Créée en 2020 à Lormont (Gironde), G-Éco est la première entreprise adaptée spécialisée en impression 3D. S’adressant à des marchés tels que l’agroalimentaire ou l’industrie pharmaceutique, la jeune entreprise est notamment capable de fournir à ses clients des pièces détachées imprimées en 3D. Employant plus de 55 % de salariés en situation de handicap, G-Éco s’est donné pour mission de les former afin de leur permettre une réinsertion sur le marché de l’emploi.
Disposant d’un parc d’une vingtaine de machines, G-Éco est capable de mettre en œuvre trois grandes technologies d’impression 3D : l’impression par dépôt de filament, l’impression sur lit de poudre (SLS) ou encore l’impression 3D sur résine, ou SLA. Outre le marché de la pièce détachée, l’entreprise girondine s’adresse également aux intégrateurs, à qui elle est capable de fournir des composants en petite ou moyenne série, ainsi qu’au marché du prototypage, le tout d’une manière flexible et dans des délais très courts. Forte d’une centaine de clients et d’un catalogue de près de 1 500 références de pièces, G-Éco bénéficie en outre d’un rythme de croissance soutenu, comme nous l’explique son fondateur et actuel PDG Sébastien Lecocq.
Techniques de l’Ingénieur : Comment G-Éco a-t-elle vu le jour ?
Sébastien Lecocq : J’ai créé l’entreprise en 2020. Sa naissance est donc relativement récente. J’ai eu, auparavant, l’opportunité de travailler dans un centre hospitalier, au sein d’un atelier de réhabilitation psychosociale où l’on accueille des patients en situation de handicap psychologique. Je les formais aux technologies 3D, à la modélisation, à l’utilisation d’imprimantes 3D. L’objectif était de leur apporter ces compétences afin qu’ils puissent les utiliser dans le cadre d’une réinsertion professionnelle. Dans les faits, c’était un peu différent. L’atelier fonctionnait bien, il y avait de l’intérêt, les compétences étaient transmises et acquises, mais les personnes formées ne les mettaient pas à profit lorsqu’elles trouvaient du travail. Je trouvais cela assez dommage. J’ai donc souhaité proposer une marche supplémentaire en construisant un projet d’entreprise adaptée à même d’accueillir ces personnes afin qu’elles puissent y poursuivre leur formation. Au-delà des aspects techniques, l’objectif était de les faire monter en compétences sur le savoir-être : comment je me comporte en entreprise, comment je m’intègre… Cela a été le postulat de départ. En complément de ce pilier social, ma volonté était aussi de travailler autour des technologies 3D pour proposer des solutions locales de maintenance et de fabrication de pièces détachées permettant de lutter contre l’obsolescence.
Vous évoquiez la notion « d’entreprise adaptée ». Qu’est-ce que cela implique ?
Cela implique plusieurs choses. La première, qu’il faut bien avoir en tête, c’est qu’une entreprise adaptée est une entreprise à part entière. C’est-à-dire que l’on a le même niveau d’exigence sur le plan financier qu’une entreprise classique. On se doit d’être rentable, on se doit de générer de la richesse ; à la différence des ESAT[1], un modèle qui repose plus sur les subventions et qui se veut plus occupationnel. En matière d’engagements, nous avons l’obligation d’avoir plus de 55 % de nos salariés qui sont en situation de handicap. La plupart d’entre eux sont souvent éloignés de l’emploi. Nous allons donc leur dispenser des formations tout au long de leur présence au sein de l’entreprise. Nos salariés n’ont pas vocation à faire carrière pendant 25 ans chez nous, même si certains le feront, car la marche sera trop haute pour pouvoir réintégrer une entreprise ordinaire. La plupart de nos salariés sont donc là pour un temps défini, propre à chacun, et qui dépend des programmes de formation que nous déployons pour les amener à un niveau leur permettant d’intégrer des entreprises dites « ordinaires ». Ces entreprises font partie d’un tissu de partenaires que nous avons mis en place autour de notre écosystème. L’aspect social et l’aspect formation me semblent deux piliers très importants de notre projet. Je ne pouvais pas envisager de créer une entreprise qui ne soit pas la plus inclusive possible.
À quels types de clients, quels types de marchés vous adressez-vous ?
Aujourd’hui, nous avons trois activités principales. La première est celle que j’évoquais et qui tourne autour de la pièce détachée. Pour ce volet-là, nous nous adressons à des clients qui exploitent des lignes automatisées. C’est donc assez vaste. Nous sommes très présents dans l’embouteillage, dans l’agroalimentaire, dans l’industrie pharmaceutique… Ce sont des acteurs qui ont une multitude de pièces détachées sur leurs équipements et pour lesquels il est parfois difficile de s’approvisionner, car ils disposent parfois d’équipements exploités depuis de nombreuses années. La question du délai est aussi importante, les fournisseurs ayant, particulièrement en ce moment, des tensions d’approvisionnement qui impliquent des temps d’attente très, très longs. Nous apportons donc une solution agile. Nous définissons, en amont, avec le client, son besoin et la faisabilité d’y répondre grâce à l’impression 3D. Nous lui proposons ensuite un stock digital, dans lequel il n’a plus qu’à piocher afin que nous produisions un, cinq… ou dix exemplaires de la pièce voulue, dans des temps extrêmement courts. Nous avons par exemple réalisé, pour l’un de nos clients, des fûts et des cales optiques en frittage de poudre. Ces 40 pièces ont été fabriquées sous un délai d’une semaine entre la réception des fichiers, l’optimisation et la préparation du design, puis le départ des produits de nos ateliers. Dans le cas de ce client, le respect des délais et la qualité des pièces produites étaient les deux facteurs clé. Il s’agit donc du premier volet de notre activité.
Le second s’adresse à des intégrateurs : des gens qui proposent, fabriquent et vendent des produits complexes faisant appel à de la plasturgie. Pas pour des boîtiers extérieurs, car l’impression 3D n’est pas forcément adaptée, mais pour des composants non visibles, des composants internes, que nous sommes capables de produire en petite ou moyenne série. Nous n’avons, pour cela, pas besoin d’outillage ou de moules d’injection, ce qui rend le travail beaucoup plus flexible, plus sobre en matière d’énergie et de matières premières.
Enfin, le troisième volet est celui du prototypage. Dans ce cas de figure, nous accompagnons nos clients sur les phases amont de développement de leurs produits en leur permettant de fabriquer des prototypes de leurs produits.
Combien de clients comptez-vous actuellement ?
La première année de l’entreprise a été difficile de par le contexte sanitaire. Mais si je prends comme référence les douze derniers mois, je dirais que nous avons aujourd’hui une centaine de clients actifs dans le domaine agroalimentaire et de l’embouteillage, pour lesquels nous fabriquons environ 1 500 références de pièces. Nous avons un rythme de croissance de notre portefeuille-clients de l’ordre de 10 à 15 % par mois.
Quels sont vos effectifs ?
Notre structure compte aujourd’hui huit salariés, dont quatre en situation de handicap. Ce qui est intéressant est que nous avons différents profils : nous avons des gens dont le handicap ne leur a jamais permis de travailler et à qui nous proposons de travailler pour la première fois, dans un cadre adapté en matière d’horaires, de projets et de charge de travail. Il y a une vraie satisfaction pour eux à ce niveau-là ! Ce sont des gens pour qui nous avons mis en place des parcours de formations d’environ 150 à 170 heures réparties au moment de l’embauche, afin d’arriver à un niveau de compétences utile à l’entreprise. Nous avons aussi un public en reconversion, des gens qui ont développé des difficultés au cours de leur carrière et qui se retrouvent à ne plus pouvoir exercer le travail qu’ils ont fait pendant plusieurs décennies. Nous leur proposons de se repositionner sur des métiers à valeur ajoutée, comme les travaux de bureau d’étude, de modélisation, d’exploitation d’imprimantes 3D et pour lesquels nous adaptons les conditions de travail à leurs capacités.
Sur le plan technique, de quels moyens disposez-vous ?
Nous disposons d’un parc d’une vingtaine d’imprimantes 3D sur site, qui couvrent trois technologies. Nous sommes axés sur l’impression 3D polymère, donc plastique, un terme qui peut parfois avoir une connotation péjorative, raison pour laquelle je préfère celui de polymère. Nous travaillons notamment le dépôt de filament : nous partons d’une matière solide sous forme de filament. Nous travaillons aussi avec les technologies SLS[2], avec des matières premières sous forme de poudre, ce que l’on appelle aussi l’impression 3D sur lit de poudre. Enfin, nous proposons aussi l’impression 3D sur résine, ou SLA[3]. Nous partons, avec cette technique, de matière première liquide, que nous polymérisons avec de la lumière UV.
Nous disposons également de tous les équipements nécessaires au volet « post-traitement », tout ce qui tourne autour du prototypage. Nous sommes capables de faire de la mise en peinture, de l’apprêtement, du sablage… Cela nous permet de livrer un vrai produit fini à nos clients et pas uniquement une pièce brute, directement sortie d’imprimante 3D.
Quelle approche adoptez-vous pour maintenir à jour ce parc matériel ?
Nous ne le renouvelons pas, mais nous le complétons. Nous avons fait le choix d’avoir des imprimantes 3D qui ne sont pas forcément destinées à un usage industriel : nous n’avons pas de grosses machines de production de série par impression 3D. Nous avons donc un parc machines relativement flexible, que nous complétons en fonction des évolutions technologiques qui sont proposées par nos partenaires. Nous avons commencé avec le dépôt de filament, puis nous avons intégré le dépôt de filament composite, puis le SLA, puis le SLS… Nous avançons au fur et à mesure de l’évolution des technologies 3D.
Au-delà de l’impression 3D à base de polymères, envisagez-vous éventuellement de vous tourner un jour vers d’autres catégories de matériaux, telles que l’impression 3D métal ?
Je pense qu’il est aujourd’hui encore un peu tôt. Dans les marchés sur lesquels nous sommes présents, on ne retrouve pas d’alliages de métaux extrêmement techniques et onéreux, comme cela peut-être le cas dans l’aéronautique, l’aérospatial ou la défense. Or, l’impression 3D métal reste, mine de rien, très onéreuse en équipement et en matières premières. Sur nos marchés, la technologie n’est pas suffisamment mûre pour que nous l’intégrions. Nous proposons en revanche des solutions de substitution : nous avons un certain nombre de pièces détachées qui sont à l’origine en aluminium ou en alliages et que nous reproduisons en polymères en les retravaillant. Nous utilisons notamment des polymères chargés en fibres de carbone ou en fibres de verre, qui nous permettent d’approcher les caractéristiques mécaniques des métaux ou des alliages.
Quelle taille les pièces que vous produisez peuvent-elles atteindre ?
Même si nous ne traitons pas l’impression 3D grand format – c’est-à-dire de l’ordre du demi-mètre cube – nous n’avons pas vraiment de limites : nous adoptons en effet une approche qui consiste à réaliser plusieurs sous-ensembles, que nous venons ensuite assembler pour obtenir des pièces de grande taille. Cela ne consiste pas simplement à couper tout droit et à coller : nous travaillons sur des assemblages faisant appel à des composants métalliques, de façon à obtenir les résistances mécaniques attendues. Il est vrai que la taille est l’un des premiers freins qui apparaît lorsque nous discutons avec nos clients. Or, dans les faits, nous ne sommes pas limités en taille. En revanche, il est vrai que cela demande un peu de réflexion et de travail en bureau d’études. Nous réalisons par exemple des moules de coulée pour l’aéronautique qui sont réalisés en six, sept, voire huit sous-ensembles que nous venons ensuite préparer pour assemblage.
Outre l’impression 3D en tant que telle et les autres services que vous proposez, le scan 3D fait-il également partie de vos possibilités ?
C’est une solution que nous avons évaluée, mais que nous n’avons pas retenue dans nos process de travail. Pourquoi ? Simplement parce que le scan 3D est très pertinent pour certaines applications, mais pour des applications mécaniques comme les nôtres, il y a beaucoup de détails qui ne sont pas capturés par les scanners 3D, aussi bons soient-ils. Cela nous demanderait donc, derrière, beaucoup de retravail : le fichier 3D obtenu n’est pas exploitable en l’état et il est plus rapide pour nous de modéliser par des techniques traditionnelles de prises de cotes sur les pièces.
Quelles sont les perspectives pour G-Éco dans les mois à venir ?
Nous avons prévu trois nouveaux recrutements en fin d’année, aussi bien sur le volet commercial, pour accompagner notre déploiement auprès de nos clients, que sur le volet technique, pour renforcer notre bureau d’études qui, aujourd’hui, approche de son seuil maximal d’activité. Les technologies d’impression 3D sont vraiment en plein développement et des acteurs comme nous ont vraiment un rôle important à jouer, car pour beaucoup de nos clients adopter en interne ces technologies n’est pas la solution.
Nous avons aussi un projet qui a fait l’objet d’un dépôt de brevet en début d’année. Il s’agit d’un projet portant sur des mousses d’encollage, qui sont utilisées pour venir apposer des étiquettes sur des contenants : bouteilles, flacons… Cela fonctionne très bien aujourd’hui, mais il y a beaucoup d’inconvénients. C’est très contraignant en matière de maintenance, d’entretien, d’usure… C’est également limité dans les formes. Nous avons été capables de développer une solution de mousse imprimée, que nous commercialisons aujourd’hui auprès de nos clients et qui répond à l’ensemble de leurs demandes et des griefs qu’ils pouvaient avoir sur les mousses existantes. Ce projet démarre très fort : il est déjà déployé chez une trentaine de clients, qui sont tous extrêmement satisfaits du résultat obtenu. Nous travaillons donc à développer et à déployer ce brevet.
- Établissement et service d’accompagnement par le travail
- Selective Laser Sintering : frittage sélectif par laser
- Stereolithograph apparatus : Stéréolithographie
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