Avec une croissance de 20 % par an, le domaine de l’internet des objets, encore appelé IoT pour Internet of Things, se développe fortement dans le monde. En 2020, ce marché devrait représenter environ 5 000 milliards de dollars. À l’intérieur de ces objets, les capteurs communicants nécessitent d’être alimentés en électricité pour fonctionner.
Un programme de recherche transfrontalier associant des chercheurs français et belges, nommé projet Bioharv, vise à optimiser leur autonomie en énergie et réduire leur dépendance aux batteries à base de lithium. Piloté par l’IMT Lille Douai, il consiste à étudier et optimiser les propriétés piézoélectriques d’un matériau polymère : l’acide polylactique (PLA pour polylactic acid).
La piézoélectricité est cette propriété bien connue qu’ont certains matériaux à générer du courant électrique à partir d’une contrainte mécanique telle qu’une torsion, une vibration ou une compression. « À ma connaissance, mis à part une équipe au Japon, il n’existe pas d’autres travaux de recherche sur la piézoélectricité du PLA », confie Cédric Samuel, enseignant-chercheur à l’IMT Lille Douai et coordinateur du projet Bioharv.
Un polymère capable d’une piézoélectricité spontanée
Historiquement, les micro-générateurs d’énergies par effet piézoélectrique ont été développés à partir de matériaux céramiques du type PZT (Titano-Zirconate de Plomb). Dans les années 80, les chercheurs s’intéressent à des polymères fluorés pour leurs avantages en matière de flexibilité mécanique et de facilité d’utilisation. L’un d’entre eux, le PVDF (PolyVinyliDene Fluoride), a particulièrement été utilisé car il offre le meilleur rendement électromécanique. Par contre, son procédé de fabrication s’avère relativement complexe, ce qui en fait un matériau assez coûteux. « Le PLA présente l’avantage d’offrir une piézoélectricité spontanée et permet donc de concevoir des systèmes de micro-générations d’énergies à bas coût, explique le chercheur. Les méthodes pour qu’il acquiert une piézoélectricité sont assez particulières et relativement simples à maîtriser, ce qui en fait un matériau un peu à part dans le paysage des polymères piézoélectriques. »
Biodégradable, le PLA est dans un premier temps fabriqué grâce à la transformation de l’acide lactique produite à partir de la fermentation de sucres alimentaires issus de la production de maïs, de betterave, de tapioca ou encore de canne à sucre. Afin qu’il acquière ses propriétés piézoélectriques, il est ensuite nécessaire de modifier son état pour atteindre une forme semi-cristalline. Pour cela, il est chauffé au-dessus de la température de transition vitreuse, autour de 60 à 80 degrés, puis étiré afin d’obtenir une matière orientée. « Le film mono-étiré présente ainsi des propriétés piézoélectriques naturelles avec un coefficient piézoélectrique compris entre 5 et une valeur maximale relevée dans la littérature de 20 pC/N (picocoulomb par newton) », indique Cédric Samuel.
À haute fréquence (20 Hz), le PLA se révèle capable de générer une puissance de l’ordre de 0,5 µW/cm². Une performance bien moindre que celle observée avec le PVDF (40 µW/cm²) mais tout de même suffisante pour alimenter certains objets connectés nécessitant peu d’énergie. Surtout, il est beaucoup moins cher et son coût pourrait même se révéler dix fois moins élevé que le PVDF.
Les chercheurs tentent d’augmenter les propriétés piézoélectriques du PLA tout en maîtrisant son coût de fabrication. Des marges de manœuvre existent au niveau de sa chimie et de sa reformulation. « Nous incorporons des additifs qui vont favoriser certaines phases cristallines comme des agents nucléants ou des plastifiants, ajoute le chercheur. Plus globalement, nous cherchons à atteindre des états orientés optimaux avec un taux de cristallinité suffisamment élevé ». Un autre axe du projet consiste à construire des modèles prédictifs de récupération d’énergie en fonction des conditions de sollicitation. Comme tout matériau piézoélectrique, l’énergie produite est d’autant plus importante que la fréquence de vibration est élevée. Ici, l’électricité générée pourrait même varier au carré de la fréquence de la déformation, selon des modèles théoriques encore en cours de validation expérimentale.
Des capteurs de température autonomes en électricité
Lancé à l’automne 2016, le projet Bioharv doit se terminer en février 2021. Les chercheurs veulent le poursuivre au-delà afin de démontrer une preuve de concept. À partir du PLA, ils souhaitent développer un capteur de température communicant et auto-alimenté ; le marché potentiel de ce genre d’outil est en effet important car de nombreux objets connectés en sont équipés. « Nous aimerions par exemple concevoir des capteurs afin de suivre en temps réel la température d’une route, explique Cédric Samuel. Ces mesures offrent un intérêt pour suivre le niveau de dégradation de l’asphalte sur des pistes d’aéroport, des ponts ou autre ouvrage critique. Les capteurs de température seraient auto-alimentés par les vibrations du bitume suite au passage des avions ou des véhicules. Autre exemple : nous aimerions développer un capteur pour mesurer la température de moteurs industriels afin de surveiller leur état. Il serait autonome en énergie grâce aux vibrations du moteur ». Ces premiers démonstrateurs permettraient d’attirer l’attention d’industriels sur l’intérêt de ce polymère pour générer des micro-charges électriques à faible coût et exploitable d’un point de vue applicatif.
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