La consommation alimentaire dans les pays à hauts revenus

« L’alimentation embrasse l’histoire tout entière de notre civilisation » Massimo Montanari, La faim et l’abondance (Seuil 1995)

1. Tendances lourdes de la consommation mondiale

1.1 Les quatre âges de l’alimentation

1.2 La consommation alimentaire sur la longue période

1.3 Théorie des trois pouvoirs

1.4 Débats de société : sécurité alimentaire et systèmes de production durable

2. Une consommation sous influences

2.1 Des modèles de consommation encore diversifiés

2.2 Un consommateur sous influences

2.3 Le consommateur entre déterminisme biologique et social

2.4 Offre de produits et multiplication des signes de qualité

2.5 Conclusion

3. Théories et modélisation du comportement du consommateur

3.1 Comment comprendre la décision du consommateur ?

3.2 Tentatives de modélisation du choix du consommateur

3.3 Styles de vie et situations d’usage : deux critères de segmentation utiles

4. Conclusion générale : un consommateur complexe dans un univers changeant

Pour en savoir plus

Dès la naissance, la consommation alimentaire devient, pour tout être humain, un acte fondamental de survie. Durant des centaines de milliers d’années, elle a occupé l’essentiel du temps éveillé des hommes. Elle a ensuite accompagné les lents progrès des techniques et des arts, et, beaucoup plus récemment à l’échelle de l’histoire, ceux de l’économie. L’émergence des premières civilisations, il y a 5 000 ou 6 000 ans, s’est faite en grande partie autour des pratiques alimentaires, tant du point de vue social (le banquet), que du point de vue culturel (les arts de la table) et économique (la terre, source de richesse). Après avoir presque résolu le terrible problème des famines en temps de paix, l’humanité s’est attachée à diversifier et à « sécuriser » son alimentation. Cette dynamique est née d’une subtile dialectique entre l’expression des besoins des consommateurs et le développement progressif du « système alimentaire », vaste et complexe ensemble d’acteurs-producteurs, agriculteurs et industriels, de distributeurs, d’entreprises périphériques telles que les fournisseurs d’équipement et de services, d’administrations publiques et d’associations.

Dans les pays à hauts revenus, la fonction alimentaire n’occupe plus qu’une petite part des dépenses des ménages. Les facteurs économiques qui ont longtemps permis d’expliquer l’essentiel du comportement du consommateur dans le domaine alimentaire demeurent certes importants, mais font une place croissante à des considérations d’ordre ethnique, psychologique et sociologique. En conséquence, les concepts et les outils permettant d’analyser et de comprendre la dynamique de la consommation alimentaire sont nécessairement empruntés à plusieurs domaines scientifiques : l’économie, le marketing, la stratégie, mais aussi la sociologie, l’ethnologie, les sciences de la vie et de l’ingénieur...

Aujourd’hui la démographie reste un des paramètres essentiels pour expliquer non pas la croissance économique (ou la non-croissance), mais tout simplement la dimension de la demande alimentaire. Les chiffres de l’évolution de la population mondiale montrent combien récente et explosive est cette demande, et, en conséquence, combien les efforts déployés pour la satisfaire ont été considérables : le premier milliard d’habitants a été atteint en 1800, alors que la population du globe était estimée à environ 250 millions de personnes au début de l’ère chrétienne ; le second milliard en 1927, soit 127 ans plus tard. Il a fallu ensuite 47 ans (1974) pour que le nombre des terriens double à nouveau. Les démographes des Nations unies, dans leurs dernières projections, tablent en hypothèse moyenne sur 8 milliards en 2025, soit 51 ans pour un doublement supplémentaire (UNO, 1997). Nous sommes donc probablement entrés, à l’échelle de la planète, dans ce que les spécialistes qualifient de « transition démographique », c’est-à-dire un ralentissement de la croissance de la population qui prélude à un état stationnaire du nombre d’habitants (entre 9 et 11 milliards à l’horizon 2050 ?), puis à un éventuel déclin : de 86 millions de bouches supplémentaires à nourrir chaque année entre 1990 et 1995, on devrait passer à 78 millions entre 2020 et 2030 et 52 millions entre 2040 et 2050.

Nota : la transition démographique correspond au moment où la fécondité ne permet plus qu’un remplacement des générations. Néanmoins, le nombre de naissances ne diminue que très lentement, lorsque baisse de la fécondité et baisse du nombre de femmes en âge de procréer se conjuguent.

L’écart entre les variantes hautes et basses des projections est tel, à plus de 20 ans — une génération —, que les chiffres perdent de leur intérêt.

De nombreux autres facteurs interviennent évidemment à côté, ou mieux autour, de la démographie pour expliquer la dynamique de la consommation alimentaire. Nous avons choisi dans cette présentation synthétique de « l’état de l’art », une approche pluridisciplinaire organisée autour de trois questions centrales pour tenter de comprendre les évolutions à moyen terme de la consommation alimentaire et ses caractéristiques dans les pays à hauts revenus :