La photo-électrolyse de l'eau permet de produire de l'hydrogène décarboné en une seule étape. Des scientifiques français explorent les propriétés physiques des nanofils pour améliorer le rendement énergétique de ce procédé. Ils viennent de publier leurs travaux dans la revue ACS Applied Materials and Interface.
Pour produire de l’hydrogène vert, la principale méthode consiste à réaliser l’électrolyse de l’eau à partir d’une source extérieure d’électricité renouvelable (solaire ou éolien). Cet hydrogène décarboné peut également être produit en une seule étape par photo-électrolyse de l’eau. Dans ce cas, les électrodes chargées de dissocier les molécules d’eau captent également la lumière du soleil pour produire l’énergie nécessaire à cette réaction chimique. Ce procédé n’est pas nouveau et a été initié au début des années 70, mais il est pénalisé par son faible rendement énergétique. Pour surmonter cet obstacle, des chercheurs de l’Institut des nanotechnologies de Lyon (INL), en collaboration avec deux autres laboratoires1, explorent les propriétés physiques de structures à la taille nanométrique : les nanofils.
À l’origine, ce procédé de photo-électrolyse a été développé à partir de semi-conducteurs à base de dioxyde de titane (TiO2), un matériau très stable chimiquement , mais qui ne capte qu’une fraction limitée de l’énergie lumineuse. En cause : son énergie de gap (Eg) s’élève à un peu plus de 3 électronvolts, ce qui signifie que seuls les photons dont l’intensité lumineuse est supérieure à ce seuil sont valorisés. Les scientifiques ont fait le choix de remplacer le TiO2 par des semi-conducteurs III-V à base de phosphure de gallium et d’arséniure de gallium, dont l’énergie de gap varie entre 1,4 et 2,2 électronvolts, ce qui permet de capter un plus large spectre solaire.
L’originalité de ce travail de recherche est ensuite d’avoir fabriqué ces semi-conducteurs III-V non pas sous la forme de couches minces, mais de nanofils pour permettre de multiplier la surface de contact avec l’électrolyte. « Il faut imaginer ces nanofils comme des brins qu’on va faire croître verticalement sur la surface des électrodes, explique José Penuelas, enseignant-chercheur à l’INL. Ils permettent de multiplier la surface au contact des molécules d’eau par un facteur d’environ 10. Nous obtenons ainsi un nombre plus élevé de sites catalytiques potentiels à l’intérieur desquels la réaction chimique peut avoir lieu pour convertir l’eau en hydrogène et en oxygène, et donc augmenter le rendement énergétique. »
L’autre intérêt des nanofils est leur capacité à piéger la lumière, puisque les photons, lorsqu’ils parviennent au contact de ce type d’électrodes, se retrouvent bloqués. « Grâce à la structure en forme de nanofils, nous obtenons une réflectivité inférieure à 1 %, alors qu’habituellement, l’arséniure de gallium reflète entre 30 et 40 % de la lumière, révèle le chercheur de l’INL. Nous pouvons ainsi capturer beaucoup mieux la lumière, par rapport aux couches minces. » Dernier avantage : ces nanofils sont fixés sur un support de dimension macrométrique à base de silicium, un matériau peu onéreux, tandis qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser des quantités importantes de phosphure de gallium ou d’arséniure de gallium, des matériaux beaucoup plus coûteux, puisque ces nanofils sont des structures à la taille nanométrique.
Multiplier par deux le rendement énergétique de la photo-électrolyse
Par contre, ce type semi-conducteur III-V présente un défaut majeur : leur manque de stabilité. « Dès qu’on les plonge dans l’eau, ils se dégradent à cause de la photo-corrosion, ajoute José Penuelas. Même en présence d’air, une petite couche d’oxyde se forme immédiatement autour des nanofils et empêche les charges de sortir du semi-conducteur pour arriver jusqu’au liquide afin d’engendrer la réaction chimique d’électrolyse »
Les scientifiques ont encore innové pour contourner cette difficulté en encapsulant les nanofils. Le choix du matériau s’est porté sur l’oxyde de titane (TiO2), non pas pour engendrer une réaction de photocatalyse, mais pour protéger les nanofils. Pour parvenir à déposer une couche uniforme de TiO2 de seulement cinq nanomètres sur l’ensemble des nanofils, un procédé particulier de dépôt de couches minces atomiques a été utilisé, appelé Atomic Layer Deposition (ALD).
Les résultats de ce travail de recherche viennent d’être publiés dans la revue scientifique ACS Applied Materials and Interface. La publication montre qu’il est possible de multiplier par environ deux l’efficacité énergétique de la photo-électrolyse grâce aux nanofils. « Nous sommes parvenus à prouver que cette structure géométrique est supérieure, en termes de rendement, à une couche mince, se réjouit le chercheur de l’INL. Mais nous n’avons pas réussi à explorer tout son potentiel et nous estimons qu’il serait possible d’améliorer la captation de l’énergie lumineuse d’un facteur 20 à 30. » Quant à la couche protectrice de TiO2, elle a permis de n’améliorer que partiellement la durée de vie des photoélectrodes. Mais là encore, les chercheurs sont confiants et estiment qu’il existe une importante marge de progression pour que cette enveloppe protectrice diminue beaucoup moins le transfert des charges générées. « Ce sont de premiers essais et nous pensons qu’il est possible de fabriquer des électrodes plus robustes en améliorant notamment la qualité des interfaces entre la coquille protectrice en TiO2 et les nanofils. Nous allons donc poursuivre ce travail de recherche. »
1 Le Laboratoire Chimie et Biologie des Métaux (LCBM) et le laboratoire Matériaux, Ingénierie et Science (MATEIS)
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