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Jean-Yves DUBOZ : Chef du Laboratoire de Physique des Composants au Laboratoire Central de Recherches de Thomson-CSF
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GaN, un semi-conducteur nouveau : les semi-conducteurs sont caractérisés par leur bande interdite ou gap, qui sépare les derniers états occupés de la bande de valence et les états libres suivants dans la bande de conduction. Les électrons dans la bande de conduction et les trous dans la bande de valence ont une énergie qui dépend de leur vecteur d’onde. On repère ainsi le maximum de la bande de valence et le minimum de la bande de conduction. Lorsque le minimum de la bande de conduction possède le même vecteur d’onde que le maximum de la bande de valence, le gap est dit direct, et il est dit indirect dans le cas contraire. Cette différence est très importante pour les transitions optiques car elles s’opèrent à vecteur d’onde quasi constant : les semi-conducteurs à gap direct sont donc, d’une manière générale, plus adaptés que les autres pour les applications optoélectroniques.
Le monde des semi-conducteurs est dominé, en terme de marché, par le silicium. Ce dernier a un gap indirect de 1,11 eV. Le germanium, moins utilisé, a également un gap indirect, de 0,66 eV. Ces matériaux étant utilisés depuis longtemps, ils ont défini une valeur de référence pour le gap, de l’ordre de 1 eV. On distingue alors les semi-conducteurs petit gap qui ont une bande interdite très inférieure à 1 eV et les semi-conducteurs grand gap qui ont une bande interdite très supérieure. Par exemple, le carbure de silicium SiC est un matériau grand gap, de valeur variant suivant les polytypes autour de 3,3 eV. Il est de gap indirect. Le diamant, réseau cubique de carbone, est un dernier exemple de semi-conducteur à base d’atomes de la colonne IV du tableau périodique des éléments. Il est de gap indirect de valeur 5,5 eV. D’autres semi-conducteurs existent ou ont été réalisés à partir des éléments des colonnes III et V, ou encore II et VI. Certains semi-conducteurs II-VI sont à petit gap alors que d’autres, comme ZnS, ZnSe, ZnMgSSe sont à grand gap. La majorité sont à gap direct et sont donc utilisés dans des dispositifs optoélectroniques. Enfin, les semi-conducteurs III-V sont presque tous à gap direct et sont les champions des dispositifs optoélectroniques. L’arseniure de gallium GaAs est le représentant le plus connu, de gap 1,414 eV. InP en est un autre, de gap 1,35 eV. Leur grande force réside dans le nombre quasi illimité d’alliages possibles entre Ga, As, Al, In et P. Cette particularité essentielle a donné aux semi-conducteurs III-V la première place pour l’optoélectronique et notamment pour les lasers semi-conducteurs. Cependant, le gap reste toujours inférieur à 2 eV environ et on ne peut pas les considérer comme des matériaux grand gap. En particulier, le domaine visible n’est pas couvert par ces semi-conducteurs III-V classiques.
Cette famille de semi-conducteurs III-V s’est agrandie par la venue d’un nouveau matériau, le nitrure de gallium (GaN). Également direct, le gap du GaN atteint 3,43 eV à 300 K. C’est donc un matériau grand gap, qui complète la gamme spectrale de la famille III-V, qui concurrence les composés II-VI à grand gap direct dans le domaine optoélectronique et qui concurrence les composés à grand gap indirect comme SiC et le diamant pour l’électronique haute température et forte puissance. Un atout supplémentaire, et non des moindres, est la possibilité de réaliser des alliages InGaN et AlGaN. Comme dans le cas de GaAs, l’addition d’indium permet de réduire le gap jusqu’à 1,9 eV dans InN alors que l’addition d’Al permet de l’augmenter pour atteindre 6,2 eV dans AIN. Ces nitrures permettent donc de couvrir toute la gamme spectrale du proche ultraviolet et du visible. En particulier, le bleu, inaccessible aux autres semi-conducteurs, est le domaine d’excellence du GaN.
Le nitrure de gallium n’est en fait pas si nouveau que cela. Dès les années 1970, le potentiel du GaN pour le bleu n’avait pas échappé aux chercheurs, notamment J. Pankove à RCA et l’équipe de R. Dingle aux Bell Laboratories. Une diode électroluminescente bleue avait même été fabriquée, mais les difficultés de croissance et notamment de dopage P avaient conduit ces laboratoires à arrêter leurs recherches. Dans les années 1980, seul un effort très réduit fut poursuivi au Japon par I. Akasaki. Cet effort a débouché au début des années 1990 sur une technique de croissance qui permit d’obtenir des couches de qualité raisonnable et surtout sur le dopage de type P. Ces efforts universitaires furent vite relayés par un chercheur industriel de la société Nichia (Japon). Le dopage P fut amélioré et des diodes électroluminescentes (LED) fabriquées. Les performances augmentèrent tellement vite face à une concurrence très faible des autres semi-conducteurs que ces diodes furent commercialisées à partir de 1993. Cet événement eut un tel retentissement mondial que de très nombreux laboratoires dans le monde entier se mirent à travailler très activement sur ce sujet qui est devenu le sujet de recherche en semi-conducteur le plus actif des années 1990. La motivation est d’abord la réalisation de sources optiques dans le bleu (LED et laser). De fait, un laser bleu a également été obtenu. Le marché et les enjeux financiers sont énormes, dépassant la centaine de millions de dollars pour les seules LEDs bleues. Les grands groupes comme Hewlett Packard, Sony, Fujitsu, Matsuchita, Siemens... font la course pour rattraper la société Nichia. Mais les applications du GaN ne s’arrêtent pas aux seules sources bleues : l’électronique de puissance et la détection ultraviolet intéressent des sociétés comme Hughes, Northrop-Grumann, Honeywell, Thomson-CSF...
VERSIONS
- Version archivée 2 de août 2017 par Jean-Claude DE JAEGER
- Version courante de mars 2024 par Jean-Claude DE JAEGER
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7. Conclusions et perspectives
Si on exclut quelques essais plus anciens, les matériaux semi-conducteurs à base de GaN ont réellement vu le jour avec les années 1990. En très peu de temps, une production massive de dispositifs à base de GaN a été lancée. Cette rapidité de développement est unique dans l’histoire des semi-conducteurs. Elle est liée d’une part à la grande maturité de l’industrie des semi-conducteurs en général et d’autre part aux gigantesques enjeux économiques de ce matériau. Les LEDs sont en vente et les lasers devraient l’être bientôt. Les performances en fréquence et puissance des transistors GaN sont au niveau de celles des autres semi-conducteurs, et les détecteurs ont déjà atteint un niveau compétitif. On parle également des nitrures de gallium et d’aluminium pour les cathodes froides. À l’évidence, certains développements ne sont rendus possibles que par l’effet d’entraînement provoqué par l’essor des LEDs et lasers. Cette synergie entre les différents thèmes se manifeste d’abord au niveau de la croissance et de l’amélioration de la qualité cristalline du matériau par différentes méthodes (croissance latérale, films épais...). Elle se poursuit au travers des processus technologiques, conctacts ohmiques, gravure... Elle se prolonge enfin dans la compréhension physique des processus de base dans ces matériaux.
Le sujet entre maintenant dans une seconde phase où chaque branche va se spécialiser davantage, avec des substrats dédiés spécifiquement à telle ou telle application, et des couches comprenant des hétérostructures optimisées pour un type de dispositif. Les limites de ce que peut faire GaN dans un domaine précis apparaîtront alors, mais on peut déjà avancer sans beaucoup de risques que ces limites seront suffisamment hautes pour que GaN entre dans notre monde sous de nombreuses formes, à des échéances et des prix variés.
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BIBLIOGRAPHIE
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(6) - NAKAYAMA (H.) et al - Electrical...
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