Alors que le parlement a voté l'interdiction de la fracturation hydraulique de la roche il y a quelques mois, l'imbroglio autour de l'exploitation des gaz de schiste reste d'actualité. Les candidats à l'exploitation cherchent à développer de nouvelles techniques de fracturation pour contourner l'interdiction, pendant que les écologistes réaffirment les conséquences désastreuses sur l'environnement de toutes ces techniques.
Le gouvernement a annulé le 4 octobre dernier trois permis d’exploration de gaz de schiste, dont celui de Total car ces trois explorations ou exploitations prévoyaient la fracturation hydraulique qui a été interdite par une loi votée en juin car elle présente des risques de pollution des nappes phréatiques.
Pour autant, on ne se dirige pas encore vers une interdiction totale de l’exploitation des gaz de schiste en France. Le point sur la situation en France et les développements probables pour l’année qui vient, alors que d’autres pays, comme l’Algérie, ont annoncé des projets d’exploitation pour 2012.
Dans le cas de l’Américain Schuepbach (permis en Ardèche et dans le Larzac), les rapports de l’entreprise mentionnaient distinctement le projet d’utiliser la fracturation hydraulique, donc la demande par l’entreprise américaine de permis d’exploitation a été purement et simplement annulée.
En ce qui concerne l’entreprise Total, également candidate à l’obtention de permis d’exploitation, la situation est différente. L’entreprise française s’engageait dans son rapport à ne pas utiliser cette technique à Montélimar.
Or, d’après la Ministre de l’Écologie, Total veut « continuer à rechercher du gaz de schiste avec d’autres techniques que la fracturation hydraulique, mais on sait qu’aujourd’hui que toutes autres techniques ne sont pas opérationnelles ». Le groupe français s’est dit « très surpris » par cette décision de la ministre et dit attendre « de recevoir la notification de cette abrogation pour comprendre sur quelles bases légales ce permis serait abrogé ».
De nombreuses recherches sur les techniques de fracturation
Depuis, lors d’un débat contradictoire entre José Bové, député européen Europe Écologie Les Verts, et Christophe De Margerie, président de Total, celui-ci a annoncé que le pétrolier allait faire prochainement des recours en justice contre la décision du gouvernement d’annuler son permis d’exploration « gaz de schiste » à Montélimar. Affaire à suivre donc. La question qui se pose est la suivante : existe-t-il d’autres techniques que celle de la fracture hydraulique, interdite en France, pour exploiter les gaz de schiste ? Plusieurs techniques sont actuellement développées par les chercheurs et pourraient, à terme, devenir des solutions alternatives à la fracturation hydraulique.
Ces techniques de fracturation de la roche font aujourd’hui l’objet de recherches intenses : la première est la fracturation par arc électrique. Il s’agit de faire subir à la roche de violents chocs électriques pour la fracturer. Une autre, brevetée et commercialisée de manière très limitée pour le moment par une entreprise canadienne, consiste à remplacer l’eau par du propane. Une dernière formule de fracturation, celle dite de « fracturation pneumatique », consiste à injecter non pas de l’eau mais de l’air comprimé dans la roche mère afin de la désintégrer.
Ces techniques ont même déjà fait l’objet du dépôt de plusieurs brevets, même si leur efficacité et leurs effets sur le sous-sol ne sont pas encore bien connus, comme l’a précisé la Ministre de l’Écologie. Selon les écologistes, toutes ces techniques feraient courir les mêmes dangers à l’environnement et à la santé humaine avec comme conséquence irrémédiable la disparition des sources, des nappes phréatiques endommagées, des glissements de terrain et même comme en Angleterre récemment (juin 2011) des mini tremblements de terre.
3 permis abrogés sur 64 !
Mais ce n’est pas tout. Au-delà des trois permis refusés il y a quelques mois, d’autres demandes restent pour le moment en suspens : en effet, 61 autres permis de recherche de pétrole ou de gaz sont en effet toujours en vigueur. D’après le gouvernement, pour ces autres permis toujours valides, les entreprises n’entendent pas rechercher des gaz et huiles de schiste. Tous se sont engagés à ne pas recourir à la fracturation hydraulique et des « inspections » doivent être menées pour s’en assurer.
Par la voix de son porte-parole Guillaume Vermorel, référent « gaz de schiste », les écologistes ont dénoncé loi UMP (du 13 juillet 2011) interdisant la fracturation hydraulique. Après avoir accordé 64 permis en 2010, le gouvernement a tenté en 2011 une opération de démobilisation des opposants en votant une loi « anti fracturation hydraulique ». Selon ce dernier, « cette loi volontairement très permissive n’annule que 3 permis sur les 64 existants, les permis où les citoyens et les élus se sont le plus mobilisés ».
Le rôle décisif de la Commission nationale d’orientation
Dans le permis d’Alès, il s’agit d’une recherche d’hydrocarbures tout à fait conventionnelle comme il en existe dans notre pays depuis des décennies. Il concerne quelques communes de l’Ardèche directement limitrophes avec le Gard.
Cette exploration ou exploitation traditionnelle d’hydrocarbures conventionnels mérite une vigilance des pouvoirs publics : en effet, tout naturellement depuis la promulgation de la loi du 13 juillet au Journal Officiel de la République, la fracturation hydraulique est interdite. Il faudra donc que l’État se soucie du style d’exploitation qui a eu lieu depuis lors, afin d’en apporter si nécessaire, toutes modifications utiles.
La loi (n°2011-835) du 13/07/2011 a été publiée le 14/07/2011 et s’appuie sur la Charte de l’environnement de 2004 et sur le principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L110-1 du Code de l’environnement, pour interdire sur le territoire national ce type d’exploration et d’exploitation.
L’article 2 porte création de la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Elle a notamment pour objet d’évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives.
Elle émet un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public. Pour les écologistes, la composition de cette Commission nationale d’orientation sera à suivre de près ainsi que les contrôles qu’elle effectuera. En effet, les amendes correspondant à l’usage de méthode de fracturation interdites par la loi atteignent 75 000 euros au maximum. De nombreuses organisations environnementales affirment qu’une telle amende n’a pas d’effet suffisamment dissuasif pour les entreprises qui exploitent ces ressources naturelles.
Par Pierre Thouverez
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