Présentation
Auteur(s)
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Étienne BENOIST
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Jean-Luc MILHEM
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Nicole GUIMBAIL : Institut de protection et de sûreté nucléaire
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Lire l’articleINTRODUCTION
L’énergie nucléaire représente une part importante de la production d’électricité dans les pays d’Europe de l’Est, avec toutefois de grandes disparités d’un pays à l’autre. Elle représente ainsi 80 % en Lituanie, 51 % en Slovaquie, 49 % en Hongrie, 40 % en Bulgarie, 35 % en Ukraine et seulement 12 % en Russie. Pour ce dernier pays, il s’agit d’une valeur moyenne, une analyse par région montrant de grandes disparités.
Plusieurs remarques s’imposent à l’examen des caractéristiques du parc nucléaire. Tout d’abord, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce parc de réacteurs est encore jeune. Conçu au cours des années 60, mis en service pendant les années 70 et 80, ce parc est d’un âge moyen à peine supérieur à celui du parc des réacteurs français, mais inférieur à celui du parc américain, et surtout du parc anglais. Dans les pays de l’Est, la vétusté se trouve plutôt du côté des centrales à combustible fossile, que du nucléaire. Cela constitue un paramètre important des politiques énergétiques de ces divers pays : indépendamment des options à long terme qui peuvent impliquer pour certains une sortie du nucléaire, la nécessité de rentabiliser au mieux les investissements existants les conduit à vouloir poursuivre le fonctionnement des réacteurs existants pour au moins toute la durée de vie initialement prévue.
Mis à part les deux réacteurs rapides, qui sont en fait des prototypes, tous les autres réacteurs en fonctionnement ou en construction, se classent en deux filières, les RBMK et les VVER.
Les RBMK, dérivés d’un concept plus ancien utilisé initialement pour la production du plutonium, sont tous installés en Russie à l’exception de ceux de Tchernobyl (Ukraine) et d’Ignalina (Lituanie). La conception de ces réacteurs est caractérisée par de nombreux tubes de force (1700) qui traversent les blocs du modérateur en graphite et contiennent les éléments combustibles (oxyde d’uranium) refroidis à l’eau bouillante. Ces réacteurs avaient l’intérêt de pouvoir être construits et assemblés sur site sans avoir à transporter de très gros composants. On peut les classer en trois groupes :
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les six plus anciens (les numéros 1 et 2 de Sosnovy Bor, Kursk et Tchernobyl) dont le système de confinement était pratiquement inexistant ;
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le plus récent, Smolensk 3, mis en service après l’accident de Tchernobyl, qui a été l’objet de nombreuses améliorations ;
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les huit réacteurs intermédiaires qui constituent un groupe inhomogène, mais comportent en particulier un confinement partiel.
Mais la majorité des réacteurs des pays de l’Est relève de la filière des VVER, c’est-à-dire d’une filière de réacteurs à eau sous pression dont les principales caractéristiques sont voisines de celles des réacteurs constituant le parc nucléaire français. Ces réacteurs VVER se classent en trois générations successives (430/230, 440/213, 1000/320). Le modèle 440/213 résulte en partie de l’exportation en Finlande des réacteurs 1 et 2 de Loviisa, mais les Finlandais y ont apporté de substantielles améliorations ; la construction d’un réacteur de ce type était également amorcée à Cuba durant les années 80. Le fait que ces réacteurs aient été proposés à l’exportation est cohérent avec leurs caractéristiques : moindre coût de construction et mise en œuvre de composants de chaudronnerie lourde provenant de l’usine géante établie à cet effet, Atommach, à Volgodansk. Les VVER continuent de faire l’objet de propositions d’exportation de la Russie à divers pays : Chine, Inde, Iran, etc.
Cependant, les caractéristiques de sûreté d’une large fraction de ces réacteurs ne sont pas totalement satisfaisantes. Certains d’entre eux, en particulier parmi les plus anciens, ne seraient pas autorisés à fonctionner plus longtemps dans un pays occidental, sans de profondes modifications. Seule naturellement, une analyse de sûreté approfondie, au cas par cas, permet de porter un jugement de cet ordre sur une centrale donnée. Ce n’est pas l’objet ici d’entrer dans de telles analyses et il conviendra de se garder de conclusions trop rapides à la lecture des paragraphes 2 et 3 de cet article, où sont présentées les principales déficiences des RBMK et des VVER ; d’autant plus qu’en regard de ces déficiences, certains de ces modèles (notamment les VVER 440) sont de conception robuste et relativement « pardonnante » vis-à-vis de situations particulières. De même faut-il se garder de généraliser à tous les sites de tous les pays certains problèmes communs, qui étaient caractéristiques de l’organisation soviétique jusqu’en 1990 mais ont évolué localement, depuis lors, de façon très différente.
Les caractéristiques du parc actuel des réacteurs nucléaires des pays de l’Est sont données dans la fiche documentaire
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4. Conclusions
Le tour d’horizon des problèmes de sûreté rencontrés dans les réacteurs nucléaires de conception soviétique fait apparaître quelques traits caractéristiques.
Les défaillances mises en évidence ne relèvent pas tant d’insuffisances technologiques que d’insuffisances d’organisation et de blocages de mentalités. Certes, la qualité des composants ordinaires (béton, câbles électriques, etc.) est parfois bien médiocre ; mais les composants de haute technologie, les combustibles en particulier, ne sont pas en cause.
Les problèmes rencontrés proviennent pour l’essentiel de la prise en compte insuffisante des risques d’accident grave. Confiance excessive ? Cloisonnement des responsabilités ? Désir absolu de produire vite, à bon marché ? Quelle qu’en soit la raison, il est clair qu’à l’Est, la prise de conscience du risque d’accident grave s’est manifestée plus lentement qu’en Occident, où la même évolution s’est amorcée dès les années 60, mais n’a été cependant que très progressive. Les Russes ne manquent pas de souligner, d’ailleurs, que certains vieux réacteurs occidentaux toujours en service, ne sont pas exempts de critiques vis-à-vis des principes de sûreté actuellement admis.
La prise de conscience du risque d’accident grave s’est manifestée à partir des années 70 dans la conception des réacteurs de l’ex-URSS ; elle fut incontestablement plus complète pour les VVER que pour les RBMK. Ces derniers, prisonniers des choix technologiques de base (réacteur de grand volume, à eau bouillante et à tubes de force), pourront-ils d’ailleurs faire la preuve qu’ils sont capables d’améliorer leur sûreté jusqu’à un niveau acceptable au regard des critères internationaux ? Beaucoup en doutent.
L’évolution technologique restera vaine si elle n’est pas accompagnée d’une évolution parallèle des mentalités, des organisations et des pratiques de sûreté. Faire passer à l’état de réflexe, chez tout intervenant de tout niveau, que toute action doit être d’abord considérée dans ses implications de sûreté est une tâche longue et difficile. La culture de sûreté ne s’achète pas toute faite. Elle se développe en la pratiquant.
Ces considérations supposent l’émergence d’autorités...
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