Cette annonce n’a rien d’anodin. L’avionneur européen va ainsi doubler sa capacité de production d’avions sur le sol chinois, se mettant ainsi en position de répondre à l’immense demande locale en nouveaux appareils. Aussi, le carnet de commande d’Airbus affiche complet : Pas moins de 7300 appareils à livrer, et des délais d’attente de plus en plus longs. L’annonce faite en début de mois doit également permettre à Airbus de monter en cadence de production, et donc de répondre plus rapidement aux commandes des clients internationaux.
L’usine de Tianjin, inaugurée en 2008 a depuis son démarrage produit 600 appareils, soit quatre par mois. L’installation prochaine d’une seconde ligne de production permettra de passer à une cadence de huit appareils produits par mois, ce qui fera du site le second en termes de production, derrière celui de Hambourg.
Dans le même temps, Boeing pâtit du contexte géopolitique extrêmement tendu entre les Etats-Unis et la Chine. Une compagnie chinoise (la China Southern Airlines) a à nouveau fait voler un Boeing 737 MAX dans le ciel chinois en début d’année, près de quatre ans après son interdiction de vol dans le pays suite à deux accidents successifs, qui avaient coûté la vie à 346 personnes. C’est tout pour les bonnes nouvelles. Côté commercial, les ventes de l’avionneur américain en Chine s’effondrent. En 2022, Boeing a livré 12 appareils à des clients chinois, contre 95 pour Airbus. Un gouffre. L’appareil étatique chinois est conscient du rôle majeur qu’il peut jouer dans la guerre commerciale que se livrent les deux géants de l’aéronautique mondiale.
En effet, la demande en nouveaux appareils va exploser en Chine dans la décennie à venir. Airbus a estimé ce besoin à 8 500 appareils dans les vingt prochaines années. Une aubaine donc pour l’avionneur européen, qui a déjà signé plusieurs gros contrats de livraisons d’A320 NEO, A320 et A350, le total des commandes représentant plusieurs centaines d’appareils, produits en partie sur le site de Tianjin.
En effet, conformément à un accord entre Airbus et le gouvernement chinois, les compagnies aériennes chinoises sont autorisées à passer commande auprès de l’usine de Tianjin, pour maintenir une activité minimale sur le site. Tout porte à croire qu’Airbus a raflé la mise, laissant à Boeing des miettes, et prenant clairement une longueur d’avance sur son concurrent, grâce à la bienveillance commerciale chinoise. Si la situation actuelle permet à Airbus de se projeter avec espoir sur un marché aéronautique qui va déployer des appareils de plus en plus « décarbonés », la Chine n’est pas en reste. En effet, le constructeur d’état chinois, COMAC, a inauguré son premier avion, l’équivalent chinois du A320, en fin d’année dernière.
Un processus long, maintes fois retardé, mais qui permet aujourd’hui à la Chine d’envisager se frotter, dans le futur, à Airbus et Boeing. Pour le moment, le C919, c’est son nom, est équipé de moteurs développés par Safran, et de nombreux équipements le composant sont fabriqués par des fournisseurs étrangers. Ceci dit, près de 1 100 commandes ont déjà été enregistrées pour le C919, ce qui ressemble à un beau tremplin pour faire de la COMAC, dans les années qui viennent, un acteur majeur d’un marché aéronautique mondial qui tente d’opérer une transition énergétique à marche forcée.
Par Pierre Thouverez
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