Les algues constituent désormais un pan entier du développement de la chimie du végétal. Que ce soit pour des biotechnologies dites bleues, comme ingrédients actifs ou comme matière première pour des matériaux biosourcés. Tour d'horizon.
Les algues contiennent à la fois de la cellulose, des colloïdes, des pigments, des protéines, des minéraux, et d’autres molécules actives variées selon les espèces. Un potentiel énorme pour la chimie du végétal autour duquel émergent nombres de projets et d’applications.
La France : une place de choix pour l’algue
Au niveau géographique et climatique, la France, et notamment la Bretagne, occupe une place de choix pour la culture et l’exploitation des algues. Outre la recherche de solutions pour les marées vertes, le développement d’une économie autour des algues est une opportunité pour assurer l’avenir économique de la région : implantations de structures de recherches et d’innovation autour des biotechnologies, complément / alternative d’activité pour l’aquaculture, la pêche et utilisation des infrastructures déjà existantes : entrepôts de stockage réfrigérés, chaîne logistique, possibilité d’industries autour de la santé/cosmétique naturel, de l’agro-alimentaire et de l’énergie. Et en toute logique, la Bretagne abrite donc depuis 1982, un centre technique unique au monde, le CEVA, centre d’études et de valorisation des algues, qui soutient les industries et l’innovation depuis l’étude des algues dans leur milieu jusqu’à la construction de pilotes industriels.
Un renouveau pour des secteurs traditionnels
La filière algues s’intègre parfaitement aux filières traditionnelles de la Bretagne et l’un des exemples types est celui du projet Ulvans. Lancé en 2012, ce projet a la particularité de s’attaquer à l’ensemble de la filière de la récolte à la transformation. Il réunit quatre entreprises autour d’Olmix group. Il a notamment abouti à la construction de la première bioraffinerie d’algues au monde en septembre 2013 qui traite plusieurs tonnes d’algues vertes (les ulves), brunes ou rouges quelques heures après leur récolte. L’innovation a d’ailleurs aussi touché les modes de récolte pour lesquelles Agrival a dû développer des machines spécifiques (voir cette vidéo de Ouest France). Broyées, pressées, centrifugées, les algues subissent aussi des traitements enzymatiques pour en séparer et extraire les molécules d’intérêt. Sucres et protéines servent à l’alimentation animale et les différents principes actifs sont utilisés pour la santé animale (ce qui permet de diminuer l’appel aux antibiotiques) la santé des plantes (alternative partielle à l’emploi de produits phytosanitaires) ou des applications telles que gélifiants, émulsifiants, épaississants ou autres molécules santé et fonctionnelles pour l’alimentation humaine.
Pour Olmix, c’était le prolongement naturel après la mise au point de son Amadéite®, un nanomatériau naturel breveté à base d’argile intercalée et d’algues qui trouve des utilisations pour des matériaux à destination de l’automobile, de la plasturgie ou du bâtiment (ciment) grâce à des propriétés mécaniques, de tenue au feu, de stabilité thermique et de perméabilité aux gaz ou aux hydrocarbure améliorées.
Peintures et plastiques 100% naturels
Les algues sont à l’origine de plusieurs matériaux 100% naturels, nés eux-aussi en Bretagne. Les peintures Algo par exemple, qui après avoir reçu le grand prix entreprises et environnement français fin 2014 ont reçu l’équivalent européen en novembre 2016. La peinture Algo est biosourcée jusqu’à 98%, elle émet moins d’1g/L de COV et les algues lui apportent des propriétés physiques particulières telles que l’anti-coulure ou l’opacité, augmentant le rendement (12 m²/litre). Les algues peuvent aussi être introduites dans l’industrie des plastiques comme le fait depuis 2015 l’entreprise Algopack, qui a mis au point des plastiques tout ou partie composés d’algues.
Un débouché pour les macro-algues échouées que souhaite développer le projet Alguex, qui a démarré en avril dernier pour une durée de 2 ans. Il vise à valider des démonstrateurs pré-industriels pour la production de résine biosourcée à 45% minimum et compostable pour des emballages flexibles et des résines non biodégradables pour plastiques rigides type container à déchets. Le projet prévoit l’utilisation non seulement de macro-algues échouées mais l’utilisation de micro-algues cultivées.
Les algues dopent aussi l’électrochimie
On les attendaient moins à ce niveau, mais les algues inspirent aussi des innovations en électrochimie par exemple. Par biomimétisme tout d’abord. Des chercheurs de Singapour se sont inspirés de la manière dont les diatomées bâtissent une structure tridimensionnelle poreuse hierarchisée (des sphères de silice microporeuses, elles-mêmes espacées par des pores plus grands (2-50 nm) qui permettent d’augmenter la surface d’échange). Calquant leur process sur les diatomées, ils ont créé des anodes composées de sphères de carbone dopées à l’azote qui présentent des performances décuplées. De leur côté une équipe internationale (Chine- Australie-USA) a montré que l’utilisation d’alginates issues d’algues brunes pour provoquer la chélation d’ions cobalt permettait de créer des nanofibres de carbone que l’on peut doper à l’azote. Les anodes fabriquées à partir de ce matériau présentent une capacité presque deux fois plus importante que des anodes en graphite classiques. Un an avant, en 2014, des chinois avaient présenté des anodes plus performantes fabriquées avec un liant basé sur un hydrogel d’alginate.
Sophie Hoguin
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