Quel est l'avis des experts du secteur à propos du développement des énergies solaires en France ? Réponse de Cédric Philibert, Alain Liébart, Marc Théry, Marc Jedliczka, Patrick Saultier, François Lempérière, Daniel Bour et Thierry Salomon.
Cédric Philibert (22 mars 2015)
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Cédric Philibert est senior analyste à la division énergies renouvelables de l’Agence Internationale de l’Energie (une agence de l’OCDE) et notamment auteur du rapport de référence Solar Energy Perspectives.
Ce qu’il dit : « C’est encore pas tout à fait gagné (que la France atteigne son objectif de 23% d’énergies renouvelables d’ici 2020 ndlr). Notamment parce que l’on ne sait pas ce qui va sortir de la loi sur la transition énergétique. On a quand même beaucoup d’obstacles en France, qu’on a pas toujours ailleurs (Cédric Philibert reste très diplomate ndlr). On a un objectif photovoltaïque, et solaire en général, qui est très faible et qui est atteint. On est à 5 GW et c’est ce qu’a le Royaume-Uni aussi aujourd’hui. Je ne sais pas s’ils ont autant de soleil que nous, mais ils ont autant de solaire que nous. Ce qui prouve que l’équation économique sur le solaire n’est pas bien vue. Aujourd’hui on peut faire en France beaucoup de solaire à moins de 100€ le MWh (moins de 10 centimes le kWh ndlr) dans le sud de la France et on en fait très peu finalement. Concernant l’éolien on est très en retard sur les objectifs, à la fois dans l’offshore et sur l’éolien terrestre (…) ».
La suite de l’interview (vidéo) réalisée par le site ninjaclimat.com est accessible depuis le blog de Cédric Philibert.
Alain Liébart (septembre 2014)
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Alain Liébart est ex-président de l’Observatoire des énergies renouvelables et de la Fondation Énergies pour le Monde.
Ce qu’il dit : « « Le développement à grande échelle des énergies décentralisées ne peut offrir aux hauts fonctionnaires les mêmes plans de carrière que ceux que leur offrent, depuis l’avènement du charbon, les énergies centralisées. Celles-là constitueront ce que Joël de Rosnay a conceptualisé sous le nom de “la longue traîne” : une infinité d’acteurs de taille moyenne, proches du terrain, représentant à eux tous une très grande surface économique et sociale. Ce projet sociétal, pour lequel j’ai toujours milité, est donc opposé à leur propre projet de corps. Avec les baisses réelles du coût des énergies renouvelables, ces deux projets sont maintenant en concurrence véritable et se préparent dans notre pays à un choc frontal. C’est pourquoi nous avons tous connu tellement de hauts fonctionnaires nucléocrates et si peu de proénergies renouvelables. Un phénomène inverse à l’évolution des mentalités dans la société en général. Et ceux que nous avons eu à connaître sont généralement restés très peu de temps en poste, ou ont très vite été marginalisés en périphérie du pouvoir. »
La suite de l’analyse d’Alain Liébart est disponible sur le site energies-renouvelables.org
Marc Théry (17 mars 2015)
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Marc Théry, polytechnicien, est ingénieur territorial chargé de mission énergie à la communauté de communes du Mené, un territoire moteur de la transition énergétique au nord de la Bretagne. Marc Théry est l’auteur des newsletters « Les Energéthiques du Mené », des éditoriaux indépendants que l’on peut lire par exemple sur le site www.transitionfrance.fr.
En réponse à la chronique « Electricité Renouvelable : selon Chantal Jouanno, la France est incapable de faire aussi bien que le Japon et l’Allemagne » publié sur Techniques de l’ingénieur, voilà ce que Marc Théry dit :
« Hélas, désolé de devoir reconnaître que, pour une fois, Madame Jouanno a totalement raison. Non qu’il y ait une impossibilité physique ou matérielle à faire en France autant et même beaucoup plus qu’au Japon ou en Allemagne, bien au contraire : nos ressources renouvelables sont plus importantes. Mais ces deux pays n’ont pas la chance de compter l’élite inestimable, (les grands corps de l’état : énarchie, mines, ponts etc…) qui depuis la deuxième guerre mondiale nous a engagés dans toutes les impasses industrielles et énergétiques possibles qui ont fait de la France un nain industriel et un musée des horreurs énergétiques (nous y arrivons). Sans compter les ministères inénarrables, comme celui de la couture et du macramé dont fut chargé Madame Jouanno, championne de Karaté et ci-devant énarque elle-même.
Il faudrait pourtant maintenant en arriver à la vraie question : quand ceux qui sont chargés de résoudre les problèmes non seulement n’y parviennent pas, mais les aggravent avec pertinacité (c’est à dire obstination perverse), n’est-ce pas parce qu’ils sont eux-mêmes le problème ou une grande partie de celui-ci, Madame Jouanno en tête, qui n’a pas plus de compétence pour parler de cette question que moi pour jouer du violon ? Mais le papier ne refuse pas l’encre, et, avec la complicité des grands médias qui façonnent « l’opinion publique », ne doutons pas qu’il y a peu de risque que cela change… sauf accident majeur (économique ou autre), mais là, on changera sans doute de registre, hélas. »
Marc Jedliczka (20 mars 2015)
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Marc Jedliczka, est directeur de l’association HESPUL et vice-président du CLER, le réseau pour la transition énergétique.
Ce qu’il dit : « Dans le cadre de mes responsabilités nationales au sein du CLER, j’ai participé personnellement aux groupes de travail du Grenelle, mais aussi au débat national sur la transition énergétique. Selon moi, ce qui bloque en France, clairement, c’est le nucléaire. Cela en deviendrait presque caricatural, il y a un aveuglement complet qui fait que le moindre kWh de photovoltaïque ou d’éolien pose problème au nucléaire et qu’ils ont les moyens de l’empêcher (…) »
La suite de l’interview de Marc Jedliczka est disponible depuis le blog MilkTheSun
Patrick Saultier (2015)
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Patrick Saultier, ingénieur consultant projets locaux et participatifs EnR, directeur général d’Ile de Sein Energie (IDSE) et de Brocéliande Energies Locales.
Ce qu’il dit : « Comment expliquer qu’à Sein nous devons nous battre pour remplacer le fioul par des énergies plus sûres, moins chères et moins polluantes ? Que ceux qui ont des intérêts pour le système actuel s’y opposent est compréhensible. Que les gouvernants ne nous donnent pas la possibilité de le faire le serait moins ! Faisons le voeux que nos dirigeants retrouveront la raison et l’usage de la calculatrice en 2015 ! (…) »
Suite de l’analyse sur le site d’Ile de Sein Energie
Daniel Bour (mars 2015)
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Daniel Bour est président d’ENERPLAN, le syndicat des professionnels de l’énergie solaire.
Ce qu’il dit : « La France semble ne pas avoir pris la pleine mesure de la révolution solaire, et est par conséquent de plus en plus distancée »
La suite de l’interview de Daniel Bour est disponible depuis le site du Figaro.
François Lempérière (septembre 2014)
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François Lempérière, polytechnicien, est président de l’association Hydrocoop, ex-président du CFGB (Comité Français des Grands Barrages), ex-président du comité des coûts de la Commission Internationale des Grands Barrages et lauréat de l’Académie des Sciences à Paris.
Ce qu’il dit :« Les obstacles qui sont placés pour freiner le développement des énergies renouvelables en France sont absolument lamentables »
Thierry Salomon (17 mars 2015)
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Thierry Salomon, énergéticien et vice-président de négaWatt.
Ce qu’il dit, depuis sa page Twitter : « Comme c’est étrange: la présentation de l’étude ADEME « Vers un mix électrique 100% renouvelable » a mystérieusement disparue du programme du colloque ADEME des 14-15 avril 2015. Magie noire ? Eclipse solaire ? »
Après Fukushima, vers le 100% renouvelable en France ?
C’était une étude qui était fortement attendue par les acteurs de la transition énergétique.
L’ADEME annonçait sur son site internet (message toujours visible) :
« En 2012, la part des énergies renouvelables dans le mix électrique français était de 16,7% et la loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte a été préparée avec en ligne de mire dans son exposé des motifs, des objectifs de 27% en 2020 et de 40% en 2030 (…) Pendant deux jours, tables rondes et ateliers participatifs se succéderont avec une volonté affichée d’apporter des solutions et un mode d’emploi pour réussir l’implantation des EnR électriques au sein des territoires. L’ADEME profitera de ce rassemblement pour présenter son étude « Vers un mix électrique 100% renouvelable » dont les conclusions permettront un débat riche et porteur de solutions nouvelles et innovantes. »
Dans un communiqué de presse ADEME (agenda du premier semestre 2015) on peut lire :
« Le point d’orgue de ce colloque est la présentation d’une étude inédite commandée par l’ADEME et qui fournit les pistes pour une production d’électricité 100% renouvelable. »
Mais quand on va sur la page du programme du colloque la présentation de l’étude a disparu remarque le réseau TEPOS, le réseau TErritoires à Energie Positive qui rassemble les collectivités et acteurs du monde rural qui visent l’objectif 100% énergies renouvelables.
L’étude était pourtant bel et bien au programme, inscrite noir sur blanc, comme en témoigne le moteur de recherche Google, qui a beaucoup de mémoire.
Que s’est-il passé ? L’ADEME est placée sous la tutelle des ministres chargés de la recherche, de l’écologie et de l’énergie. Les services de la Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’énergie, Ségolène Royal, ont-ils exigé ce retrait ? EDF est-il passé par là ? La perspective d’une électricité 100% renouvelable constitue-t-elle un sujet tabou en France ? Ou alors quelle explication ? La Gazette des Communes, elle aussi, s’interroge.
L’étude a été intégralement financé par l’ADEME (294 371,48 EUR TTC). Le marché public est décrit ainsi (source) :
Intitulé : « Cap 100 % Enre 2050, modélisation et optimisation d’un système électrique français 100 % renouvelable en 2050. »
« L’Ademe souhaite pouvoir publier une étude permettant de définir les conditions et les impacts précis qu’aurait la mise en place d’un approvisionnement électrique à haut taux de pénétration des Enr (entre 75 % et 100%) à l’horizon 2050. A l’issue de cette étude, l’ademe souhaite pouvoir apporter des réponses aux questions suivantes :
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sous quelles contraintes est-il possible de fournir une électricité à 75 ou 100% renouvelable sur le territoire métropolitain en 2050 ?
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quel serait alors le mix énergétique optimal ?
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quelle serait la répartition géographique des moyens de production ?
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quel serait l’impact sur le coût de l’électricité pour le consommateur ?
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quels seraient les besoins en terme de réseau de transport et d’interconnexions ?
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quels seraient les besoins de moyens d’équilibrage et de services système ?
Notre volonté est de travailler sur l’équilibre offre-demande, afin d’estimer au plus juste les besoins en termes de capacités d’équilibrage et de transport nécessaires. Cette étude devra donc simuler l’équilibre offre-demande sur le réseau de transport, ainsi que le transit des flux d’électricité sur celui-ci, afin d’établir la capacité des systèmes électriques étudiés à couvrir la demande, et dans quelles conditions. Les résultats devront suggérer un ou des » Mix énergétiques » optimaux, ainsi que leurs répartitions géographiques, en fonction de jeux d’hypothèses issus de travaux prospectifs »
Le cahier des charges complet de l’étude, datant du 6 mars 2013, est disponible ici (PDF), sur le blog de Manfred Amoureux, ingénieur énergéticien. L’étude est décrite depuis le site PERSÉE (Centre Procédés, Energies Renouvelables et Systèmes Energétiques) de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris (Mines ParisTech):
« Le projet ADEME CAP 100% Energies Renouvelables est considéré par les acteurs du domaine comme un projet stratégique. Il a comme objectif d’étudier le scénario de transition vers un mix électrique « à forte composante renouvelable » (e.g. de 40 à 100% de la consommation). Il doit permettre d’identifier, pour différentes hypothèses et en prenant en compte les caractéristiques du réseau de transport d’électricité, quels mixs énergétiques seraient possibles et pertinents, à quel coût et avec quels bénéfices environnementaux. Un panel d’industriels composé de de ERDF, TOTAL, Météo-France, la RTE et la DGEC a été constitué pour former le comité consultatif de ce projet phare.
La méthodologie du projet repose sur une optimisation des coûts de capitaux et des coûts d’opération du mix électrique. Les coûts d’opérations dans cette optimisation sont calculés afin d’assurer sur un nombre satisfaisant d’années météorologiques l’équilibre « offre-demande » à chaque heure de l’année et en tout point du réseau. Le réseau est modélisé de manière simplifié à partir de 25 zones incluant les pays frontaliers. L’optimisation des coûts d’investissement comprend notamment les investissements dans les centrales de production renouvelable, des moyens de stockage, leur localisation, les lignes de transport électriques. »
Robin Girard, docteur en mathématiques appliquées et spécialiste des systèmes électriques à base d’énergies renouvelables est la personne référente pour ce projet de recherche. L’étude « Vers un scenario énergétique 100% EnR (Energies renouvelables) pour la France » a été présentée par Robin Girard en octobre 2014 dans le cadre de « Journée Futuring Cities – Ville et Energie Durable », à l’Institut Mines Telecom, Paris. Robin Girard a notamment fait partie du programme de recherche « Safe Wind Project » (présenté page 9 ici).
Les partenaires du projet sont ARTELYS, société spécialisée dans l’optimisation des systèmes énergétiques, ARMINES-PERSÉE et ENERGIE DEMAIN, entreprise spécialisée dans la planification énergétique territoriale, la maîtrise de l’énergie et le développement des énergies renouvelables.
Selon le service presse de l’ADEME contacté par les Techniques de l »ingénieur, la présentation et publication de l’étude a été reportée au second semestre 2015. Des études complémentaires seraient nécessaires. Mais alors pourquoi avoir annoncé sa présentation le 14-15 avril 2015 ? N’était-il pas possible de publier l’étude comme prévu puis les compléments dans un second temps ?
Selon Eurostat la France est à l’échelle européenne médaille de bronze du retard pour remplir ses objectifs en matière d’énergies renouvelables. Seuls deux pays font pire.
L’esprit Solar Impulse de Bertrand Piccard parviendra-t-il un jour jusqu’à l’état français ?
Par Olivier Daniélo
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