Fermin Cuevas est chercheur à l’Institut de Chimie et des Matériaux Paris Est (ICMPE), responsable de la thématique Interaction hydrogène matière au sein du département Métallurgie et Matériaux inorganiques.
Ses recherches portent sur la synthèse, les propriétés structurales et physico-chimiques des composés intermétalliques et des hydrures : elles visent le développement de nouveaux matériaux pour des applications concernant le stockage de l’énergie, en particulier le stockage d’hydrogène, les batteries Ni-MH et les batteries Li-ion.
Le plan d’investissement France 2030 ambitionne, notamment à travers le PEPR hydrogène, de faire de la France un leader sur le marché de l’hydrogène dans les années à venir. Au niveau continental également, l’Europe investit et a sélectionné de nombreux projets, dans 15 pays de l’UE, pour soutenir le développement des technologies hydrogène. Tout est mis en place pour faire de la molécule hydrogène le vecteur énergétique à côté de l’électricité, pour la transition à venir.
Les recherches actuelles sur l’hydrogène visent à améliorer les performances de la chaîne hydrogène-énergie, tant sur les volets production et usage que sur le volet stockage. Sur ce dernier point, le développement de nouveaux matériaux pourraient permettre d’utiliser massivement l’hydrogène en tant que moyen de stockage de l’énergie. Pour que les technologies développées puissent connaître un usage massif, il est important que les matériaux développés puissent être produits à un coût économiquement viable. Une contrainte nécessaire que les chercheurs intègrent à leurs travaux.
Fermin Cuevas a répondu aux questions de Techniques de l’Ingénieur, concernant le potentiel de nouveaux matériaux pour le stockage de l’hydrogène, et plus généralement sur le développement de la filière dans l’hexagone et en Europe.
Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont les différentes méthodes pour stocker de l’hydrogène ?
Fermin Cuevas : Il y a aujourd’hui trois méthodes principales pour stocker l’hydrogène. On peut le stocker à l’état gazeux, à très haute pression. On peut aussi stocker l’hydrogène à l’état liquide à très basse température. C’est ce que l’on fait pour les fusées par exemple.
La troisième possibilité, que je connais bien puisque c’est sur celle-ci que je travaille, est de stocker l’hydrogène sous forme solide.
Du point de vue applicatif, nous nous concentrons sur du stockage stationnaire, pour une question de poids.
Quels sont les matériaux sur lesquels vous travaillez ?
Nous pouvons diviser les matériaux sur lesquels nous travaillons en deux grandes catégories. Il y a toute une famille de matériaux que nous connaissons déjà, et qui sont employés pour stocker de l’hydrogène. Leurs propriétés sont connues. Parmi eux, il y a par exemple les composés intermétalliques, qui sont constitués d’une association de plusieurs métaux, titane et fer par exemple. Nous savons les synthétiser, modéliser leurs propriétés chimiques, et nous connaissons leur potentiel en ce qui concerne le stockage de l’hydrogène. De plus ces matériaux sont réversibles à pression atmosphérique et à température ambiante, ce qui est un avantage pour imaginer des systèmes de stockage et de déstockage de l’énergie performants.
Parmi les matériaux que l’on connaît déjà, nous pouvons également citer les composés intermétalliques contenant des terres rares et des métaux de transition, des composés à base de magnésium ou encore des alliages de vanadium.
Ces matériaux permettent de stocker l’hydrogène réversiblement, l’objet des recherches actuelles est d’améliorer leurs performances en les optimisant pour des applications bien précises.
Quelle est la seconde catégorie de matériaux sur lesquels vous travaillez ?
La seconde catégorie va regrouper les matériaux prospectifs, dont le potentiel n’est pas encore bien établi. C’est l’autre aspect de nos travaux. Il s’agit plus de recherche fondamentale, sur des matériaux légers ayant un potentiel certain en termes de stockage de l’hydrogène, mais présentant des caractéristiques contraignantes. Cela peut être une température trop élevée pour libérer l’hydrogène ou la décomposition non réversible du matériau au cours de la réaction.
Le budget alloué par l’Etat pour développer la filière hydrogène est majoritairement orienté aujourd’hui vers la recherche appliquée pour mettre au point des démonstrateurs. Ceci favorise l’amélioration de matériaux dont les propriétés pour le stockage de l’hydrogène sont déjà connues. La recherche fondamentale bénéficie d’investissements plus limités, mais déjà significativement importants pour trouver des matériaux totalement nouveaux.
Quelles vont être les caractéristiques recherchées chez les matériaux que vous testez ?
Aujourd’hui beaucoup de matériaux sont développés pour le stockage stationnaire de l’hydrogène. L’intérêt est que l’on travaille sur des matériaux qui fonctionnent à température ambiante. C’est à la fois énergétiquement plus efficace et sécuritaire pour envisager des applications proches du public.
Ensuite, il y a toute une gamme de matériaux qui permettent de stocker l’hydrogène avec une grande capacité et donc potentiellement adaptées à la mobilité, mais à l’heure actuelle ces matériaux fonctionnent dans des zones de température ou de pression trop éloignées des constantes qui constituent notre environnement. Les chercheurs qui étudient ces matériaux essaient de les adapter pour des usages aux conditions normales de pression et de température. Cela est nécessaire pour imaginer de nouvelles applications industrielles nécessitant du stockage de l’hydrogène avec ces matériaux.
Quels sont les pays les plus avancés sur les technologies hydrogène ?
Le Japon, du point de vue technologique, et l’Allemagne, qui est très avancée sur l’usage de certaines technologies renouvelables, me paraissent en avance sur la France pour le moment sur le développement d’une filière hydrogène.
L’Australie possède une grande quantité de lithium et des métaux de transition dans son sous-sol. C’est un avantage pour produire des batteries, et est en plus très largement ensoleillé. Selon moi, le pays semble réunir des atouts très importants pour devenir un acteur important de l’hydrogène.
Propos recueillis pas Pierre Thouverez
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