Présentation
RÉSUMÉ
Cet article rapporte les études conduites sur les matériaux du patrimoine. Après une présentation des problématiques de recherche et des caractéristiques des matériaux considérés, il aborde les examens non destructifs pratiqués le plus souvent sur les œuvres d’art, à savoir les observations à différentes échelles, les photographies sous lumière visible, sous rayonnement ultraviolet et infrarouge, les radiographies. Est ensuite détaillé l’ensemble des techniques d’analyse actuellement utilisées en analyse élémentaire, structurale et spectroscopique des matériaux inorganiques.
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Auteur(s)
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Martine REGERT : HdR en Chimie, Docteur en Archéologie, Agrégée de Chimie – Chargée de recherche CNRS - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, Paris (UMR 171 CNRS et GdR 2114 ChimArt)
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Maria-Filomena GUERRA : HdR et Docteur en Physique – Chargée de recherche CNRS - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, Paris (UMR 171 CNRS et GdR 2114 ChimArt)
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Ina REICHE : Docteur en Science des matériaux – Chargée de recherche CNRS - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, Paris (UMR 171 CNRS, GdR 2114 et 2762)
INTRODUCTION
Les sociétés qui nous ont précédés peuvent être étudiées à partir des sources écrites lorsqu’elles existent, ou à partir des objets et œuvres d’art qui sont parvenus jusqu’à nous, que l’approche soit stylistique, historique ou technique. Dans certains cas cependant, la seule approche historique ou archéologique ne révèle qu’une partie des données scientifiques contenues dans les objets étudiés. Les matériaux constitutifs des œuvres peuvent alors être caractérisés chimiquement afin de rechercher des indices qui ne sont pas perceptibles par les méthodes d’étude les plus répandues en archéologie ou en histoire de l’art. Depuis leur formation en contexte géologique ou biologique jusqu’à leur transformation, leur utilisation et éventuellement leur abandon par l’homme, ces matériaux ont en effet pu enregistrer un certain nombre d’informations au sein de leur composition chimique, au niveau élémentaire, isotopique, moléculaire ou structural. De ce fait, la nature et l’origine géographique des matières premières exploitées dans le passé, les techniques de transformation des matériaux utilisés, les différentes étapes de restauration des objets ou encore les processus naturels d’altération peuvent être révélés grâce à la mise en œuvre de méthodologies analytiques adéquates. Examens photographiques, radiographiques, observations microscopiques et analyses physico-chimiques sont alors de première importance pour dévoiler les multiples facettes de l’histoire des matériaux exploités par l’homme au cours du temps.
Depuis les premières analyses novatrices d’objets anciens au 19e siècle, le développement de méthodologies destinées à l’étude des matériaux du patrimoine a donné naissance dans les années 1960 à une discipline autonome, l’archéométrie, qui comprend la datation, les prospections géophysiques et la caractérisation des matériaux. Actuellement, l’ensemble des acteurs gravitant dans la sphère du patrimoine culturel, que ce soit en sciences physico-chimiques, en archéologie ou dans le domaine de la conservation et de la restauration, tendent à se fédérer, notamment en France, pour créer une véritable « science des matériaux du patrimoine » [1] s’intéressant à l’ensemble des œuvres produites par l’homme. La création récente du « Journal of Cultural Heritage » témoigne de ce courant et vient compléter le panel de journaux destinés à la diffusion des recherches en archéométrie ou dans le domaine de la conservation telles que « Archaeometry », le « Journal of Archaeological Science », « Studies in Conservation », « Ancient Biomolecules », la « Revue d’archéométrie » ou « Technè ».
Présenter les recherches menées sur les matériaux du patrimoine nécessite bien sûr de décrire au lecteur les méthodologies analytiques permettant de pénétrer peu à peu les matériaux à différentes échelles. Mais il est également indispensable d’aborder les implications des résultats analytiques dans le champ de l’archéologie, de l’histoire de l’art, de la restauration ou de la conservation en fonction des problématiques interdisciplinaires préalablement définies. Aussi, nous avons choisi d’organiser ce dossier en commençant par présenter les problématiques de recherche et les caractéristiques des matériaux considérés, avant d’aborder les examens non destructifs très souvent pratiqués sur les œuvres d’art (observations à différentes échelles, photographies sous lumière visible, sous rayonnement ultraviolet et infrarouge, radiographies). La panoplie de techniques d’analyse actuellement utilisées pour l’étude des matériaux du patrimoine culturel est alors détaillée aussi bien pour l’analyse élémentaire, structurale et spectroscopique des matériaux inorganiques que pour la caractérisation des substances organiques en Physico-chimie des matériaux du patrimoine culturel. Partie 2. L’utilisation de l’ensemble des méthodes présentées est ensuite illustrée dans la dernière partie par une série d’exemples Physico-chimie des matériaux du patrimoine culturel. Partie 2. Les méthodes de datation ne sont pas abordées dans cet article dans la mesure où plusieurs ouvrages de référence y sont consacrés. De même, l’étude des biomatériaux qui relève de problématiques en relation avec l’environnement (étude des graines, des pollens, des charbons de bois, des ossements) ou avec la phylogénie (ADN), dont les méthodologies sont mises en place dans le champ des sciences naturelles ou de la biologie moléculaire, ne sera pas prise en considération.
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2. Philosophie de l’analyse : quelles stratégies analytiques pour les matériaux du patrimoine ?
Il est illusoire de proposer une stratégie analytique type pour les matériaux du patrimoine culturel tant les objets, les matériaux, les contraintes liées aux œuvres, les problématiques et leurs combinaisons sont variés. Il est néanmoins possible de dégager une vison générale sur ces stratégies en raison des spécificités de ces matériaux.
2.1 Spécificités et contraintes de l’analyse des matériaux du patrimoine culturel
L’étude de la constitution chimique des matériaux du patrimoine représente un véritable défi d’un point de vue analytique car il s’agit de matériaux composites et hétérogènes, souvent conservés en faible quantité. Dans certains cas, il n’est pas possible de réaliser un prélèvement sur l’œuvre en raison de son caractère unique. Lorsque des prélèvements sont possibles, les échantillons obtenus sont souvent de très petite dimension (ils sont parfois invisibles à l’œil nu), ce qui ne permet de réaliser qu’une seule et unique analyse. Ces matériaux ont de plus été transformés par l’homme et ont ensuite été soumis à un ensemble de dégradations naturelles.
Une partie des matériaux exploités par le passé ne sont plus utilisés de nos jours. Le savoir-faire lié à ces matériaux a donc disparu et la connaissance même de l’utilisation de certains matériaux pour des usages bien déterminés est parfois perdue. Il devient alors particulièrement délicat, à partir d’un microéchantillon, de retrouver la nature de tels matériaux. Les connaissances dans le domaine de l’histoire, de l’histoire de l’art et de l’archéologie viennent alors nécessairement compléter celles du physico-chimiste pour interpréter les résultats.
En ce qui concerne les matériaux organiques, ils sont toujours constitués de mélanges moléculaires complexes et sont bien souvent en partie insolubles dans les solvants organiques en raison de leur constitution partiellement polymérique.
Dans le cas des matériaux inorganiques, les matières premières, souvent purifiées puis mélangées, ont pu être réutilisées, en particulier pour les plus précieuses d’entre elles (refonte des métaux, réutilisation de pierres précieuses, d’éléments...
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