Dans le cadre d'un programme européen, un nouveau service de cartographie rapide est en cours de test pour détecter la présence excessive d’eau en milieu urbain. Il a été développé par un laboratoire de l'université de Strasbourg et fonctionne grâce à de l'imagerie satellitaire radar couplée à des algorithmes d'intelligence artificielle.
Copernicus Emergency Management Service (CEMS) est un programme mis en place par la Commission européenne pour fournir des informations géospatiales précises et rapides à tous les acteurs impliqués dans la gestion des sinistres naturels. Jusqu’ici, en cas d’inondation en zone urbaine et de couvert nuageux, aucun service n’était proposé pour avoir une vue d’ensemble de l’ampleur des dégâts, alors que c’est précisément dans ces territoires habités que la population est la plus vulnérable. Depuis quelques mois, un nouvel outil faisant appel à de l’imagerie satellite et de l’IA est en phase de test pour délimiter les zones inondées le plus rapidement possible et guider les secours. Il a été développé par plateforme technologique du laboratoire ICube de l’université de Strasbourg dans le cadre d’un projet appelé Floria.
Deux techniques permettent de visualiser une inondation à partir d’images satellites. La première, repose sur de l’imagerie optique et consiste à prendre des photos à haute résolution pour visualiser la présence d’eau. Sauf qu’elle ne fonctionne pas en cas de présence de nuages. Ceux-ci étant généralement très fréquents lors d’inondations à cause de la pluie, cette méthode ne peut pas être envisagée pour ce type de sinistre. Reste alors, la seconde technique, par imagerie radar, et qui consiste à envoyer une onde électromagnétique à partir d’un satellite, puis à analyser l’onde renvoyée par le sol.
« Dans le cadre du Projet Floria, nous utilisons cette technique, explique Rémi Braun, responsable développement logiciel de la plateforme ICube-SERTIT. Elle fonctionne très bien à la campagne et dans des zones peu urbanisées, mais beaucoup moins en ville. Après avoir tapé contre la route, l’onde électromagnétique va rebondir sur les bâtiments avant de revenir vers le satellite, ce qui va perturber l’analyse du signal. Pour faire face à cette difficulté, nous analysons non pas une image, mais trois, c’est-à-dire deux avant l’inondation et une après. »
Les images analysées sont fournies par la mission Sentinel-1
Grâce à de l’interférométrie radar, une technique consistant à exploiter la différence de phases entre plusieurs images radar dans le but d’estimer un taux de similitude, les scientifiques établissent une carte de cohérence entre les images. Une seconde carte est également conçue grâce à l’analyse de l’augmentation de l’intensité du signal de l’onde électromagnétique à des endroits identiques entre les images. Dans un second temps, des algorithmes d’IA sont utilisés afin de décrypter ces deux cartes et identifier les zones potentiellement inondées sur chaque pixel. Le modèle développé est de type deep learning et fonctionne à partir de l’architecture de réseau de neurones U-Net.
Actuellement, les équipes du laboratoire ICube s’appuient sur des images fournies par la mission Sentinel-1, dans le cadre du programme Copernicus de l’Agence spatiale européenne. Pour que ces images soient exploitables, l’une des contraintes est qu’elles doivent être prises à partir d’une même position dans l’espace. « L’avantage de Sentinel-1 est que c’est le seul satellite à faire de l’acquisition systématique et que les images sont disponibles gratuitement, complète Rémi Braun. Par contre, le deuxième satellite est tombé en panne et nous attendons le lancement d’un troisième satellite, programmé dans environ 6 mois, pour améliorer notre cartographie. Le temps de revisite des satellites sur un même point sur terre, qui dépend de la latitude, devrait être d’environ deux jours en Europe. La fréquence d’acquisition des images sera alors suffisante pour pouvoir les analyser dans de bonnes conditions. »
Ce nouveau modèle numérique se présente sous la forme d’un démonstrateur et est actuellement testé en condition réelle par le CEMS. Il a notamment servi à évaluer l’étendue des importantes inondations survenues cet été en Slovénie. La résolution des images est pour le moment limitée à 15 mètres, ce qui rend difficile l’analyse de certaines images dans des centres-villes dont les rues sont étroites. Plusieurs pistes sont envisagées pour améliorer ce point ainsi que pour perfectionner plus globalement ce service de cartographie rapide. « Les images obtenues sont pour l’instant un peu grossières et nous souhaitons améliorer notre système grâce à de la modélisation numérique de terrain (MNT) pour atteindre une résolution de l’ordre de quelques mètres, ajoute Rémi Braun. Nous voulons aussi introduire un modèle hydraulique pour combler certaines zones d’ombre des images acquises par les satellites. Enfin, au fur et à mesure des mois, l’algorithme d’IA va devenir de plus en plus performant, car il fonctionnera à partir d’une base de données de plus en plus importante. »
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