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EnglishRÉSUMÉ
Poussé par une urbanisation croissante et l’impérieuse nécessité d’un impact minimal sur nos ressources et notre environnement, le monde de la construction est le lieu d’innovations à juste titre qualifier de nanotechnologiques. Est concerné autant l’habitat individuel que le tertiaire, le milieu urbain et nos grandes infrastructures, que celles-ci soient énergétiques, environnementales ou de mobilité. L’impact des nanotechnologies sur le matériau-roi du génie civil – le béton – et sur nos grands ouvrages d’art et réseau routier, est certain. L’usage de nanomatériaux dans les câbles et haubans des ponts permettra d’en faire des composants actifs, de même l’usage des nanotechnologies dotera la route de fonctionnalités qui la rendront adaptable, résiliente et automatisée.
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Henri VAN DAMME : Directeur scientifique de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) - Professeur à l'École Supérieure de physique et chimie industrielles, ESPCI-ParisTech
INTRODUCTION
Le monde de la construction a la réputation d’être traditionnel. L’objet de ce dossier, conçu en deux parties, est de montrer qu’au-delà de ce cliché, c’est au contraire un monde qui, poussé par notre urbanisation croissante et l’impérieuse nécessité d’un impact minimal sur nos ressources et notre environnement, sera le lieu d’innovations que l’on peut à juste titre qualifier de nanotechnologiques. Ceci touchera autant l’habitat individuel que le tertiaire, le milieu urbain et nos grandes infrastructures, que celles-ci soient énergétiques, environnementales ou de mobilité. Après un premier dossier consacré en priorité aux matériaux d’enveloppe du bâtiment et à leur impact sur la qualité urbaine, ce second dossier aborde plus spécifiquement l’impact des nanotechnologies sur le matériau-roi du génie civil – le béton – et sur nos grandes infrastructures – ouvrages d’art et réseau routier. On montrera que les nanosciences et l’ingénierie moléculaire des adjuvants offrent encore de belles marges de progrès aux bétons ; que l’usage de nanomatériaux dans les câbles et haubans des ouvrages d’art permettra d’en faire des composants actifs et les rendra plus sûrs ; que, grâce à l’usage de nouveaux matériaux et dispositifs dont beaucoup relèveront des nanotechnologies et des nanomatériaux (« NT & NM »), la route elle-même sera dotée de fonctionnalités nouvelles qui la rendront adaptable, résiliente et automatisée ; enfin, que l’incorporation de capteurs massivement distribués et communicants étendra l’internet des objets à l’ensemble de nos infrastructures et permettra d’en augmenter la durabilité, la sécurité et, globalement, l’efficacité.
La France compte environ 7 000 km d’autoroutes et 12 000 km de routes nationales. Le réseau de routes départementales et communales – dit « réseau secondaire » – avoisine, pour sa part, le million de kilomètres. Le réseau ferré de lignes à grande vitesse (LGV) approche désormais les 2 000 km, tandis que le réseau ferroviaire électrifié classique avoisine les 15 000 km. Ces infrastructures linéaires s’enchevêtrent grâce à 230 000 ponts routiers et 50 000 ponts ferroviaires. Elles requièrent plus de 50 000 murs de soutènement et sont rendues plus directes grâce au percement de près de 1 000 km de tunnels, routiers ou ferroviaires.
Avec 10 % de notre électricité d’origine hydraulique et près de 80 % d’origine nucléaire, nous possédons également plus d’un millier de barrages de toute taille et une soixantaine de centrales nucléaires. Et le réseau d’assainissement de nos eaux usées, quasi-totalement enfoui, est aussi dense que la France de surface.
Ce patrimoine énorme, essentiel pour la bonne marche du pays, repose essentiellement, à l’exception de la route, sur l’utilisation du béton et de l’acier (le premier contenant d’ailleurs une bonne dose du second). La place du béton pourrait encore augmenter avec son introduction éventuelle dans la construction de lignes ferroviaires à très grande vitesse (LTGV), en substitut du ballast. Ce patrimoine demande à être surveillé, entretenu et réparé. La tendance à la prolongation de la durée de vie des ouvrages ne fait que renforcer ce besoin de durabilité. Par ailleurs, le béton est l’objet d’une quête de performances mécaniques de plus en plus élevées – évolution justifiée par les défis à relever et aussi par le gain de matière et, dans certaines circonstances, de surface utile que cette amélioration permet – et de mise en œuvre de plus en plus rapide. Compte tenu de la nature physico-chimique du béton ou, plus exactement, de son liant – le ciment Portland – la maîtrise de ces questions relève dans une large mesure des nanosciences.
Le patrimoine routier repose pour sa part, du moins dans notre pays, sur un béton particulier dans lequel le liant n’est autre que du bitume. Ce béton particulier, qualifié d’« enrobé bitumineux », peut prendre des formes variées, plus ou moins compactes, comme son homologue cimentaire. Le bitume est lui-même, et de plus en plus, un produit formulé. Sa mise en œuvre et ses propriétés dépendent de la maîtrise de la matière à l’échelle moléculaire et supramoléculaire.
Ce dossier est consacré aux évolutions que les nanosciences et les nanotechnologies (« NS & NT ») peuvent apporter, non seulement aux deux liants – ciment Portland et bitume – qui viennent d’être mentionnés – et à leurs bétons, mais aussi, plus généralement, à la conception, à l’auscultation et au suivi des ouvrages, y compris de la route.
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3. Conclusions
Les nanosciences, l’ingénierie moléculaire et les méthodes d’investigation – expérimentales ou numériques – associées aux nanotechnologies ont un impact décisif sur l’évolution des matériaux du génie civil. Ce sont elles qui conditionneront désormais l’amélioration de la cohésion des bétons, de leur ductilité, de leur résistance au fluage, de leur durabilité et, plus globalement, de leur bilan carbone. Ce sont elles qui permettront le contrôle fin – éventuellement grâce à un stimulus chimique, électrique ou thermique – de l’évolution temporelle des propriétés mécaniques, depuis l’état fluide et frais jusqu’à l’état durci. Ce sont elles aussi qui permettront – et permettent déjà – de faire évoluer la formulation des bitumes, ou leurs substituts d’origine végétale ou alguaire, pour en faire les liants économes, auto-réparants et résistants aux conditions climatiques extrêmes. Enfin, on peut compter sur elles aussi pour la mise au point des liants minéraux, organiques ou hybrides du futur, à bilan CO2 voisin de zéro.
Parallèlement, les ouvrages d’art et les infrastructures de toutes natures qui jalonnent le territoire s’enrichissent progressivement d’une multitude de capteurs. La route n’échappe pas à cette évolution, qui deviendra de plus en plus communicante avec les véhicules et les gestionnaires, résiliente aux aléas climatiques et indépendante énergétiquement. Simples prothèses d’auscultation pour l’instant, ces capteurs feront bientôt partie intégrante de la matière de l’ouvrage et se transformeront à l’occasion en actionneurs. Seule l’utilisation des NT permettra de les doter, dans un volume réduit, des nombreuses fonctionnalités souhaitées et de les alimenter. Cette évolution permettra de mieux prévoir et, globalement, d’optimiser le fonctionnement de l’ossature matérielle de nos sociétés. Les villes, les infrastructures et les réseaux de transport qui résulteront de cette évolution seront qualifiés « d’intelligents ». On parle de « smart cities » ou d’« intelligent transport systems ». C’est sans compter avec le fait que l’essentiel restera du ressort d’une autre sphère, celle du choix de la manière dont nous voulons vivre ensemble.
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BIBLIOGRAPHIE
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(5) - ROUSSEL (N.) - A thixotropy model for fresh fluid concretes : theory, validation and applications - Cement and Concrete Research, vol. 36, 1797-1806 (2006).
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