Des chercheurs ont analysé quelle est la probabilité d'obtenir de meilleurs rendements sur des cultures avec l'agriculture de conservation comparée à celle dite conventionnelle. Cette pratique agronomique résisterait mieux au réchauffement climatique à l'horizon 2050, surtout dans le cas du maïs et dans les zones sèches.
Particulièrement développée aux États-Unis, l’agriculture de conservation l’est beaucoup moins en Europe, mais connaît tout de même un regain d’intérêt. Cette pratique agronomique limite l’érosion hydrique et éolienne des sols, elle permet aussi un meilleur stockage du carbone dans le sol. Elle fait parfois l’objet de controverses scientifiques et est accusée de faire baisser les rendements des cultures. Une étude publiée dans Nature Climate change par des chercheurs d’AgroParisTech et de l’INRAE révèle que l’agriculture de conservation s’avère souvent performante en grandes cultures dans des zones soumises à des stress hydriques importants. La productivité de ce système agronomique pourrait aussi mieux résister à l’évolution future du climat comparée à l’agriculture conventionnelle basée sur le labour des sols.
Cette étude est réalisée à partir d’une synthèse d’articles scientifiques publiés entre les années 1983 et 2020. Le premier travail des chercheurs a consisté à sélectionner les articles analysant des systèmes agronomiques respectant les trois principales règles de l’agriculture de conservation. À savoir : le non-labour, la diversification des cultures implantées (trois différentes doivent au moins se succéder) et enfin le maintien d’une couverture permanente au sol. Au final, 422 articles ont été retenus, totalisant 4 403 données d’observations.
Huit cultures différentes ont été étudiées : le blé, le maïs, l’orge, le sorgho, le riz, le coton, le tournesol et le soja. L’originalité de ces travaux de recherche est d’analyser la productivité de l’agriculture de conservation à l’échelle mondiale. En plus d’étudier l’impact actuel de cette pratique sur les rendements, les chercheurs ont également réalisé des projections en tenant compte de l’évolution du climat à l’horizon 2050. Le traitement des données a été réalisé à l’aide de modèles utilisant l’intelligence artificielle, plus précisément des forêts aléatoires. Ils ont permis de modéliser la probabilité d’obtenir de meilleurs rendements grâce à l’agriculture de conservation et non pas une différence de rendement comparée à l’agriculture conventionnelle. « Nous avons essayé de construire des modèles quantitatifs, mais ils ne fonctionnaient pas lorsque nous avons tenté de faire des projections sur le climat futur, explique Benoît Gabrielle, professeur et chercheur à AgroParisTech. La probabilité d’obtenir un gain ou une perte de rendement se prédit plus facilement et nous avons réussi à valider notre modèle. »
De meilleurs rendements dans le sud de l’Europe
Les travaux démontrent que l’agriculture de conservation permet d’obtenir de meilleurs rendements dans les régions sèches confrontées à un manque d’eau. En Europe, ces zones se situent dans le sud du continent, et aux États-Unis dans l’ouest et le sud. « L’explication est assez simple, analyse le chercheur. L’agriculture de conservation permet de conserver davantage de matière organique dans les sols, ils ont alors une meilleure capacité à retenir l’eau et elle est donc davantage disponible pour les cultures. »
Dans le détail, l’étude révèle que 60 % des surfaces actuellement cultivées en blé en zone tempérée voient leurs rendements progresser grâce à l’agriculture de conservation. Les changements climatiques à l’horizon 2050 ont globalement peu d’impact sur cette tendance, puisque les variations de probabilité évoluent entre -10 % et +10 % en fonction des régions du monde considérées. Par contre, pour le maïs, l’effet est plus visible. Ainsi, le gain de rendement s’applique sur les trois-quarts des surfaces actuellement cultivées dans le monde, quelle que soit la zone climatique. Avec l’évolution du climat, la probabilité d’obtenir un meilleur rendement serait encore plus élevée, celle-ci pouvant aller jusqu’à un gain supplémentaire de 20 % en zone tropicale. « Dans les régions tempérées de notre hémisphère, le maïs se sème en avril et est récolté en octobre ou en novembre. Il pousse donc surtout lorsqu’il fait chaud, à une période où il y a moins d’eau. Le fait que l’agriculture de conservation permet de mieux retenir l’eau dans le sol profite donc à cette plante. Cette pratique agronomique est une bonne façon d’adapter les cultures aux changements climatiques, surtout pour le maïs. »
Ce travail de recherche a également mis en lumière l’effet des bonnes pratiques agronomiques sur les rendements. En plus de respecter les trois règles fondamentales, le fait de fertiliser les sols et de protéger les plantes contre les mauvaises herbes et les maladies rend encore plus productive l’agriculture de conservation.
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