Tandis que les gouvernements prêtent de plus en plus attention au potentiel de la géo-ingénierie dans la lutte contre le changement climatique, Peter Madden s'interroge pour savoir dans quelle mesure nous devons manipuler notre futur.
Vivrons-nous dans le futur dans des « villes blanches » ? Notre quête pour refroidir la planète nous amènera-t-elle à construire des versions modernes des villages traditionnels des Grecs et des Espagnols, dont les couleurs pâles réfléchissent les rayons du soleil ? Cela peut sembler un peu tiré par les cheveux mais c’est la vision de Steven Chu, Secrétaire américain à l’énergie, qui a récemment suggéré de peindre tous les toits en blanc.Il n’est pas le seul à se tourner vers la géo-ingénierie comme solution au changement climatique. Il y a deux ans, Richard Branson avait lancé un concours avec 25 millions de dollars à la clé pour la technologie capable de capturer au moins un milliard de tonnes de CO2 par an dans l’atmosphère. Celui-ci cherche toujours son gagnant. Alors que de nouvelles données montrent que les émissions atteignent le seuil critique, les gouvernements du monde entier sont de plus en plus à la recherche d’une technologie miracle.
Certaines de ces propositions ont le potentiel pour changer la face du monde. Nos côtes pourraient ainsi dans l’avenir être dominées par d’immenses tours destinées à capturer le CO2 et à le réinjecter dans des aquifères salins ou dans des serres pour faire pousser des fruits et légumes. Des bateaux robots propulsés à l’énergie solaire pourraient croiser nos océans en diffusant une fine brume d’eau de mer dans l’atmosphère pour créer des nuages qui réfléchiront une partie de la lumière du soleil dans l’espace et feront un écran de protection.Derrière ces technologies que l’on croirait tout droit sorties de la science-fiction se cachent deux approches de la lutte contre le changement climatique :
- la première regroupe les dispositifs qui visent à réduire la concentration atmosphérique de CO2 (par exemple, en semant dans l’océan des agents chimiques qui absorbent le CO2 par réaction).
- la seconde regroupe les méthodes qui visent à occulter une partie du rayonnement solaire (par exemple, en faisant pousser des cultures de couleurs claires visant à modifier l’albédo).
Ces méthodes n’impliquent pas toutes des manipulations très poussées. Le biochar ou charbon vert, par exemple, est une méthode aisée pour séquestrer le CO2 dans les sols et l’idée a déjà fait son chemin (voir Burn the trees to save the world ?).
Mais il n’est pas surprenant que la géo-ingénierie fasse l’objet d’une polémique. Alors que ses partisans pensent que nous devons intervenir par tous les moyens pour contrôler notre climat déjà déstabilisé, ses adversaires estiment ainsi que c’est jouer avec le feu. Ils s’inquiètent par ailleurs du fait que la géo-ingénierie ruine toute négociation internationale future sur le climat.Je suis persuadé que la géo-ingénierie verra le jour sous une forme ou une autre. Les techniques pour séquestrer le CO2 seront très certainement appliquées si la concentration de CO2 dans l’atmosphère dépasse le seuil critique. Elles pourraient nous permettre d’échapper au cercle vicieux : l’augmentation des émissions dans l’atmosphère entraîne ainsi une hausse de la température qui est à son tour à l’origine d’une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de sources naturelles comme le méthane (avec la fonte du permafrost).Nous devons simplement nous assurer que ces nouvelles technologies ne détournent pas notre attention d’autres qui sont peut-être moins séduisantes mais qui ont déjà fait leurs preuves.
Green FuturesPeter Madden dirige Forum for the Future qui publie le magazine indépendant Green Futures.
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