Rien ne va plus pour la filière aéronautique de Boeing depuis le crash de deux 737 MAX. Le 29 octobre 2018, un avion appartenant à la compagnie aérienne Lion Air s’était échoué en mer de Java, en Indonésie, faisant 189 victimes. Quelques mois plus tard, le 10 mars 2019, seulement six minutes après son décollage, un appareil de la compagnie Ethiopian Airlines se crashait non loin de l’aéroport d’Addis-Abeba en Éthiopie. 157 personnes ont péri dans la catastrophe. En cause : des défaillances sur le logiciel anti-décrochage MCAS (Maneuvring Characteristic Augmentation System) des appareils. Au total, 346 personnes sont décédées des suites de ces catastrophes aériennes.
Des centaines d’appareils toujours au sol
À la suite du second accident, la Federal Aviation Administration (FAA) a retiré l’autorisation de vol de l’appareil. Dans un premier temps, l’ancien patron de Boeing, Dennis Muilenburg, avait décidé de ne pas cesser la construction des appareils, mais simplement de la ralentir. Longtemps sur la sellette, l’homme a fini par être poussé à la démission le 23 décembre dernier. Ses décisions sur les rythmes de production, tout comme sa réticence à endosser la responsabilité des crashs, ont largement contribué à son désaveu.
Ainsi, dès le mois de mars, le rythme de production avait été ralenti à 42 nouvelles unités sorties d’usines chaque mois, contre cinquante-deux avant le début de la crise. En octobre dernier, Dennis Muilenburg espérait même que la production puisse atteindre 57 unités mensuelles à la fin de l’année 2020. Une prévision que l’on sait désormais intenable, car à l’heure actuelle, bien qu’espérée pour le mois de février, aucune date de remise en circulation n’a encore été officiellement annoncée par la FAA.
Depuis le début de la crise, plus de 400 avions neufs stationnent sur des parkings en attendant d’obtenir une nouvelle autorisation de vol. S’ajoutent à ceux-là les 383 appareils qui étaient en circulation avant le drame d’Addis-Abeba. En effet, plusieurs compagnies aériennes ont lourdement pâti, et pâtissent encore, de ces immobilisations. Le PDG de American Airlines, Doug Parker évaluait début janvier que sa compagnie avait perdu 540 millions de dollars du fait de ces immobilisations. Cette dernière exploitait vingt-quatre appareils, et comptait même en avoir cinquante fin 2019. Situation similaire chez la compagnie concurrente Southwest, dont les trente-quatre 737 MAX sont cloués au sol, alors qu’ils en attendaient, à l’origine, quarante de plus.
Des pertes cumulées évaluées à plusieurs milliards de dollars
Depuis lors, Boeing peine à remonter la pente et enregistre des pertes financières colossales. Le Wall Street Journal estimait à la mi-décembre que les pertes de l’avionneur s’élevaient au moins à neuf milliards de dollars. En outre, il est peu probable que la firme parvienne à redresser la barre avant a minima 2021. Et parce que Boeing est un acteur prépondérant de l’économie américaine, ces chutes de revenus ont entraîné un déclin du PIB des États-Unis estimé à environ 0,3%. «Boeing est sans doute la seule entreprise qui, en cessant de fabriquer un seul de ses produits, peut faire du tort à l’économie américaine» expliquait au Wall Street Journal Luke Tilley, économiste chez Wilmington Trust, société de gestion de portefeuilles.
En juillet dernier, Boeing avait chargé 5,6 milliards de dollars (5 milliards d’euros) en prévision des compensations à verser aux compagnies aériennes contraintes de remplacer leurs 737 MAX par d’autres appareils pour assurer leurs rotations. Les compagnies américaines Southwest et American Airlines ont ainsi été indemnisées par Boeing entre décembre et janvier. Si les sommes n’ont pas été officiellement divulguées, American Airlines a néanmoins annoncé dans la foulée que 30 millions de dollars (28 millions d’euros) seraient répartis entre les salariés au titre de la répartition des bénéfices. Chez Southwest, le montant à répartir s’élevait à 125 millions de dollars (111,7 millions d’euros).
Malgré cela, Boeing soutient que les emplois de ses 12 000 salariés de l’usine de Renton près de Seattle ne sont pas menacés. En revanche, la situation n’est pas aussi simple pour ses six cents sous-traitants, composés de nombreuses PME. Au sein de ces structures, des dizaines de milliers d’emplois pourraient être en jeu. Partie prenante de la fabrication des moteurs des 737 MAX avec l’américain General Electrics, Safran a subi les conséquences de la crise. En 2019, les défaillances du 737 MAX auraient coûté 800 millions d’euros à la société française.
La FAA très attendue, mais un nouveau défaut a été révélé
Dès aujourd’hui, le 13 janvier, David Calhoun, ancien directeur général chez Blackstone, société d’investissement, prend officiellement ses nouvelles fonctions de patron chez Boeing. «Le Conseil d’administration a décidé qu’un changement de direction était nécessaire pour restaurer la confiance dans la société, alors qu’elle s’efforce de rétablir les liens avec les autorités de réglementation, les clients et toutes les autres parties prenantes» avait alors annoncé Boeing dans un communiqué. Pour lui, l’objectif sera clair : obtenir une autorisation rapide de la part de la FAA. Dans tous les cas, l’avenir financier ne s’éclaircira pas immédiatement car en l’état actuel, le 737 MAX n’est pas parvenu à satisfaire.
De plus, suite à un audit interne réalisé en décembre, il est apparu qu’en plus du problème de MCAS, le 737 MAX a un autre défaut. Selon le rapport d’audit consulté par le New York Times, il semblerait que deux faisceaux de câbles seraient trop proches l’un de l’autre. Cette proximité pourrait engendrer de courts-circuits, qui pourraient eux-mêmes causer un crash. Boeing pourrait donc être potentiellement contraint de fournir (encore une fois) une nouvelle version de l’appareil, bien que rien ne soit à l’ordre du jour. «Il serait prématuré de spéculer sur la question de savoir si cette analyse entraînera des modifications de conception. Notre priorité absolue est de garantir que le 737 MAX répond à toutes les exigences réglementaires et de sécurité avant sa remise en service» a préféré tempérer Gordon Johndroe, porte-parole de Boeing, dans un communiqué.
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