Une méthode inédite d'analyse géochimique d'œufs fossilisés provenant de Chine a montré que les oviraptorosaures couvaient leurs œufs avec leurs corps, à l'instar des oiseaux d'aujourd'hui, et en les maintenant à une température comprise entre 35°C et 40°C.
Les stratégies de reproduction des dinosaures, et notamment le mode d’incubation de leurs œufs, soulèvent encore de nombreuses questions scientifiques. Jusqu’alors, les interprétations se basaient sur des indices indirects tels que la morphologie de coquilles d’œufs fossilisés ou l’organisation des nids. Des chercheurs lyonnais, en collaboration avec une équipe chinoise, ont mis au point une méthode basée sur l’analyse géochimique d’œufs fossilisés et ont déterminé pour la première fois que la température d’incubation des œufs d’oviraptorosaures était comprise entre 35 et 40°C.
Les oviraptorosaures étaient des dinosaures bipèdes couverts de plumes et munis d’un bec leur donnant l’apparence de certains oiseaux. Appartenant au groupe des théropodes, ils pesaient quelques dizaines de kilos et pouvaient atteindre deux mètres de long. Afin de déterminer la température à laquelle ces dinosaures incubaient leurs œufs, les chercheurs ont analysé sept œufs fossilisés provenant du sud de la Chine. Ces derniers, vieux de 70 millions d’années, contenaient encore des embryons. Leurs coquilles ainsi que leurs os ont été analysés afin d’obtenir leur composition isotopique en oxygène. En effet, lors de la formation du squelette, l’oxygène des fluides de l’œuf va être transmis aux os avec une abondance isotopique qui dépend de la température de l’œuf. En prenant en compte ces mesures, les chercheurs ont pu modéliser, avec l’aide d’un collègue physiologiste, les différentes étapes de développement intégrant les compositions isotopiques de l’oxygène. Ils ont ainsi pu retrouver la température à laquelle l’œuf s’était formé : entre 35 et 40°C. À titre de comparaison, la température d’incubation d’un œuf de crocodile, animal enterrant ses œufs, est d’environ 30°C, alors que celle d’un œuf de poule est de 37,5°C. Selon les chercheurs, la température d’incubation déterminée pour les œufs d’oviraptorosaures est donc cohérente avec le mode de couvaison supposé de ces dinosaures.
Ce résultat confirme la découverte, dans les années 90, d’oviraptorosaures fossilisés étendus sur leur ponte qui suggérait qu’ils couvaient leurs œufs. Ce travail ouvre également de nouvelles perspectives en paléontologie : la méthode proposée permettra de connaître quelles étaient les stratégies d’incubation adoptées par les autres dinosaures. Certains, pesant plusieurs dizaines de tonnes, ne pouvaient vraisemblablement pas s’allonger sur leurs œufs pour les couver, mais utilisaient peut-être des sources de chaleur externes en recouvrant par exemple leur ponte d’un monticule de végétaux procurant de la chaleur par décomposition. La température d’incubation qui sera estimée reflétera la stratégie employée, sous réserve d’avoir accès à ces fossiles aussi rares que précieux.
Au sein d’une collaboration franco-chinoise, ces travaux impliquent le Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), le Laboratoire de biologie et de biométrie évolutive (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/VetAgroSup) ainsi que le Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels anthropisés (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENTPE).
Références :
δ18O-derived incubation temperatures of oviraptorosaur eggs, Romain Amiot, Xu Wang, Shuo Wang, Christophe Lecuyer, Jean-Michel Mazin, Jinyou Mo, Jean-Pierre Flandrois, François Fourel, Xiaolin Wang, Zhijun Zhang, Zhonghe Zhou, Palaeontology, 28 juin 2017. Consulter le site web
Source : cnrs
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