Les questions qui se posaient fin 2022 sur l’extraction de lithium en France commencent à trouver des réponses. En tout cas des avancées industrielles. Récemment, le projet d’usine de raffinerie de lithium en Alsace a été confirmé par la société Viridian Lithium, avec un objectif de production de 28 500 tonnes par an dès 2027. Quant au site d’extraction Emili d’Imerys dans l’Allier, il a été désigné projet d’intérêt national majeur par un décret du 5 juillet 2024.
Ce statut, rendu possible par la loi sur l’industrie verte d’octobre 2023, permet de faciliter l’implantation de sites industriels, notamment par une simplification de la procédure d’autorisation environnementale. Avec ce dispositif, la France s’inscrit dans le cadre des démarches lancées par l’Union européenne, comme le Net Zero Industry Act, visant à placer l’Europe à hauteur de la Chine et des États-Unis qui soutiennent fortement leurs industries.
Trouver un minimum de souveraineté
En matière de lithium, l’enjeu est en effet crucial. C’est un des composants clés pour passer à l’électrification des transports routiers. La brique technologique des batteries électriques de type lithium-ion va être la solution majoritaire de sortie des énergies fossiles dans la mobilité, en plus de la sobriété et du recours à d’autres « carburants » (bioGNV, hydrogène). Pour éviter d’être totalement dépendante d’importations et de trouver un minimum de souveraineté sur cette brique, la France veut pouvoir compter sur ses ressources minières. Pour mieux les connaître, le BRGM est d’ailleurs engagé dans la réalisation d’un inventaire d’une cinquantaine d’éléments, avec des techniques inédites.
Mais identifier des ressources en lithium ne veut pas dire systématiquement les exploiter. Non seulement les conditions techniques et économiques doivent être réunies pour transformer un projet en réussite industrielle, dans le cadre d’une concurrence internationale qui va s’exacerber, mais il faut également mettre en œuvre des solutions respectant l’environnement et approuvées socialement.
Pour le projet Emili d’Imerys dans l’Allier, sur son site de Beauvoir où des kaolins sont déjà exploités, l’échange avec la population sur ces sujets a démarré par un débat de la Commission nationale du débat public (CNDP). Il s’est terminé le 31 juillet, au bout de 5 mois. Le bilan sera officiellement fait le 30 septembre, à l’issue duquel Imerys et RTE (également partie prenante pour le renforcement d’une ligne électrique) auront trois mois pour répondre aux propositions faites par la CNDP.
Plusieurs enjeux soulevés pour Emili
Lors des 43 événements organisés par la CNDP, plusieurs sujets ont été mis sur la table, nourris par 39 cahiers d’acteurs des organisations politiques, syndicats, sociétés savantes, associations nationales et locales, représentants des entreprises et des collectivités. Alors que l’enjeu de souveraineté paraît important pour la France, les oppositions locales ont pourtant été vives, principalement sur la base des potentiels impacts environnementaux. Du point de vue de l’emploi, le projet semble plutôt bien accueilli puisqu’environ 600 personnes pourraient travailler sur les sites concernés, auxquels Imerys ajoute une estimation d’un millier d’emplois indirects. Une aubaine dans un département à forte dominante agricole et où le taux de chômage frôle les 8 %.
Le projet se répartirait sur quatre sites. La mine en elle-même, sur la commune d’Échassières, serait réalisée en souterrain, à plus d’une centaine de mètres de profondeur, évitant trop d’impacts paysagers. Au même endroit s’élèverait l’usine de concentration où le minerai serait broyé, mélangé à de l’eau, concentré et neutralisé sous forme de mica lithinifère. Ce produit serait ensuite transporté par canalisation souterraine sur 16 km vers les communes de Saint-Bonnet-de-Rochefort et de Naves, où serait construite une station de chargement pour wagons. De là, il parcourrait une cinquantaine de kilomètres par voie ferroviaire jusqu’à l’usine de conversion de La Loue, près de Montluçon. Dans cette usine, le mica subirait des opérations de calcination, de lixiviation, de purification, de précipitation en carbonate de lithium et finalement de conversion en sel d’hydroxyde de lithium de qualité pour les batteries. À terme, Imerys envisage d’en produire 34 000 tonnes par an.
L’exploitant compte minimiser les impacts environnementaux. La mine souterraine, la valorisation des co-produits, l’utilisation d’une friche industrielle pour l’usine de conversion devraient éviter la mobilisation d’une centaine d’hectares. Les canalisations souterraines et le transport par rail se substitueraient à une centaine de camions par jour. Les procédés de concentration et de conversion sont envisagés avec un fort taux de recyclage de l’eau, un recours à l’eau d’une station d’épuration, ce qui devrait minimiser les captages dans la Sioule et dans le Cher.
Les études doivent se poursuivre sur ces aspects, ainsi que sur la biodiversité et sur les impacts acoustiques. Imerys a tout intérêt à continuer les concertations et recourir aux meilleures techniques disponibles pour faire de cette mine de lithium un projet exemplaire tant industriellement qu’environnementalement et socialement. En ce sens, la précipitation du Gouvernement à le désigner comme projet d’intérêt national majeur avant la fin du débat de la CNDP était assez indélicate. En tout cas, les facilités administratives qui vont en découler ne devraient pas être une excuse pour minimiser l’impératif d’exemplarité.
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