Créée en 2017, A2D s’adresse à tous les métiers et à toutes les entreprises dont le besoin est de collecter et d’interpréter des données. Grâce à un moteur d’analyse et de prise de décision suffisamment générique, l’entreprise est en effet capable de développer rapidement des outils adaptés aux spécificités de chaque secteur et aux besoins propres à chaque entreprise. Après avoir mené un important projet avec le gestionnaire de réseau électrique Enedis, A2D a par exemple été sollicitée par le port de La Rochelle, qui lui a confié une étude de faisabilité concernant des ouvrages d’art. Poursuivant son travail continu de développement et d’innovation, la start-up cherche à multiplier les possibilités d’industrialisation de sa technologie, comme nous l’explique son fondateur et actuel dirigeant Pierre Loonis.
Techniques de l’Ingénieur : Comment A2D a-t-elle vu le jour ? Quels étaient vos objectifs, vos motivations de départ ?
Pierre Loonis : J’ai créé A2D fin 2017 pour pouvoir accélérer le transfert d’outils technologiques et scientifiques que j’avais construits depuis une vingtaine d’années en tant que chercheur. Je suis en effet un ancien chercheur académique. L’avènement des drones et la rapidité avec laquelle cette technologie a atteint sa maturité ont permis de rendre possible la construction d’applications autour de l’interprétation rapide, précise et intelligente de données. L’objectif avec A2D a donc été de construire des applications adaptées aux besoins métiers, qui puissent offrir le maximum de confiance sur l’usage de la donnée en tant qu’information brute, mais aussi sur son interprétation, qui doit pouvoir se faire avec le maximum de fiabilité et de transparence pour l’utilisateur final.
Quels services proposez-vous ? Quels sont vos domaines d’expertise ?
Nous réalisons avant tout de l’inspection automatisée à partir de flux de données qui sont fonction des différents métiers. Le moteur d’A2D est un moteur générique contenant les outils d’analyse et de prise de décision, auquel s’ajoutent, en périphérie, des surcouches logicielles. Notre vocation est de fiabiliser la prise de décision finale en intégrant l’ensemble du process, depuis l’acquisition jusqu’à l’interface homme-machine de restitution de la décision. Nous nous adressons ainsi à tous les métiers, toutes les entreprises, qui ont besoin de collecter et d’interpréter leurs données. Nous travaillons par exemple avec un grand groupe comme Enedis, pour faire de l’inventaire de données concernant leur réseau. Nous nous ouvrons progressivement à des secteurs de plus en plus divers, comme les grands ports maritimes, qui ont aussi des besoins dans le domaine des infrastructures et des ouvrages d’art.
Quelle est votre approche en matière d’analyse d’images ?
Nous sommes aujourd’hui très précis, car les capteurs miniaturisés dont nous disposons ont une grande résolution. Ils permettent donc d’accéder très rapidement et très finement à des informations extrêmement précises. Le propre de nos actions implique un travail sur des projets complexes en matière d’analyse d’image, puisque nous travaillons en environnement extérieur, où rien n’est contrôlé. Il faut donc une réelle intelligence dans le système de traitement de l’image, qui passe par l’incorporation de systèmes de gestion d’incertitude et de prise de décision.
En quoi votre collaboration avec Enedis a-t-elle consisté ?
Nous travaillons avec d’Enedis depuis 2018. Le projet s’est achevé l’année dernière et les résultats sont excellents. La preuve de concept est achevée ; nous avons abouti à l’identification d’une vingtaine de catégories d’objets quasiment en temps réel : isolateurs, anneaux, câbles, disjoncteurs… C’est-à-dire tous les organes situés au niveau des lignes haute-tension. Tout cela avec une détection des anomalies réalisée selon les process propres à l’entreprise.
Comment comptez-vous mettre à profit l’expertise développée dans le cadre de ce projet ?
Nous commençons toujours par une preuve de concept. En tant que start-up, nous travaillons en effet toujours sur des choses qui n’existent pas. Cela a par exemple été le cas également pour le port maritime de La Rochelle, qui nous a confié une étude de faisabilité pour des ouvrages d’art. Une fois le stade de preuve de concept atteint, nous obtenons des outils suffisamment génériques et adaptatifs que nous pouvons ensuite spécialiser en fonction des besoins de chaque autre client, qui sont souvent similaires sans être pour autant tout à fait identiques. Nos algorithmes d’intelligence artificielle permettent d’aller modifier l’outil de prise de décision afin de l’adapter aux spécificités métiers.
Quelles techniques dites « d’intelligence artificielle » mettez-vous en œuvre ?
Le terme est galvaudé, mais il existe effectivement des outils de type réseau connexionniste, de type réseaux de neurones, qui permettent l’apprentissage, dans une situation précise, d’une correspondance entre les données d’entrée et ce que l’on souhaite voir en sortie. En utilisant un réseau de neurones en fin de chaîne, nous parvenons à traduire les couches internes de traitement de signal en une mesure interprétable par l’être humain. Cela permet ainsi d’apporter une interprétation fine au client final. À l’origine, dans les années 50, les réseaux de neurones ont été conçus pour modéliser une rétine dans l’œil humain. Au cœur de notre processus de traitement du signal, nous utilisons donc aussi des réseaux connexionnistes adaptés pour aller chercher des caractéristiques dans l’image, qui vont ensuite être travaillées pour apporter un sens interprétable par l’Homme à la donnée. Il s’agit donc globalement d’un « système de systèmes » : nous avons des composants, que l’on assemble, dont certains sont capables d’apprendre. C’est ce qui nous a demandé le plus de temps : parvenir à créer une bibliothèque de composants et un système d’analyse et de traitement suffisamment génériques pour pouvoir, en quelques mois, construire une application métier complexe, fiable et transparente.
Sur le plan matériel, à quels types de capteurs faites-vous appel ?
Le drone est un vecteur qui permet d’apporter un capteur pertinent sur une scène à inspecter. Nous sommes positionnés non seulement sur la preuve de faisabilité technique, mais aussi sur la preuve de faisabilité économique. Nous cherchons donc le capteur le plus viable économiquement pour apporter à notre client la solution la plus pertinente et pérenne. Les capteurs optiques, dans le visible, et les processus de capture associés sont tellement performants aujourd’hui que l’on peut faire de la reconstruction 3D simplement à partir d’un flux vidéo, avec un niveau de précision suffisant pour un grand nombre d’applications. Cela permet de réduire les coûts, mais demande une expertise solide dans le domaine du traitement de signal. Si nous avions besoin d’atteindre une précision submillimétrique au niveau de la reconstruction 3D, nous pourrions tout à fait utiliser du LiDAR, mais ça n’est pas forcément nécessaire pour de nombreuses applications.
Quelle est l’importance du drone en tant que tel ? Faites-vous appel à certains modèles en particulier ?
Comme je l’évoquais précédemment, le drone nous sert à amener un capteur sur une scène. Beaucoup de drones sont donc utilisables dans le cadre de nos missions. Nous avons cherché à ne pas être tributaires d’un constructeur ou d’un autre. Ce qui nous importe est la qualité du capteur. Même si certains capteurs embarqués sur des drones commerciaux ne sont pas adaptés, la grande majorité d’entre eux est largement suffisante par rapport à nos besoins. Nous avons une équipe de dronistes capables d’aller réaliser une inspection, mais certains clients ont aussi leurs propres équipes. Nous définissons donc avec le client le protocole d’acquisition le plus adapté aux systèmes d’interprétation, afin que le dialogue entre le module d’acquisition et le module d’interprétation de données se fasse le mieux possible, mais nous ne lui imposons pas de contrainte quant au type d’équipement à utiliser. Par ailleurs, quand nous concevons une application dont les besoins en matière d’équipement sont inconnus au démarrage de la preuve de concept, nous utilisons des drones qui sont des plates-formes de test ; des châssis en carbone sur lesquels nous installons les éléments souhaités, que nous faisons voler afin de comprendre la physique de l’application sur laquelle nous travaillons. Une fois que nous avons testé un certain nombre de capteurs, de fusion de capteurs, de positionneurs GPS particuliers…, alors nous revenons à la caractérisation fine de nos besoins et nous déterminons la solution existant sur le marché la plus proche de nos besoins, toujours dans une optique de réduction des coûts.
Comment jugez-vous l’évolution du cadre réglementaire auquel vous êtes soumis en tant que professionnel ?
Le cadre réglementaire est plutôt contraignant, mais heureusement ! Nous utilisons quand même des engins potentiellement dangereux, qui pourraient tomber sur du public. La France a toujours été en avance sur ce sujet, dès la naissance du marché du drone. Il faut prendre en compte a minima la liberté des personnes, puisque l’on va capter de l’information en hauteur qui n’est pas forcément à mettre dans les mains de tout le monde. La réglementation s’est donc quelque peu durcie, mais surtout pour le grand public. Cela oblige les gens à maîtriser leur pilotage. Pour les professionnels, tout était déjà très rigoureux dès les débuts. Quand nous volons dans des conditions d’exploitation industrielles, nous sommes aussi regardés de près en matière de sécurité. Nous devons absolument tendre vers le zéro défaut, le zéro accident. Nous sommes donc hyper-rigoureux sur la partie sécurité ; et la réglementation va bien dans ce sens… On ne peut pas faire n’importe quoi quand on est, par exemple, en train de survoler des lignes électriques sous tension. Pour nous, les réglementations ne sont donc pas des contraintes, mais des cadrages qui permettent de travailler professionnellement.
Quels sont vos projets de développement à plus ou moins long terme ? Quels sont les principes qui guident votre travail d’innovation ?
Nous sommes constamment en train de réaliser du développement et de l’innovation, afin de démontrer les possibilités d’industrialisation de la technologie dans un métier donné. Nous sortons donc constamment de nouveaux produits sur de nouveaux applicatifs, utilisant et exploitant les technologies de l’information, de traitement de signal, de modélisation 3D, de visualisation… dans des configurations différentes de ce que l’on voit au quotidien. Nous voulons mettre l’essence même de ces technologies au service du client final. Nous mixons et intégrons ces différentes sciences et techniques de façon à les rendre en premier lieu intéressantes pour le client, tout en maîtrisant l’intégralité du processus de traitement de l’information. Il n’est pas possible de prendre une décision fiable quand on ne connaît pas bien sa donnée. Il s’agit d’un principe générique de la notion d’information. Il faut qualifier cette information et faire en sorte que lorsque l’on en donne une interprétation, on donne aussi le contexte qui nous a amenés à cette interprétation. Cela permet ainsi de prendre, in fine, la décision finale la plus pertinente. Nos systèmes sont des systèmes d’aide à la décision.
Le rôle de l’être humain reste donc central… ?
Dans tout système de prise de décision, le dernier geste, la dernière réflexion doivent revenir à l’être humain, qui est le seul à même d’embrasser les différentes dimensions du problème. Pour le cas de nos applicatifs liés à des environnements non contrôlés, ce serait mentir que de dire que nous sommes capables d’avoir une prise de décision fiable dans tous les cas et dans les temps impartis. Nous voulons rester humbles et apporter la technologie dans le but de réduire le temps de travail laborieux et difficile pour un être humain, qui n’a pas envie de passer des heures sur une vidéo à détecter des défauts. Nous utilisons la machine et son intelligence pour mettre en exergue des suspicions d’anomalies métiers, et c’est ensuite à l’expert humain, celui qui détient la vraie intelligence d’analyse, de prendre la décision finale en quelques clics de souris. Il conserve ainsi toute sa capacité de raisonnement pour des tâches plus importantes.
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