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La réalité augmentée fait les yeux doux aux professionnels

Posté le par Frédéric Monflier dans Informatique et Numérique

Les lunettes et les casques de réalité augmentée ou virtuelle n'ont pas encore réussi à convaincre le grand public. Mais le monde professionnel se prépare à les accueillir.

La réalité augmentée et la réalité virtuelle s’annoncent-elles comme le prochain eldorado dans le secteur des nouvelles technologies ? C’est plausible quand on examine les projections du cabinet d’études de marché Digi-Capital : ces technologies devraient peser quelque 150 milliards de dollars en 2020, la réalité augmentée s’octroyant la majeure partie, soit 120 milliards. Les grands noms de l’industrie en semblent convaincus, à en juger par les ressources qu’ils dépensent. Oculus et son casque Rift sont devenus propriétés de Facebook contre 2 milliards de dollars, Intel a investi 25 millions de dollars dans les lunettes de Vuzix, Microsoft a développé le casque HoloLens et Google a donné son nom aux Google Glass, avant de débourser 542 millions de dollars dans Magic Leap… Dans cet inventaire au fort accent américain, une société française tente de tirer son épingle du jeu : Optinvent, créée en 2007 par des anciens de Thomson et conceptrice des lunettes Ora.

Le casque Rift se veut un casque de réalité virtuelle, grâce auquel l’utilisateur est immergé dans l’image, déconnecté de la réalité. Les fabricants de console et les éditeurs de jeu vidéo sont logiquement parmi les premiers intéressés. La réalité virtuelle est quant à elle l’apanage des autres dispositifs. Les données voire les images se superposent au champ de vision de l’utilisateur, qui conserve la perception de son environnement extérieur. C’est un principe qui existe depuis de nombreuses années dans l’aviation militaire : les pilotes de chasse sont assistés par un affichage tête haute projetés sur leur visière et maintiennent ainsi une concentration maximale. Des applications de réalité virtuelles existent maintenant sur les smartphones et les tablettes et exploitent la caméra embarquée. Les lunettes sont un moyen de se rapprocher des yeux, donc un accélérateur. «Les gens dégainent 150 fois leur smartphone par jour pour consulter des informations, explique Khaled Sarayeddine, directeur technique et cofondateur d’Optinvent. C’est une action assez longue à chaque fois. Le but consiste à la court-circuiter.»

Ce bénéfice ne saute pas encore aux yeux du grand public, comme en témoigne le flop des Google Glass à leur sortie. L’acceptabilité sociale est en effet un facteur à prendre en compte, que ce soit pour le porteur ou pour la personne qui lui fait face, susceptible d’être intimidée par la présence d’une caméra. Le nouveau projet Ora-X de Optinvent, en cours de financement sur la plateforme Indiegogo, s’attache à gommer ces réticences. Il s’apparente à un casque audio équipé d’un écran escamotable, dont l’utilisateur pourra faire usage si besoin. Le monde professionnel n’a pas ce genre de scrupule. En permanence à la recherche de gains d’efficacité donc de productivité, il est à l’affût.

Khaled Sarayeddine imagine les pistes à explorer : «Les entreprises de logistique souhaitent une solution mains-libres afin d’augmenter la cadence des scans de colis. Dans l’industrie aéronautique, la réalité augmentée pourrait améliorer la phase d’assemblage, facilitant les processus de vérification et l’accès aux bases de données. Dans les musées, la caméra embarquée pourrait servir à identifier des œuvres et à communiquer les informations appropriées au visiteur. Dans les blocs opératoires, le corps du patient pourrait être modélisé et affiché devant les yeux des chirurgiens, ce qui est intéressant pour la pose de prothèses.»

De nombreuses expérimentations

Des lunettes à réalité augmentée ont été expérimentées par Accenture sur les chaînes d’assemblage de l’Airbus A330, à Toulouse. Dans l’usine de Rio Tinto à Dunkerque, qui produit de l’aluminium, les Google Glass ont été mises à l’épreuve par Cap Gemini pour l’inspection des cuves. Le télédiagnostic et la télémaintenance pourraient éviter le déplacement d’experts, très rares et coûteux dans le cas présent. La réalité virtuelle trouve déjà des débouchés dans la formation des techniciens de l’industrie aéronautique et automobile. Peut-être sera-t-elle plus tard employée pour les futurs chirurgiens, qui apprendront les bons gestes en se basant sur la vidéo d’une opération filmée au préalable. C’est l’objet d’un test qui a été mené à l’hôpital Georges Pompidou en juin 2014, basé sur l’Oculus Rift.

Ces casques et lunettes sont aujourd’hui envisageables à grande échelle parce qu’ils exploitent des composants électroniques standards et abordables, logés dans tous les smartphones. «A l’exception du modem 3G, nos lunettes Ora sont l’équivalent d’un smartphone, constate Khaled Sarayeddine. Elles exécutent des commandes, sont pourvues d’un véritable OS… Mais le modèle économique est l’enjeu fondamental. C’est le même que celui du smartphone, qui permet à des éditeurs tiers de développer des applications spécifiques. Ce ne serait pas viable sinon.»

De nombreux défis techniques restent à surmonter, dont la projection de l’image. «L’afficheur doit rester transparent pour ne pas gêner la vision, précise Khaled Sarayeddine. C’est la condition pour que la réalité augmentée soit possible en mobilité.» Face à la projection sur miroirs semi-réflectifs placés devant les yeux, la technique du guide d’ondes se révèle plus plus prometteuse, l’électronique pouvant être déportée sur le côté de la tête. Le signal lumineux est ensuite guidé dans une lamelle pour finir projeté sur la rétine. Plusieurs méthodes se confrontent – réflective, diffractive, polarisée, holographique…- fruits de travaux de grands groupes tels que Sony, Epson et Nokia (qui a licencié sa technologie à Vuzix) ou de start-ups comme l’israélien Lumus. Pour sa part, Optinvent a déposé 11 brevets protégeant son procédé de projection rétinienne, Clear Vu. Ce nom exprime le fait que la vision du porteur n’est pas gêné. «Le guide ne fait que 4 mm d’épaisseur, poursuit Khaled Sarayeddine. Autre avantage pour la production à gros volume : il peut être moulé en une seule étape.» La technologie qui peut être industrialisée puis déployée à moindre coût a souvent de bonnes chances de l’emporter.

 Par Frédéric Monflier

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