Présentation
EnglishRÉSUMÉ
Cet article présente les bases de la cryptographie quantique et introduit la distribution de clés cryptographiques DQC. Il décrit les risques que l'informatique quantique représente pour la cryptographie actuellement déployée et pose ces questions : Quand les ordinateurs quantiques seront-ils opérationnels ? Devons-nous déployer aujourd'hui la DQC et comment améliorer préventivement la cryptographie existante (doubler la taille des clés, changer de protocoles, mixer avec la DQC) ? Ces sujets sont traités sous l'angle de la normalisation de la DQC qui permet d'adresser ces problèmes en offrant le cadre de réflexion nécessaire à l'élaboration de normes des fonctionnalités, des composants, des conditions de fonctionnement (métrologie) et des tests nécessaires à la future assurance qualité de la cryptographie, donc celle de notre sécurité.
Lire cet article issu d'une ressource documentaire complète, actualisée et validée par des comités scientifiques.
Lire l’articleAuteur(s)
-
Patrick René GUILLEMIN : Ingénieur innovation, recherche et normalisation – ETSI - European Telecommunications Standards Institute / Institut européen des normes de télécommunications, Sophia Antipolis, France
INTRODUCTION
Cet article est la version actualisée en 2023 de l’article H 5 214 intitulé « Distribution quantique de clés cryptographiques DQC » rédigé en 2015 qui lui-même mettait à jour l’article [NM 2 400] paru en 2008 sur la cryptographie quantique. Pour en savoir plus sur la cryptographie « classique » (RSA, AES, DES), le lecteur intéressé peut se référer à l’article [H 5 210]. Un glossaire présenté au paragraphe 7 donne les définitions des termes et expressions les plus utilisées dans l’article. Tous les sigles utilisés sont détaillés au paragraphe 8.
Cet article introduit la Distribution Quantique de Clés cryptographiques (DQC) vue sous l’angle de la normalisation QKD (Quantum Key Distribution) et QSC (Quantum Safe Cryptography) conduites par l’ETSI (European Telecommunications Standards Institute) qui rassemble 910 membres dans 60 pays et développe notamment les normes de la téléphonie mobile mondiale (GSM, 4G, 5G).
La cryptographie est une compétition entre les responsables de la sécurité des systèmes d’information critiques (gouvernementaux, militaires, industriels, financiers, médicaux) et les hackers qui peuvent être des ennemis, des concurrents, des enquêteurs, des pirates ayant de mauvaises intentions, ou parfois seulement des personnes qui aiment relever des défis et partager leurs résultats sur Internet.
L’enjeu est de sécuriser les communications de données et les informations stockées (chiffrées) dans des bases de données. Ces informations critiques ont besoin d’une sécurité pérenne dans le temps. En effet, grâce aux capacités de stockage gigantesques disponibles à faibles coûts, les communications de données chiffrées considérées sûres aujourd’hui peuvent être conservées pour être décryptées ultérieurement. Le risque de décryptage augmente avec la puissance de calcul informatique, les découvertes mathématiques, les améliorations et innovations algorithmiques et l’apparition progressive d’ordinateurs quantiques en clusters.
Certains chiffrements sont basés sur la décomposition de très grands nombres entiers en facteurs premiers. Ce type de cryptage devient de moins en moins résistant à cause de l’avènement d’ordinateurs quantiques beaucoup plus puissants que les ordinateurs classiques. Le temps énorme de calcul nécessaire à la décomposition de très grands nombres entiers en produits de deux facteurs premiers (par des ordinateurs classiques) permettait d’identifier le niveau de complexité (le temps de calcul) correspondant au niveau de confiance requis.
Il existe déjà des prototypes d’ordinateurs quantiques (IBM, Google, Honeywell, Microsoft, IonQ, D-Wave Systems Inc, etc.) et des prestataires (ATOS) offrant des services de calcul quantique à la demande. Les ordinateurs quantiques seront capables (d’ici 10-15 ans avec une probabilité de + 50 %) de réaliser des calculs inaccessibles aux ordinateurs dits « classiques ». Lorsque les ordinateurs quantiques pertinents pour la cryptographie seront accessibles en masse à des prix accessibles (d’ici certainement 20 ans) il sera trop tard pour se poser les questions des dispositions prises « au bon moment ».
L’informatique quantique est encore au stade initial des prototypes. La QKD est une réalité. Les réseaux de QKD sont au stade TRL5 (Technology Readiness Level 5: validation de la technologie dans un environnement représentatif). Il existe des produits QKD à la vente (idQuantique) et hors commerce (Toshiba) qui sont opérationnels (dans les fibres optiques et dans l’espace – ESA/Airbus). La QKD est basée sur les lois de la physique quantique (pas sur du temps de calcul). La QKD a déjà des applications dans les domaines de la sécurité gouvernementale (sécurisation des élections), financière (sécurisation des clés de chiffrement utilisées pour les transactions bancaires), militaire, informatique (backup sécurisés entre des centres de calculs stratégiques) et médicale (confidentialité à long terme des données médicales stockées).
Il est aussi possible d’utiliser les normes ETSI QSC et les normes PQC (Post-Quantum Cryptography) du NIST (National Institute of Standards and Technology) qui sont applicables sur des ordinateurs et les réseaux « classiques ». La PQC est capable de résister aux attaques des ordinateurs quantiques et garantira la sécurité pérenne (forward-secure) des échanges et du stockage des données cryptées.
Cet article explique qu’il est urgent d’améliorer dès maintenant certains chiffrements pour offrir une sécurité pérenne dans le temps et dans les limites des possibilités de déploiement.
MOTS-CLÉS
VERSIONS
- Version archivée 1 de avr. 2015 par Patrick René GUILLEMIN
DOI (Digital Object Identifier)
Cet article fait partie de l’offre
Sécurité des systèmes d'information
(76 articles en ce moment)
Cette offre vous donne accès à :
Une base complète d’articles
Actualisée et enrichie d’articles validés par nos comités scientifiques
Des services
Un ensemble d'outils exclusifs en complément des ressources
Un Parcours Pratique
Opérationnel et didactique, pour garantir l'acquisition des compétences transverses
Doc & Quiz
Des articles interactifs avec des quiz, pour une lecture constructive
Présentation
2. DQC et problématique de la cryptographie
La Distribution Quantique de Clés est complexe en théorie et en pratique. Les principes appliqués de la physique quantique sont ardus car parfois d’une nature contre-intuitive. La bonne compréhension globale des systèmes de DQC reste difficile sans la connaissance des notions de mathématiques (espace de Hilbert, Dirac, produit tensoriel, théorie de l’information et de la communication) et des notions de physique quantique sous-jacentes (état de superposition de toutes valeurs mesurables continues, décohérence, indétermination de ces valeurs mesurables dans l’état superposé mais suivant des lois de probabilité connues, prise de valeurs précises d’extrema -dichotomique- lors de la mesure, intrication de particules synchronisant les valeurs mesurées même physiquement séparées, modélisation de l’état quantique par une fonction d’onde à amplitudes complexes – non interprétable correctement dans le monde réel –, no-cloning – impossibilité de copier des qubits –, etc.). Le domaine de la cryptographie quantique est multidisciplinaire et évolue avec la recherche et les expérimentations. Pour les développeurs et producteurs de systèmes de DQC, cela touche notamment aux domaines de l’optique, de l’électronique et des architectures informatiques matérielles et logicielles. La DQC offre de nouvelles possibilités à tous les utilisateurs des TIC et aux gestionnaires de la sécurité des systèmes d’information qui doivent pouvoir décider quand et comment déployer cette technologie pour obtenir une sécurité intégrale. En effet, passés les doutes sur la réalité de la DQC et de l’informatique quantique, la communauté TIC s’est mise à effectuer des recherches sur la cryptographie pouvant résister au calcul quantique. C’est ce qu’on appelle en anglais la QSC (quantum safe cryptography) ou, comme développé par le NIST, PQC (Post Quantum Cryptography).
Le groupe de standardisation ETSI ISG QKD a été le premier forum d’échanges internationaux des travaux sur la DQC, la cryptographie post-quantique et la métrologie quantique nécessaires au passage de l’expérimentation de la DQC à son déploiement à grande échelle. La problématique de la cryptographie peut être abordée sous différents éclairages.
2.1 Problème soulevé avec le chiffrement RSA
Le...
Cet article fait partie de l’offre
Sécurité des systèmes d'information
(76 articles en ce moment)
Cette offre vous donne accès à :
Une base complète d’articles
Actualisée et enrichie d’articles validés par nos comités scientifiques
Des services
Un ensemble d'outils exclusifs en complément des ressources
Un Parcours Pratique
Opérationnel et didactique, pour garantir l'acquisition des compétences transverses
Doc & Quiz
Des articles interactifs avec des quiz, pour une lecture constructive
DQC et problématique de la cryptographie
BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - BENNETT (C.), BRASSARD (G.) - Quantum cryptography : public key distribution and coin tossing. - Proc. of the IEEE International conference on Computers, Systems and Signal Processing, Bangalore, India, 175 (1984).
-
(2) - BENNETT (C.H.), BRASSARD (G.), BREIDBART (S.), WIESNER (S.) - Eavesdrop-detecting quantum communications channel. - IBM Technical Disclosure Bulletin, 26, p. 4363 (1984).
-
(3) - SHANNON (C.E.) - Communication theory of secrecy systems. - Bell System Technical Journal, vol. 28, p. 656-715, oct. 1949.
-
(4) - BUCHMANN (J.), DAHMEN (B.), HÜLSINGXMSS - A practical forward secure signature scheme based on minimal security assumptions - (2011) https://eprint.iacr.org/2011/484.pdf
-
(5) - KORZH (B.), CI WEN LIM (C.), HOULMANN (R.), GISIN (N.) et al - Provably secure and practical quantum key distribution over 307 km of optical fibre. - New York, États-Unis, 28 juil. 2014.
-
...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
-
Suite de protocoles IPsec au service des VPN et de la mobilité.
-
Les 1001 usages du graphène.
-
Vers des systèmes de cryptographie quantiques plus sûrs...
[SECOQC] Projet de recherche SECOQC (Secure Communication based on Quantum Cryptography) ayant donné naissance à l’ETSI ISG QKD en octobre 2008 http://web.archive.org/web/20141129090045/ http://www.secoqc.net/html/standards/standardisation.html (page consultée le 28 mai 2023)
[QuRep] Projet de recherche QuRep (Quantum Repeaters for Long Distance Fibre-Based Quantum Communication) de janvier 2010 à décembre 2012 https://cordis.europa.eu/docs/projects/cnect/3/247743/080/reports/001-Qurepfinalpublicreport.pdf
[MIQC] FP7 project MIQC (Metrology for Industrial Quantum Communications) http://web.archive.org/web/20220809023913/ http://projects.npl.co.uk/MIQC/
[DWAVE] « Lockheed Martin (secteur de la défense) Quantum Computation Center at University of Southern California, The Quantum Artificial Intelligence Lab (Google, NASA and Universities Space Research Association Collaboration) » (novembre 2014) http://www.dwavesys.com/our-company/customers
[D-WAVE-Mosca] Michele MOSCA, Institute for Quantum Computing at the University of Waterloo in Canada (avril 2004), « Why nobody...
Cet article fait partie de l’offre
Sécurité des systèmes d'information
(76 articles en ce moment)
Cette offre vous donne accès à :
Une base complète d’articles
Actualisée et enrichie d’articles validés par nos comités scientifiques
Des services
Un ensemble d'outils exclusifs en complément des ressources
Un Parcours Pratique
Opérationnel et didactique, pour garantir l'acquisition des compétences transverses
Doc & Quiz
Des articles interactifs avec des quiz, pour une lecture constructive