Les projets sont plus ou moins ambitieux selon que l’installation est pensée comme définitive (version Mars One) avec terraformation, temporaire longue (SpaceX) ou temporaire courte (Lockheed Martin) ou encore totalement fictionnelle et terrestre (Mars Science City – Emirats Arabes Unis). Tout ou partie de ces recherches qui sont d’ailleurs menées d’abord en vue de la colonisation de Mars sont en train d’être transférées vers la Lune, nouvel eldorado spatial, qui semble un peu plus accessible à nos technologies actuelles.
Terraformation ?
Transformer Mars en une autre Terre… un sujet abordé dans la fiction et depuis quelques temps aussi dans la science. Comment injecter des tonnes de particules à effets de serre pour réchauffer l’atmosphère et la densifier ? Comment recréer un champ magnétique nécessaire pour retenir cette atmosphère ? Comment implanter des organismes vivants terrestres pour qu’ils s’adaptent, colonisent la planète rouge et produisent l’oxygène nécessaire à l’homme ? Autant de questions sur lesquelles planchent de temps en temps les scientifiques. Ce qu’il en ressort ? Le processus sera forcément long – plusieurs centaines de milliers d’années, il y a peu de chances qu’on sache le maîtriser une fois lancé – donc le résultat reste très aléatoire, et il faut d’abord régler la question de l’éthique.
Doit-on terraformer Mars ou pas, selon qu’on y trouve des traces de vie passées ou actuelles, est-ce utile, est-ce dangereux etc ? Un positionnement qui fait débat mais pour lequel se dessine tout de même un assez large consensus contre, en cohérence avec les préceptes des règles internationales de la conquête spatiale : on ne « pollue » pas, on transforme le moins possible les environnements extraterrestres avec du vivant en provenance de la Terre. Cependant, cette question se pose aussi pour une installation de longue durée : on ne peut pas stériliser un être humain autant qu’un rover ou un atterrisseur… Donc, dès lors qu’un humain arrive sur Mars, le risque de pollution biologique devient très important.
Des murs de briques… et de brocs
C’est la foire à l’imagination ! La conception d’habitats martiens (ou lunaires) est pléthorique. De glace puisée sur place, gonflables, de briques fabriquées localement, ou souterraines creusées par des robots, les habitations martiennes inventées sont l’oeuvre d’architectes, d’ingénieurs divers, de rêveurs et font travailler des centaines d’étudiants ou de cabinets d’études – pas seulement ceux du master dédié du centre international d’architecture spatiale de Sasakawa (Université de Houston) – mais tous ceux, par exemple, qui ont participé au concours de 2015 organisé par la Nasa et doté de 40 000$ de prix (voir les 30 premiers). Et avec l’essor de l’impression 3D et l’arrivée de nouveaux matériaux, tout semble à présent possible, y compris transporter depuis la Terre des habitats qui prendront forme en quelques minutes une fois arrivés. La plupart prévoit une architecture modulaire, des espaces communs et privés et une certaine esthétique pour soutenir le moral des colons, ainsi que, bien sûr, une protection totale contre les radiations et les intempéries martiennes.
Respirer, oui mais quoi ?
La question de l’air intérieur est plus compliquée qu’il n’y paraît. En effet, si on peut aujourd’hui maîtriser la création d’un air intérieur stable avec une bonne proportion d’oxygène, d’argon et d’azote, il reste encore à déterminer les différentes proportions et pression que l’on doit choisir. Car elle conditionnera les modalités de sortie des habitats – si trop de différence avec l’extérieur, il faudra attendre longtemps dans un sas pour que le corps s’habitue, mais si trop semblable à l’extérieur il peut y avoir des gênes dans la vie quotidienne. En outre si la proportion d’oxygène est trop importante, les risques d’incendie sont surmultipliés.
Atteindre l’autonomie
Les expériences sur les stations spatiales ou les simulations terrestres d’habitats martiens comme ceux utilisés par la Mars Society permettent d’avoir un assez bon retour sur les moyens de recycler l’eau (voir la vidéo Nasa système de recyclage pour de petits équipages). Et on maîtrise les processus pour transformer le dioxyde carbone de l’atmosphère martienne en eau et en oxygène ou en méthane avec de l’hydrogène importé. Cela permettrait de produire sur place du carburant (propergol de méthane) pour le retour notamment. Des technologies capables de creuser le sol pour en récupérer l’eau ou pour la filtrer sont à portée de main et Mars dispose de matériaux dans son sol permettant d’envisager la fabrication d’éléments de construction. Quant à la nourriture, elle sera principalement importée. Produire en quantité suffisante en serre de quoi nourrir sur plus d’un an, même un équipage restreint est actuellement utopique, mais emporter toute la nourriture nécessaire pour un aussi long voyage l’est tout autant. Des containers avec des réserves de nourriture placés avant l’arrivée des premiers colons est d’ailleurs une solution envisagée dans différents scénarios de colonisation. L’Esa et la Nasa planchent sur ces questions depuis longtemps et l’on sait maintenant que la préparation des repas, la variété sont des éléments essentiels pour maintenir le moral et la santé des astronautes. La connaissance du métabolisme d’un humain dans l’espace, ses besoins précis en calories et la relation avec son poids sont d’ailleurs actuellement à l’étude dans l’ISS.
Quelle énergie ?
L’un des plus gros défis reste celui de l’énergie. L’utilisation de panneaux solaires n’est pas idéal sur Mars, c’est une alimentation non continue soumise aux aléas des tempêtes de poussières et qui prend beaucoup de place. Les scénarios les plus aboutis et les plus ambitieux en matière d’installation sur Mars font appel à la fission nucléaire. Selon le très complet «essai d’analyse technique d’une colonie martienne» édité par Planète Mars en 2008, «de petites installations délivrant en continu 40kWe aurait une masse de moins de 5 T tout compris et un encombrement en configuration de transfert limité à 7m x 3,3m». De nombreuses autres possibilité sont cependant à l’étude tel que l’éolien ou l’hydraulique en sous-sol.
Une véritable ville en 2117 ?
Les études économiques, techniques et le retour d’expérience laisse à penser que l’homme peut poser le pied sur Mars dans les 20 ans à venir s’il s’en donne les moyens. Cependant, de là à établir un véritable village voire une ville, de très nombreux obstacles n’ont pas encore été franchis de manière formelle et en l’état actuel des moyens de transports l’établissement d’une base pourrait prendre des dizaines d’années. Une réalité qui n’a d’ailleurs pas échappé aux Emirats Arabes Unis dont l’ambition spatiale ne cesse de croître. Ainsi, leur projet de ville martienne est planifié pour dans 100 ans, d’où son nom de Mars 2117. En attendant, ils construisent déjà une simulation sur Terre avec Mars Science City, une ville artificielle, en plein désert, recréant sur 18 hectares les conditions de vie d’une ville martienne.
Conclusion
Imaginer un départ, un voyage, un atterrissage et une installation de longue durée sur Mars en se basant sur des technologies actuelles matures semblent encore un peu utopique ou un travail de très longue haleine. Cependant, dans de nombreux domaines, des percées technologiques sont peut-être sur le point de changer très vite la donne : des évolutions dans la propulsion spatiale, la maturation des technologies de fabrication 3D, de nettes améliorations dans la capacité de produire, stocker les énergies (miniaturisation, rendement), l’émergence de nouveaux matériaux à la fois plus légers, plus souples et plus solides, et aussi un marché du spatial qui s’est ouvert tant à de nouvelles nations spatiales (la Chine qui vise un atterrisseur et rover en 2020 ou les Emirats Arabes Unis et leur projet Mars 2117) qu’à des initiatives privées de milliardaires rêveurs ou à de nouveaux appétits industriels.
Sophie Hoguin
Cet article se trouve dans le dossier :
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