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Be Energy : donner une seconde vie aux batteries grâce à des impulsions électriques

Interview

En 2025, des batteries automobiles avec une autonomie de 800 à 1000 km

Posté le par Nicolas LOUIS dans Chimie et Biotech

La start-up française Nawa technologies développe des tapis de nanotubes de carbone verticalement alignés. Sa technologie permet de booster les performances des matériaux composites et des batteries. Entretien avec Pascal Boulanger, le fondateur de cette entreprise.

Durant 20 ans, Pascal Boulanger a travaillé dans la recherche au CEA sur différentes thématiques : le nucléaire, le solaire et les nanotechnologies. Lors de l’une de ses missions, il doit identifier des technologies, encore au stade de la recherche fondamentale, aptes à être transférées vers l’industrie. Il en repère plusieurs mais l’une d’elles l’intéresse plus particulièrement, celle des tapis de nanotubes de carbone verticalement alignés. Il décide alors de transférer lui-même cette technologie et de tenter l’aventure entrepreneuriale en créant sa start-up en 2013. Aujourd’hui, son entreprise compte 46 salariés et est sur le point de concevoir ses premiers prototypes industriels. Rencontre avec Pascal Boulanger, fondateur de Nawa technologies.

Techniques de l’Ingénieur : Quelle est l’origine de la technologie développée par votre start-up ?

Pascal Boulanger – Crédit photo Nawa Technologies

Pascal Boulanger : Au départ, il y a la découverte des nanotubes de carbone en 1991, un nanomatériau dont les propriétés de conductivité électriques et thermiques sont remarquables. Sauf qu’ils ressemblent à des spaghettis cuits dans une assiette, éparpillés dans tous les sens et extrêmement flexibles. Lorsque les chercheurs ont tenté de les intégrer dans des matériaux, ils ont rencontré énormément de difficultés. Les propriétés individuelles de ces nanotubes de carbone se trouvaient noyées dans le produit fini et, au final étaient fortement réduites. Le CEA a alors développé des tapis de nanotubes de carbone alignés qui ont la particularité d’être droits et parallèles les uns par rapport aux autres. Cette configuration a permis d’obtenir des propriétés globales bien supérieures à leurs propriétés individuelles, un peu comme si en additionnant un plus un, on obtenait trois. L’alignement de ces nanotubes a également permis de les intégrer plus facilement dans des matériaux.

Tapis de nanotubes de carbone – Crédit photo : Nawa Technologies

Aujourd’hui, quel est le savoir-faire de Nawa technologies ?

Il existe dans le monde plusieurs entreprises travaillant sur les nanotubes de carbone alignés. Par contre, nous sommes aujourd’hui la seule capable d’industrialiser cette technologie. Concrètement, nous fabriquons des tapis de nanotubes de carbone alignés sur de grandes surfaces et sommes en mesure de faire varier leur diamètre, l’espacement entre les tubes et la longueur en fonction des applications. Par exemple, pour concevoir des supercondensateurs, ces dispositifs de stockage d’énergie, nous fabriquons des tapis plutôt épais et denses, avec un grand nombre de nanotubes par cm². Alors que pour des matériaux composites, les tapis sont plutôt plus fins et moins denses.

Quels bénéfices apporte votre technologie aux matériaux composites ?

Nous travaillons avec des matériaux composites composés de plis de carbone empilés les uns sur les autres. Nos tapis de nanotubes de carbone alignés vont venir se positionner entre ces plis et ainsi renforcer l’endroit le plus fragile de ces matériaux. Ils vont permettre d’obtenir une résistance à la fatigue beaucoup plus importante. Par exemple, un matériau qui au départ pouvait endurer 5 000 cycles va voir sa limite repoussée à 50 000 cycles, soit une multiplication par 10. Autre exemple : lorsqu’on projette une bille sur un matériau composite classique, il va se briser ou subir des marques dès le premier impact. Grâce à l’ajout de nos nanotubes de carbone alignés, dix impacts seront nécessaires avant d’observer la moindre trace.

Et sur les performances des batteries automobiles ?

Grâce à nos tapis de nanotubes de carbone alignés, nous fabriquons des électrodes pour stocker de l’énergie. Ces nanotubes étant 50 fois plus petits que les électrodes actuelles, nous obtenons une surface spécifique, à l’intérieur des batteries, très importante et au final une capacité à stocker beaucoup plus de charges. Notre technologie va venir se greffer à des batteries déjà existantes fabriquées par nos clients. Nous allons ainsi contribuer à doubler voire à tripler l’autonomie de leurs batteries, celles-ci pourront atteindre 800 à 1 000 km. De plus, grâce à l’alignement de nos nanotubes, la vitesse de déplacement des ions, c’est-à-dire des charges électriques, se trouve fortement accélérée. En effet, contrairement aux batteries standard, ces déplacements ne subissent aucune tortuosité. Résultat : le temps de recharge des batteries est très rapide. Certains de nos clients ont calculé qu’ils devraient réussir à recharger leur batterie à 80 % en 5 minutes.

Nawa Technologies – Crédit photo : Nawa Technologies

À quelle échéance ces batteries seront-elles commercialisées ?

Pour l’instant, nos résultats restent à l’échelle du laboratoire, mais étant donné que nous avons démontré notre capacité à fabriquer ces nanotubes de carbone alignés sur de grandes surfaces, le processus vers la phase industrielle va aller vite. Les performances ultimes dont je viens de parler arriveront sur le marché en 2025. D’ici là, un important travail de R&D est encore à réaliser, car concevoir des batteries reste toujours très complexe. Nawa technologies ne va pas fabriquer ces batteries du futur, mais va contribuer à ce que l’un de ses clients le fasse. Nous avons actuellement un projet en cours avec l’entreprise française Saft et qui est financé par l’ADEME. Nous travaillons également avec d’autres clients, mais je ne peux pas citer leur nom car nous sommes tenus par des accords de confidentialité.

Au-delà de son savoir-faire technologique, qu’est-ce qui différencie votre jeune entreprise ?

Nos valeurs environnementales. Pour faire croître nos tapis de nanotubes alignés, nous avons besoin de carbone. Nos concurrents utilisent du gaz, mais il est très peu dense. Nous avons fait le choix de travailler avec des liquides et à terme de l’huile végétale, dont le rendement est beaucoup plus élevé. Nous venons ainsi récupérer le CO2 capté par les plantes pour concevoir nos nanotubes de carbone alignés. Et à la fin de leur cycle de vie, ils seront dégradés pour à nouveau redevenir du CO2 ; on ferme ainsi la boucle du carbone. Nous construisons également nos usines de production afin qu’elles aient le moins de surface au sol et dans le but de réduire leur impact sur l’environnement. Tesla rencontre par exemple des problèmes en ce moment dans la construction d’une grande usine de batteries en Allemagne à cause notamment de l’arrachage d’arbres. Nos unités de production auront un impact au sol plus réduit d’environ un quart à un tiers.

Pour aller plus loin

Posté le par Nicolas LOUIS

Les derniers commentaires

  • Bravo, bravo, mais on aurais aussi aimé être rassuré sur le fait que cette nouvelle technologie prend en compte dès sa conception le problème du recyclage puisqu’au delà des composites carbone/carbone qui peuvent certainement être pyrolysés pour boucler le cycle CO2, les autres composites sont à priori sources de déchets non recyclables.


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