« Cette épidémie, on est allé la chercher », s’exclame Daniel Marc, virologiste à l’INRAE de Tours, à propos du Covid-19 qui se répand actuellement à travers le monde. Ce chercheur pointe du doigt la responsabilité de l’Homme dans l’émergence de maladies infectieuses. En effet, à travers son mode de vie et son impact sur l’environnement, l’être humain multiplie le risque de voir apparaître de nouvelles zoonoses, ces agents infectieux capables de se transmettre de l’homme à l’animal ou inversement.
En se déplaçant sur des territoires peu ou pas explorés, au contact de la faune sauvage, les hommes partent à la rencontre d’une grande diversité animale mais aussi… d’une multitude de pathogènes. Les experts en sont quasiment certains aujourd’hui, le virus SRAS-CoV-2, responsable de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19), trouve son réservoir naturel chez la chauve-souris : 96% du génome du virus correspond à celui d’un virus identifié sur une chauve-souris en 2013. « L’une des pistes envisagées mais qui reste encore à valider serait que le pangolin a servi d’hôte intermédiaire pour ensuite propager le virus chez l’homme », souligne Daniel Marc. Cet animal sauvage, l’un des plus braconnés au monde, s’est ensuite retrouvé sur les marchés chinois et a contaminé la population locale. Avec un risque de contamination d’autant plus accru que l’animal est souvent acheté vivant car, selon une croyance locale, il aurait ainsi de plus grandes qualités nutritives.
Un animal sauvage, vecteur de l’épidémie
En 2003, un autre animal sauvage est à l’origine d’une épidémie liée au SARS-CoV-1 : la civette palmiste masquée. Ce petit mammifère carnivore, vendu sur les marchés aux animaux puis consommé au sud de la Chine, a lui aussi servi d’hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme. Le virus, transmissible entre les personnes, a fait relativement peu de morts : environ 800 en six mois. Pourtant, il s’est lui aussi propagé au niveau mondial à la faveur des transports aériens. « À l’époque, la Chine était probablement moins reliée avec le reste du monde » ajoute Daniel Marc. Mais surtout, il a été plus facile d’identifier les malades, car les personnes sont contagieuses uniquement quand elles présentent des symptômes. »
La destruction d’écosystèmes jusqu’ici préservés accroît le risque de survenue de nouvelles épidémies. En 1998, en Malaisie, on soupçonne les programmes de déforestation d’être à l’origine de l’épidémie liée au virus Nipah. Là encore, la chauve-souris a servi de réservoir naturel à l’agent pathogène. Chassé de la forêt tropicale, le chiroptère s’est déplacé vers des exploitations agricoles de la région, là où sont implantés des arbres fruitiers. Les déjections des chauves-souris ont ensuite contaminé les porcs d’élevages voisins avant qu’ils ne contaminent les hommes. Il a fallu une vaste campagne d’abattage des porcs infectés pour stopper l’épidémie.
Avec plus d’un millier d’espèces de chauves-souris différentes recensées à travers le monde, la probabilité qu’elles hébergent des agents infectieux différents se révèle grande. « En allant au contact de cette biodiversité, l’homme ne fait qu’augmenter son risque d’infection », analyse le chercheur. Le chiroptère serait à l’origine du virus Ebola, identifié en 1976 et qui a provoqué de graves épidémies en Afrique de l’Ouest de 2014 à 2016. Bilan : plus de 11 000 morts. Le virus MERS (Middle-East Respiratory Syndrome) a aussi pour réservoir naturel la chauve-souris. Apparu en 2002 au Moyen-Orient, le chameau lui a servi d’hôte intermédiaire et au final, l’épidémie a provoqué plus de 800 morts.
Léopoldville aurait fait exploser l’épidémie de sida
L’urbanisation et le développement de grandes villes sont aussi un facteur de risque de voir émerger de nouvelles épidémies. L’exemple le plus criant serait celui du sida. Les virus, car il existe plusieurs souches, ont pour origine les primates et ont été identifiés au début des années 80. Mais des recherches permettent aujourd’hui d’affirmer qu’ils étaient présents sur le continent africain au début des années 1900. « Pendant près de 80 ans, l’épidémie a circulé à bas bruit », explique Daniel Marc. La chasse et la consommation de chimpanzés n’auraient pas permis, dans un premier temps, la propagation des virus. Mais l’accroissement d’une ville comme Léopoldville (Kinshasa) a vraisemblablement fait exploser l’épidémie à la faveur des nombreux contacts parmi la population et notamment la prostitution. Le transport de matières premières, grâce au fleuve Congo et au développement du chemin de fer, a ensuite favorisé la dissémination du sida en Afrique.
Certains experts estiment que la naissance des maladies infectieuses sur terre s’est produite au cours du néolithique avec la domestication des animaux. D’après l’Organisation mondiale de la santé animale, 60% des maladies infectieuses humaines sont aujourd’hui zoonotiques. « Les épidémies ont traversé les siècles, si elles paraissent se développer ces dernières années, c’est aussi parce que nous disposons depuis les années 2000, de nouveaux outils pour identifier ces agents infectieux, notamment le séquençage de leur génome », modère Daniel Marc.
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