Selon des scientifiques de l’INRA, les Français gagneraient à manger plus de légumineuses. À l’heure actuelle, ils n’en consommeraient environ qu’un peu plus de 1,5 kilo par an et par personne contre 7 kilos en 1920. Une pratique dommageable alors qu’il est recommandé d’augmenter la part de protéines végétales dans notre alimentation. En observant certains régimes alimentaires, notamment les diètes méditerranéennes, force est de constater qu’une part plus grande est accordée aux légumineuses dans l’assiette. Ces aliments sont notamment riches en protéines végétales et en acides aminés. Cependant, nombreux sont ceux qui les laissent à la marge.
C’est pourquoi Valérie Micard, professeure à Montpellier SupAgro et chercheuse à l’INRA, a tenté d’intégrer des légumineuses à un aliment apprécié du plus grand nombre : les pâtes. « Nous menons des travaux sur ce produit car il est mangé par tous, et que les pâtes sont consommées dans de plus en plus de pays. L’intérêt des pâtes enrichies aux légumineuses est d’augmenter la part de protéines végétales dans l’alimentation, mais aussi d’équilibrer les acides aminés essentiels » affirme-t-elle. Concrètement, il s’agit de tenter d’associer à du blé dur des lentilles vertes ou corail, des fèves, des pois chiches ou encore des pois cassés pour former cet aliment.
« Il était a priori difficile de mettre plus de 35% de légumineuses dans le produit final »
L’INRA rappelle par ailleurs qu’il est recommandé qu’au moins la moitié des protéines composant un régime soient d’origine végétale. Or aujourd’hui, 60% des protéines consommées sont d’origine animale. Les travaux permettant de combiner légumineuses et blé dur pour fabriquer ces « pâtes mixtes » ont débuté en 2005. Et la tâche n’a pas été simple. « Nous avons été confrontés à des blocages technologiques. La matière première étant plus réactive que le blé, il était a priori difficile de mettre plus de 35% de légumineuses dans le produit final » explique-t-elle.
Autre contrainte technique : la volonté de ne pas utiliser d’additif qui permettrait de stabiliser la pâte. Le souci se situait au moment de l’extrusion. Au lieu de former des tubes réguliers, la pâte composée de légumineuses et de blé s’agglomérait en boule. Mais Valérie Micard affirme que désormais, l’obstacle technique est dépassé, et qu’il est bien possible de fabriquer des pâtes intégrant autant de légumineuses que souhaité. Cependant, cette dernière reste discrète sur le procédé qui a permis de parvenir à ce résultat. « Je suis biochimiste de formation, j’ai regardé comment la matière se comportait, et j’ai procédé à un petit changement », se contente-elle de déclarer.
Une bonne alternative à la viande chez les personnes âgées
Un brevet a été déposé par l’INRA sur cette technologie, qui serait dans le domaine public depuis quelques mois. Le produit fini ressemble à s’y méprendre à de classiques pâtes aux légumes. Comme des pâtes classiques, elles cuisent en environ neuf minutes. Selon des tests réalisés sur des volontaires, ces pâtes seraient digestes et n’auraient pas d’incidence négative sur l’indice glycémique ou les flatulences. Simplement, elles seraient plus élastiques en bouche que les originales. Dans les faits, ces pâtes enrichies contiennent en moyenne 60 à 70% de légumineuses. « Il est également possible de fabriquer des pâtes exclusivement à base de légumineuses. Elles sont moins équilibrées, mais sont sans gluten, ce qui peut être un avantage pour les personnes atteintes de maladies cœliaques », ajoute Valérie Micard.
Afin d’évaluer les avantages de ces pâtes mixtes, des travaux ont été menés sur des rats sarcopéniques, autrement dit atteints de faiblesses musculaires. Il a été démontré que l’absorption de légumineuses ainsi associées au blé avait pour eux un effet bénéfique. Par extension, ces pâtes représenteraient donc, selon l’INRA, une bonne source de protéines végétales pour les personnes âgées. « Ces pâtes enrichies aux légumineuses sont une bonne solution à proposer lorsque la viande est délaissée, d’autant plus que le blé et les légumineuses sont ingérées en même temps », rappelle Valérie Micard. Selon elle, l’ingestion simultanée de blé et de légumineuses est capitale pour la bonne synthèse des acides aminés chez les personnes âgées.
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