deviennent de fait de plus en plus interdépendantes.
Ainsi, l’Europe avait lancé en 2009 un projet similaire avec l’Afrique du nord et le Moyen-Orient : Desertec. Le but était d’interconnecter les pays de la Méditerranée pour profiter de leurs énormes ressources solaires et alimenter le nord du Vieux continent en électricité verte et bon marché. Las ! Les révolutions arabes et la crise syrienne (et libyenne) ont réduit a néant les espoirs de voir un tel projet voir le jour dans un avenir proche. Preuve, si besoin en était, qu’en matière d’énergie, la géopolitique prévaut toujours.
Romain Chicheportiche
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