En France, le réseau aérien a été segmenté entre aérodromes de loisir, aéroports régionaux, aéroports internationaux et plateformes militaires. En 2007, la loi sur la décentralisation a transféré 150 aérodromes et aéroports appartenant à l’État au profit des collectivités ou de leurs groupements.
Ce réseau secondaire de petits aérodromes constitue une part importante du paysage aéroportuaire français, mais leur rentabilité et leur sécurité ne sont pas toujours évidentes. L’espace aérien supérieur et l’espace aérien inférieur sont supervisés par les cinq centres en route de la navigation : Athis-Mons, Reims, Brest, Bordeaux et Aix-en-Provence[1].
Également placés sous l’autorité de la Direction des Opérations (rassemblant l’ensemble des activités de contrôle aérien proprement dites), les neuf Services de la Navigation Aérienne (SNA) regroupent par grandes régions les services de contrôle d’approche et les tours de contrôle.
Ces différents services assurent la surveillance des 79 aérodromes français, dont 72 se trouvent en métropole. Mais la DSNA (Direction des services de la navigation aérienne) cherche à rationaliser son réseau pour faire en sorte que les services d’approche et de contrôle des plus petits aérodromes soient rendus par des centres voisins. Une dizaine a été fermée ces dernières années.
Les DAT dans les pays nordiques
Pour relever ce défi, la DGAC s’apprête à tester une solution déjà déployée depuis quelques années en Suède, Norvège, en Allemagne, en Hongrie, en Angleterre… (d’autres pays du sud de l’Europe s’apprêtant à faire de même) : la Digital Advanced Tower (DAT).
Un « système » DAT est un concept technologique de modernisation du service de contrôle basé sur le digital (une caméra permettant de voir sur un écran dans la tour de contrôle une partie d’aéroport non visible est un système DAT). Un RTC – Remote Tower Center – est un centre de contrôle d’aérodrome à distance permettant de contrôler plusieurs aérodromes au moyen de système DAT déployés sur ces sites.
L’expérimentation consistera à s’assurer qu’un contrôleur installé sur le site de la DGAC à Toulouse-Blagnac peut gérer seul l’atterrissage et le décollage des avions à Tours, en Indre-et-Loire. Affichant 150 000 passagers par an, cet aérodrome n’accueille qu’une seule compagnie, Ryanair.
Jusqu’en 2021, le contrôle de cet aérodrome était assuré par les militaires de la base aérienne 705. Le retrait de l’Armée de l’air est l’occasion pour la DGAC de montrer qu’un contrôle à distance est possible sans impacter la sécurité des passagers et des échanges de données entre ces deux sites.
Actuellement, les études de sol ont été faites pour déterminer l’implantation du mat à Tours. Des tests in situ vont être menés durant l’été 2023. Ensuite à partir de la fin du premier trimestre, toute l’installation sera finalisée à Toulouse-Blagnac et des expérimentations seront effectuées. Il s’agira de s’assurer que la radio, la vision, la météo et les strips (données sur les plans de vol) soient bien retranscrits.
Une sécurité renforcée
« Sur le site tourangeau, la DGAC va installer un système de caméras de manière à avoir l’équivalent de ce que verrait une vigie à travers des vitres, mais cette fois en regardant des écrans. Les caméras représenteront un panorama à 360 degrés, ce qui permettra au contrôleur d’avoir une vision globale du terrain et des avions. Les jumelles du contrôleur sont remplacées par deux caméras PTZ (pan-tilt-zoom) qui, une fois “calées” sur un avion, auront la faculté de le suivre en temps réel et de façon automatique. Ces caméras ont également une vision infrarouge permettant de détecter des animaux sur la piste la nuit », nous explique Olivier Beaumont, Chargé de mission Digital Advanced Tower et chef de projet du Remote tower Center de Toulouse-Blagnac à la Direction Générale de l’Aviation Civile.
Selon la DGAC, ce système présente un intérêt majeur en termes de modernisation. En plus des écrans, il sera possible d’ajouter de la réalité augmentée et de l’intelligence artificielle au travers de logiciels.
Reste la sécurité de ce contrôle à distance. « En matière de sécurité, tout est redondant. Sans entrer dans le détail pour des raisons de confidentialité, nous pouvons indiquer que si une caméra PTZ tombe en panne, une autre prend le relais immédiatement. Si la liaison internet tombe également en panne ou est coupée volontairement ou accidentellement, une seconde liaison peut être opérationnelle immédiatement et elle n’emprunte pas le même chemin », nous assure Olivier Beaumont.
Au total, la DGAC prévoit d’intégrer dans son remote tower center quatre autres aérodromes équipés d’un système Digital advanced tower après celui de Tours. À Toulouse-Blagnac, la DGAC disposera d’un bâtiment de 400 m² dans lequel seront installés les cinq modules de contrôles de ces aérodromes. Un sixième module sera réservé aux tests et comme plan B si un module tombait en panne.
Pour des obligations réglementaires, les contrôleurs devront se rendre au minimum une fois par an sur le terrain de cinq aérodromes pour se réimprégner de l’environnement.
[1] Les CRNA
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