Le « tokamak[1] », JT-60SA[2], haut de 15,5 mètres a été présenté en décembre dernier, sur le site du QST[3] à Naka, à une centaine de kilomètres au nord-est de Tokyo. Issu du projet expérimental nippo-européen de fusion nucléaire baptisé « l’énergie des étoiles », il est complémentaire du programme ITER[4] en cours de construction à Cadarache, en France.
Malgré le retard accumulé sur le projet[5], cette inauguration signe la réussite d’une collaboration de plus de 500 scientifiques et ingénieurs et de 70 entreprises en Europe et au Japon.
La réaction physique qui fait briller les étoiles
La fusion nucléaire génère de la lumière et de la chaleur grâce à la gigantesque énergie dégagée au cœur du soleil lorsque des noyaux légers (hydrogène) se percutent à très grande vitesse dans le plasma[6] et à très haute température (15 millions de degrés Celsius) pour fusionner en un noyau lourd d’hélium. Elle se distingue de la fission nucléaire, utilisée actuellement dans les centrales nucléaires, consistant à casser un noyau d’uranium pour libérer de l’énergie. La fusion n’a pas les inconvénients des réacteurs à fission puisqu’elle rejette peu de déchets radioactifs, ceux-ci ayant en outre une courte durée de vie.
Fusion nucléaire avec des méga-aimants
Afin de recréer artificiellement dans le tokamak la réaction physique se déroulant au centre du soleil et provoquer la fusion de l’hydrogène et du deutérium (un isotope stable de l’hydrogène), il faut chauffer et maintenir du plasma à des températures extrêmement élevées (plus d’une centaine de millions de degrés Celsius). Pour éviter que cette matière ne refroidisse, un champ magnétique extrêmement puissant doit être produit en confinant le plasma à l’aide de méga-aimants supraconducteurs dont la moitié a été produite à Belfort par GE Power. Le 23 octobre dernier, ce tokamak a réussi à créer pour la première fois du plasma pendant plusieurs secondes avec un volume record de 160 mètres cubes. Cette technologie n’est avantageuse qu’à condition que la réaction produise plus d’énergie qu’elle n’en consomme.
JT-60SA, petit frère d’ITER
Le tokamak JT-60SA est une sorte de laboratoire servant à affiner le dispositif de fusion avant l’achèvement d’ITER qui s’inscrit dans le cadre d’un programme de coopération internationale regroupant trente-cinq pays. Celui-ci sera environ deux fois plus grand et disposera d’une capacité de volume de plasma près de cinq fois supérieur au tokamak JT-60SA. Prévue à l’origine pour 2025, la première production de plasma d’ITER est sans cesse retardée pour des problèmes de livraison ou de qualité insuffisante des pièces essentielles. D’après Pietro Barabaschi, directeur général du projet, le chantier gigantesque d’ITER « se trouve dans une situation très difficile ». Ces complications engendrent des surcoûts puisque le budget de construction estimé initialement à 5 milliards d’euros dépassera finalement les 20 milliards d’euros.
[1] Acronyme russe désignant les réacteurs expérimentaux dédiés à la fusion nucléaire
[2] SA pour Super Advanced
[3] National Institutes for Quantum Science and Technology
[4] International Thermonuclear Experimental Reactor
[5] Notamment du fait de sa proximité du grand séisme de 2011 sur la côte nord-est du Japon
[6] État de la matière constitué de particules chargées (ions) obtenu à très haute température.
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