Dans ce domaine il est possible de citer :
- La déplétion naturelle des extractions pétrolières ;
- La croissance des populations, leur urbanisation, la progression du niveau de vie des populations asiatiques en échange de la paix sociale et de l’harmonie. Ces phénomènes seront accompagnés par une progression des transports individuels et collectifs et conduiront à une plus grande consommation de carburants ;
- Le déplacement de l’Amérique vers l’Asie des livraisons de produits pétroliers disponibles sur le marché international en raison de la baisse des importations américaines, concurrencées par les condensats de gaz de schistes, et de la croissance des importations chinoises. Ce sont les marchés asiatiques alimentés par du brut ou des produits pétroliers en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient qui vont déterminer les cours mondiaux du pétrole et de ses dérivés ;
- Le marché américain du pétrole brut, faute d’exportations possibles, restera, pour un temps encore, un marché régional à prix modérés, inférieurs à ceux du panier OPEP. La génération, par ce processus, d’un avantage concurrentiel aux industries américaines tend à pérenniser ce déséquilibre tarifaire ;
- La localisation d’énormes réserves de pétrole et de gaz dans les pays du Proche et Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord dont les certitudes religieuses d’une partie des populations locales rendent le climat politique incertain et parfois explosif justifiera d’une prime géopolitique des cours ;
- Le progrès technique rendant accessibles de nouvelles ressources naturelles (ex. : gaz de schistes, hydrates de méthane) parfois largement réparties ;
- Les énormes investissements financiers associés à l’exploration, à l’extraction des ressources, à leur raffinage ou à la synthèse à partir de gaz naturel ou de charbon de dérivés liquides carburants ;
- La nécessaire adéquation des prix des produits pétroliers avec les montants d’investissements requis pour de complexes installations qui doivent être amorties par les industriels sur des délais raisonnables ;
- La non prééminence d’une ressource nouvelle qui ferait s’effondrer les appels aux ressources existantes. Ceci en raison de la nécessité de gérer la ressource émergente sur un temps long, celui d’amortir les investissements et de conserver l’activité industrielle sur plusieurs décennies. Cette règle s’applique à l’exploitation des gaz de schistes américains et potentiellement à celle des ressources chinoises ou de toute autre contrée ;
- Le phénomène de substitution compétitive qui caractérise les marchés de l’énergie, passés successivement du bois, au charbon, puis au pétrole et qui devraient raisonnablement se développer dans le gaz naturel en raison de son abondance, de la faiblesse de son prix et des qualités environnementales de cette ressource. Toutefois, son transport nécessite de lourds investissements ce qui ralentit la croissance de sa part de marché ;
- Rappelons pour préciser l’échelle de temps des phénomènes de substitution des ressources énergétiques que le premier navire de haute-mer équipé de moteurs diesel, le Selandia fut mis à l’eau par les chantiers danois en 1912, annonçant ainsi la très lente fin programmée de l’utilisation du charbon comme combustible dans les transports maritimes. En 2012 c’est l’évaporation du GNL qui alimente les nouveaux transports de gaz maritimes. Dans cette transition progressive du pétrole vers le gaz, les procédés de transformation de gaz en liquides par le procédé Fischer-Tropsch (GTL) joueront un rôle déterminant en raison de leur rentabilité et de leurs accès au gazole.
- Ces possibilités de substitutions rendent caduques les théories d’une raréfaction imminente de ressources énergétiques liquides qui ne considèrent que le pétrole traditionnel et négligent par exemple les condensats de gaz.
- Dans ce cadre là, il est difficile d’imaginer une baisse des prix durable des produits pétroliers qui entraînerait rapidement une annulation de certains investissements nécessaires au maintient des flux d’approvisionnement du marché.
- De façon plus réaliste, une progression raisonnable des prix des produits pétroliers, arbitrée par l’OPEP, est de nature à maintenir ces flux d’approvisionnement et à encourager les industries agricoles des biocarburants à se développer sur les continents qui disposent de terres arables. Les Etats-Unis, les pays d’Amérique Latine et l’Afrique, toujours oubliée, participeront avec le monde paysan à la croissance de ces filières qui assurent des débouchés réguliers aux cultures. Elles pourraient assurer à terme entre 5 à 10% des productions en volumes des raffineries de pétrole.
CONCLUSION
Au bout de ce survol rapide des ressources énergétiques de la planète et des processus nombreux de substitution compétitive de ces ressources, qui sont ou qui seront mis en œuvre, il apparaît de plus en plus que notre civilisation n’est pas à court de ressources fossiles et que tout « stress écologique » issu d’une peur de la pénurie imminente doit être combattu et traité par la raison. Ceci est vrai en particulier en Europe, continent particulièrement sensible aux théories alarmistes de la pénurie immédiate, face à un comportement insouciant d’une Asie en plein boom économique.
Cela ne veut pas dire qu’il faut se désintéresser de ce problème sérieux, mais qu’au contraire, une approche programmée et raisonnable est nécessaire pour à la fois accroitre l’efficacité énergétique des processus, pour réduire la part des consommations d’énergies d’origine fossiles dont les prix unitaires vont progresser, pour accroitre, sans à-coups, la part des énergies non émettrices de gaz carbonique telles que les énergies renouvelables ou celles issues de l’atome. Tout au long de ce processus l’indépendance énergétique du Continent ouest-européen et la compétitivité de ses industries doivent être prises en comptes dans les processus de décision. Malheureusement, en Europe, ces principes élémentaires ne me semblent pas être bien respectés aujourd’hui. Certains déboires économiques et la fuite des industries électro-intensives de notre continent doivent être imputés à ce désintérêt provisoire.
Les problèmes d’approvisionnement en produits pétroliers de la planète ne sont pas, aujourd’hui, un problème de raréfaction universelle des stocks accessibles, ils sont liés à un problème de maintien des flux d’approvisionnement et donc d’investissements et de développement de nouveaux procédés qui sont facilités par des cours soutenus du pétrole.
Un fort accroissement général des prix des ressources énergétiques, externalités comprises, sera le seul moyen efficace pour en restreindre peu à peu les consommations et donc pour réduire les émissions mondiales de CO2. Ce processus est déjà en place au sein des nations de l’OCDE, il se généralisera progressivement au reste du monde.
Par Raymond Bonnaterre
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