Après avoir travaillé pendant plus de 25 ans comme ingénieure dans le CAO DAO et supercomputing et s’être investie dans l’association Femmes Ingénieurs en tant que présidente, Marie-Hélène Therre s’est tournée vers le consulting. Elle intervient dans les entreprises pour faire prendre conscience des biais, notamment dans l’innovation. Son but : déjouer l’androcentrisme qui prévaut encore aujourd’hui afin de mettre en place des projets plus inclusifs et donc véritablement innovants.
« Les biais sont des raccourcis que fait notre cerveau pour emmagasiner plus rapidement des informations plurielles ou complexes. Il classe les objets et les personnes, d’où la catégorie des hommes et la catégorie des femmes », explique la consultante. Or, aux femmes sont souvent associés les mots « foyer » et « famille » quand « carrière » et « leader » désignent communément les hommes. Et ces biais sont perceptibles lorsqu’une innovation est pensée et développée.
Des innovations pensées pour les hommes
Marie-Hélène Therre prend l’exemple de mini-ordinateurs portables sortis il y a quelques années dont une gamme était réservée aux hommes et l’autre aux femmes. « Sur la première, vous retrouviez des produits bureautiques comme Word, Excel, etc. En revanche, la version ‘femme’ était colorée alors que l’autre était noire, et les logiciels à l’intérieur permettaient entre autre de suivre sa courbe de poids ». Mais plus qu’une innovation stéréotypée voire complètement excluante pour une partie de la population, ne pas prendre conscience des biais peut avoir des conséquences très dangereuses. L’ingénieure rappelle qu’auparavant, les crash-tests étaient réalisés avec des mannequins hommes puis avec des mannequins enfants. Il a fallu attendre beaucoup plus longtemps pour s’interroger sur la morphologie des femmes et cela a causé la mort de nombreux fœtus car la question des femmes enceintes n’avait pas été posée.
Pour y remédier, Marie-Hélène Therre intervient en entreprise essentiellement sous forme d’ateliers afin de favoriser les échanges. Les équipes et elle réfléchissent à l’impact des a priori sur les projets, les normes choisies, et déconstruisent certaines idées communes : certains pensent qu’un objet fabriqué pour les hommes fonctionne aussi bien pour les femmes, mais ce n’est pas le cas. Selon l’ingénieure, il faut réfléchir dès la conception à toutes les personnes susceptibles d’utiliser les produits. Cela permet une analyse plus fine du marché et intègre les attentes de la population complète, et pas seulement d’une partie de la population. Mais elle reconnait que ce sont des démarches qui prennent du temps, car aujourd’hui encore les hommes blancs et valides restent majoritaires dans les environnements scientifiques, techniques et technologiques. Un autre frein qu’elle distingue : « La plupart des entreprises pensent que la question de la mixité dépend essentiellement des ressources humaines donc d’embaucher autant de femmes que d’hommes. Ils ne pensent pas du tout au niveau des produits, des services et des projets ».
Pourtant, les avantages sont nombreux pour les entreprises qui intègrent la dimension hommes-femmes dès la conception d’un produit : « Ça génère de la valeur ajoutée, de nouvelles idées émergent, ça permet aussi d’intégrer d’autres dimensions comme le handicap, les facteurs socio-culturels. L’innovation peut ainsi avoir un impact sociétal car elle est destinée à tous ». Seule manière selon elle de parler réellement d’innovation.
Crédit photo portrait : Valérie Lavadière Photographies
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