Livres blancs en téléchargement gratuit

Pour accompagner vos abonnements aux ressources documentaires et services, Techniques de l'Ingénieur vous offre les dossiers spéciaux de la rédaction sur des sujets variés, à télécharger gratuitement.

Se trouve dans Énergie

L'Europe à la croisée des chemins : la transition vers une mobilité verte

Publié en janvier 2025

L’Europe se trouve à un moment charnière de son histoire en matière de transition énergétique, alors qu’elle cherche à concilier son ambition de neutralité carbone et la montée en puissance de l’électromobilité. Le passage à une économie fondée sur des énergies durables, et notamment sur la mobilité électrique, nécessite des efforts concertés et une planification stratégique à long terme. Cette transformation repose sur une dépendance de plus en plus marquée à l’égard de métaux critiques, en particulier ceux qui entrent dans la fabrication des batteries pour véhicules électriques. La sécurisation de cette chaîne de valeur, de l’extraction des matériaux au recyclage des batteries en fin de vie, est devenue un impératif pour garantir l’indépendance énergétique et industrielle de l’Europe.

Une batterie lithium-ion typique comporte une électrode négative en graphite, une électrode positive constituée d’éléments chimiques, considérés comme stratégiques voire critiques pour l’Europe, tels que le lithium, le cobalt, le nickel et le manganèse, ainsi qu’un électrolyte à base d’un mélange de solvants organiques et d’un sel de lithium permettant aux ions lithium de se déplacer entre les deux électrodes pendant les cycles de charge et de décharge.

Du point de vue technologique, les batteries lithium-ion sont actuellement la norme dans l’industrie, en raison de leur haute densité énergétique et de leur coût de production relativement faible. Cependant, cette technologie a ses limites, notamment en termes de durée de vie, de sécurité et de performance dans des conditions extrêmes. Malgré leur efficacité, ces batteries sont sujettes à des risques de surchauffe et d’incendie, particulièrement si elles sont endommagées ou mal gérées thermiquement. La recherche en sciences des matériaux et en ingénierie des batteries explore des solutions pour dépasser ces limitations. Les batteries à état solide, qui remplacent l’électrolyte liquide par un matériau solide, offrent un potentiel prometteur. Elles pourraient améliorer la sécurité, augmenter la capacité de stockage et permettre des temps de charge plus rapides. Cependant, ces technologies sont encore en phase de développement et doivent surmonter des obstacles techniques importants avant de pouvoir être commercialisées à grande échelle. Le coût élevé de production de ces batteries et les défis liés à la mise en place de chaînes d'approvisionnement pour les nouveaux matériaux qu’elles requièrent sont également des freins à leur adoption rapide.

Le lithium, le cobalt, le nickel et le manganèse, tous essentiels à la fabrication de batteries lithium-ion, sont aujourd’hui au centre des préoccupations. Ces matériaux sont principalement extraits et raffinés dans des pays hors d’Europe, créant une vulnérabilité géopolitique. Le contrôle de ces ressources est souvent entre les mains d’un petit nombre de pays, avec des conséquences potentielles sur les prix et la disponibilité en fonction des relations diplomatiques et des conditions du marché global. De plus, l’extraction de ces métaux a un coût environnemental qui peut s’avérer élevé, notamment en termes de consommation d’eau et d’énergie, sans parler des préoccupations croissantes concernant l’intégration des mines dans le territoire.

Pour répondre à ces défis, l’Europe doit développer une approche stratégique à plusieurs niveaux. Cela inclut l’établissement de partenariats à long terme avec des pays producteurs de métaux, l’investissement dans des technologies qui permettent de réduire la dépendance à ces ressources critiques, ainsi que l’exploration de nouveaux gisements en Europe même, notamment au Portugal et en Finlande, où des réserves de lithium ont été identifiées. Pour que des projets d’ouverture de mines réussissent, il est essentiel de trouver un équilibre entre les besoins industriels et les préoccupations locales.

La France, comme le Portugal, cherche à éviter la dépendance vis-à-vis des importations en sécurisant ses propres sources de lithium, mais les projets doivent être menés dans le respect des communautés locales et de l’environnement. L’acceptabilité sociale de ces projets est déterminante pour leur succès. Comme l'a montré l'exemple serbe pour exploiter la jarosite, un minerai riche en lithium, une opposition intransigeante de la population peut bloquer même des projets d'envergure internationale. À l'inverse, le Portugal a démontré qu’un dialogue ouvert, même après une forte opposition, peut mener à des compromis permettant l’avancée des projets dans des conditions plus acceptables pour les parties prenantes. D’une manière générale, une attention particulière doit être portée sur le développement de technologies d’extraction plus durables et respectueuses de l’environnement tout en garantissant des conditions de travail éthiques, qui se traduit par le projet de mise en place d’un passeport européen de la batterie.

En parallèle, l’Europe investit massivement dans la construction de gigafactories, ces immenses complexes industriels destinés à la production de batteries à grande échelle.

Ces usines sont essentielles pour répondre à la demande croissante en batteries haute performance, tant pour les véhicules électriques que pour le stockage d’énergie renouvelable. Une trentaine de projets sont en cours, notamment en France (ACC, Verkor), en Allemagne et dans les pays nordiques (Northvolt). Ces gigafactories jouent un rôle crucial, non seulement pour l’industrie automobile, mais aussi dans la stratégie de réindustrialisation de l’Europe, créant des milliers d’emplois dans des secteurs à forte valeur ajoutée. Cependant, la production à grande échelle de batteries lithium-ion reste complexe, car elle nécessite la coordination de nombreuses chaînes d'approvisionnement, tant locales qu’internationales.

Les difficultés rencontrées par Northvolt, l'une des entreprises phares de la transition énergétique européenne, illustrent bien les défis auxquels seront confrontées les gigafactories européennes. Malgré des investissements massifs et un soutien politique fort, Northvolt a dû faire face à plusieurs obstacles majeurs, notamment l'optimisation des rendements et la réduction des coûts.

Un des défis est la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. La construction et l'exploitation de gigafactories requièrent des compétences avancées en ingénierie, chimie des matériaux et automatisation industrielle, domaines où l'Europe manque encore de professionnels formés. La mise en place de systèmes de production flexibles et robustes sera également essentielle pour éviter des coûts supplémentaires et des retards, un enjeu commun à toutes les gigafactories en développement. Cependant, la construction de ces infrastructures ne résout qu’une partie du problème. Pour que ces usines fonctionnent de manière optimale, elles doivent être approvisionnées en matières premières de qualité, de manière fiable et continue. Cela soulève des questions quant à la durabilité des approvisionnements en matières premières, mais aussi quant aux besoins énergétiques énormes de ces usines elles-mêmes. Il est impératif que l’électricité utilisée pour alimenter ces gigafactories provienne de sources bas carbone (énergie renouvelable, énergie nucléaire), afin que la production de batteries soit alignée avec les objectifs climatiques européens. Ces difficultés illustrent les obstacles que l'Europe doit surmonter pour rivaliser avec les acteurs américains et asiatiques dans la course mondiale à la production de batteries.

Un autre aspect clé de cette transition est le recyclage et la mise en place d’une stratégie favorisant une seconde vie dans le domaine du stockage de l’énergie stationnaire et pour les batteries du secteur automobile. Le cycle de vie d’une batterie ne s’arrête pas à la fin de sa capacité d’alimentation des véhicules électriques ; les matériaux qu’elle contient peuvent être récupérés et réutilisés, réduisant ainsi la nécessité d’extraire de nouveaux métaux. Cependant, les processus de recyclage actuels sont coûteux et complexes, notamment en raison de la diversité des matériaux utilisés dans les batteries modernes. L’Union européenne a mis en place des régulations strictes pour encourager le développement de technologies de recyclage plus efficaces et pour s'assurer que les fabricants conçoivent des batteries en tenant compte de leur recyclabilité. L'objectif est de créer une véritable économie circulaire où les métaux sont réintroduits dans la chaîne de production après utilisation (si aucune réutilisation de la batterie n’est envisageable), réduisant ainsi la dépendance aux sources primaires. Le développement d’infrastructures de recyclage performantes est crucial pour éviter que des millions de batteries usagées ne deviennent des déchets électroniques non traités. Actuellement, des technologies comme l’hydrométallurgie et la pyrométallurgie sont utilisées pour récupérer les métaux des batteries en fin de vie, mais des innovations supplémentaires sont nécessaires pour améliorer l’efficacité de ces procédés et réduire leur impact environnemental.

Enfin, pour que cette transition énergétique soit réussie, l’Europe doit adopter une approche holistique, intégrant la recherche et l’innovation, des régulations strictes, des investissements dans les infrastructures, et une coopération internationale renforcée. Il est également nécessaire de sensibiliser les consommateurs et de les impliquer dans cette transformation, notamment en les encourageant à adopter des véhicules électriques et en favorisant des politiques incitatives pour promouvoir les pratiques durables.

En conclusion, l’Europe est à l’aube d’une transformation énergétique majeure, avec des défis considérables, mais aussi des opportunités uniques de devenir un leader mondial de la mobilité verte et de l’économie durable. En s’appuyant sur une stratégie intégrée, combinant innovation technologique, recyclage des matériaux et construction de gigafactories, elle peut non seulement renforcer son indépendance énergétique, mais aussi réduire son impact environnemental et créer de nouvelles dynamiques économiques. La clé de cette réussite réside dans une coopération étroite entre les gouvernements, les industries et la recherche, ainsi qu’une vision partagée pour un avenir plus vert et plus résilient.

 


Crédit visuel couverture : 4045 sur freepik

Vous souhaitez partager ce livre blanc ?   

Facebook

Twitter

Linkedin

Chargement

Merci de patienter ...