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Covid-19 : ces initiatives françaises pour des masques réutilisables

Posté le 15 avril 2020
par Séverine Fontaine
dans Innovations sectorielles

Afin de faire face au manque de masques chirurgicaux et de protection type FFP2, des initiatives françaises se mettent en place pour les réaliser en version réutilisable.

Les masques de protection manquent, mais pas les solutions. Sur la toile, des patrons de masques sont largement partagés pour permettre aux citoyens les réaliser. Sur le terrain, de nombreuses entreprises ont fait appel à des mains expertes pour concevoir les protections individuelles du personnel soignant. D’autres initiatives, en cours de réalisation, s’orientent vers les masques réutilisables.

Réutilisable 100 fois

A l’annonce en mars de la pénurie de masques chez les soignants, une initiative se crée à Grenoble. L’expertise d’une quarantaine de professionnels des mondes de la recherche, de l’industrie et de la distribution engagés dans VOC-COV (Volonté d’Organiser Contre le Covid-19) a permis la conception d’un masque réutilisable 100 fois (5 filtres lavables 20 fois). Baptisé OCOV, il n’est pas de type FF (face filter) P2 mais FM (face mask) P1. Le taux de fuite requis par la norme FM est 5 fois inférieur à la norme FF (<2 % pour FM et <8% pour les filtres FF). Le masque se compose d’une pièce faciale souple qui recouvre le nez, la bouche et le menton, conçue par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et fabriquée par Michelin. “Au début, nous avons fabriqué les masques avec une imprimante 3D industrielle HP, explique Philippe Caillol ingénieur-chercheur au CEA en charge du projet Ocov. Mais avec un objectif de production de millions de pièces, il aurait fallu une centaine de machines, et le coût serait exorbitant”. La fabrication a alors été réalisée en injection plastique par Michelin. La pièce faciale souple épouse la forme du visage et minimise donc le taux de fuite vers l’intérieur par rapport aux filtres FFP1 ou FFP2 ou d’autres masques lavables. Le masque de 60g assure une bonne étanchéité entre l’atmosphère ambiante et le visage du porteur (que sa peau soit sèche ou humide et lorsqu’il bouge la tête).

Des filtres remplaçables et réutilisables se place à l’avant, maintenus par deux grilles à verrouillage par baïonnette. Cette brique technologique a été mise au point par Ouvry, une PME lyonnaise spécialisée dans les équipements de protection individuelle NRBC (nucléaire, radiologiques, biologique et chimique). Il s’agit d’une brique technologique utilisée dans son gant de décontamination Decpol, un matériau non tissé “3D” hyper absorbant et filtrant les particules biologiques à travers ses pores. Les filtres pourront ensuite être achetés indépendamment du masque. L’entretien du masque se réalise par désinfection à l’eau de javel ou eau savonneuse et le lavage des filtres en machine à 60°C, séchage tambour. La production a également été confiée à la PME lyonnaise : l’entreprise a d’ores et déjà lancé une présérie de 5 000 masques. L’objectif de capacité de production est d’un million de masques par semaine courant mai, soit plus de 5 millions d’ici fin juin. Michelin a passé commande : 130 000 masques, dont une partie sera distribuée aux Agences régionales de santé. “Le masque est réservé dans un premier temps au secteur public de la santé, de la défense et des grosses entreprises, précise Carole Dougnac, ingénieure R&D chez Ouvry. Ensuite aux particuliers.” L’utilisation dans les hôpitaux est toujours en cours de discussion.

Le masque OCOV® pendant un test de résistance à l’inspiration et à l’expiration sur notre banc de test. Le masque est positionné sur une tête qui simule la respiration, et la machine au second plan mesure les résistance à la respiration. // Ouvry

Plusieurs pistes de recyclage

Dans la course à l’équipement, il y a ceux qui fabriquent et ceux qui recyclent. Le consortium interdisciplinaire mis en place par le CNRS, le CEA, l’Inserm, l’Anses et plusieurs universités et CHU a choisi le deuxième camp. En effet, il explore plusieurs pistes de “recyclage” des masques chirurgicaux et FFP2, devant être jetés quelques heures après utilisation. Ainsi, les différentes équipes comparent les avantages de différentes méthodes de “recyclage”, telles que le lavage avec détergent à 60 ou 95°C, le passage en autoclave à 121°C pendant 50 minutes, l’irradiation par rayonnements gamma ou bêta, l’exposition à l’oxyde d’éthylène et le chauffage à 70°C en chaleur sèche ou humide, ou dans l’eau.

Dans une interview pour le site du CNRS, Philippe Cinquin, le professeur en santé publique et directeur du laboratoire Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité donne les résultats préliminaires de ces études, “susceptibles de changer”. En résumé, les masques chirurgicaux conservent leurs performances après un lavage à 95°C, une perte d’efficacité de filtration inférieure à 2 % pour l’autoclave et les rayons gamma, une conservation des performances de masques FFP2 lors du traitement à l’oxyde d’éthylène et une destruction efficace de la charque virale sur les masques chirurgicaux et FFP2 en chaleur sèche à 70°C. L’enjeu de ces tests sera de “définir pour les deux types de masque la meilleure méthode de traitement et de procéder à des études croisées afin de s’assurer que les masques décontaminés préservent leur qualité” précise Philippe Cinquin. L’objectif : sélectionner pour les deux types de masque la méthode la plus adaptée pour une mise en application à grande échelle. “De fait, si on peut imaginer un traitement par autoclave au sein des CHU, une irradiation ou une exposition à l’oxyde d’éthylène nécessitera un processus plus centralisé” ajoute-t-il. D’autres sources sont également à l’étude : la vapeur de peroxyde d’hydrogène, les ultra-violets C, voire le plasma d’oxygène.

Les industriels se reconvertissent

De nombreuses industries se sont également investies dans la fabrication de masques réutilisables.  Pour ce type de masques, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avec le soutien de l’ANSES, a d’ailleurs créé deux nouvelles catégories : les masques à l’usage des professionnels en contact avec le public et les masques de protection à visée collective pour protéger l’ensemble d’un groupe. “Plusieurs centaines d’entreprises et groupements d’entreprises ont d’ores et déjà proposé des solutions alternatives. Ces propositions ont fait l’objet de tests conduits par la DGA, conduisant au 30 mars à la validation de 85 prototypes proposés par 45 entreprises répondant aux exigences respectives de ces deux catégories” précise le Ministère de l’économie et des finances. C’est le cas de Thuasne, spécialisée dans les dispositifs médicaux, qui a mobilisé début avril une partie de son outil industriel pour la production de masques filtrants et respirants, en conformité avec les normes Afnor (SPEC S76-001) et certifiés Reach ou OEKO-TEX. “Ces masques barrières sont destinés à l’usage de personnes saines ne présentant pas de symptôme clinique d’infection virale et n’étant pas en contact avec des personnes présentant de tels symptômes, précise Thuasne dans un communiqué. Ils sont lavables 30 fois à 60° avec un séchage à l’air libre.”

Dernière en date : une usine éphémère a vu le jour dans le bassin d’Arcachon pour produire des masques destinés aux habitants. L’industriel de l’automobile Libero Mazzone y a installé 130 machines offertes par Singer pour lancer la production de 800 000 masques en tissu, en réponse à l’appel à candidature lancée par Bordeaux Métropole. A celle-ci s’ajoute les demandes individuelles des agglomérations (100 000 pour la Communauté d’agglomération du bassin d’Arcachon Sud (Cobas), 100 000 pour la Nord (Coban)). “L’usine est sur un potentiel de deux millions de masques à faire rapidement” indique la présidente de la Cobas à 20 Minutes. La production, qui a débuté mardi 14 avril, devrait sortir 30 000 masques par jour. Ces masques son normés “Afnor” (Association française de normalisation) et agréés par la Direction générale de l’armement (DGA).

Photo de Une : Le masque OCOV® // Ouvry


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